Les caricatures du Canard Enchaîné sur Fukushima ne plaisent pas au gouvernement japonais. Retour sur un épiphénomène médiatique qui en dit long à la fois sur l’appréciation d’une catastrophe écologique par les Japonais et l’auto-suffisance de l’humour à la française.
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Yoshihide Suga, porte-parole du gouvernement japonais, l’a annoncé : “Nous avons l’intention d’adresser un message de protestation au Canard Enchaîné via l’ambassade du Japon à Paris”. Non, ce n’est pas une blague : l’hebdomadaire satirique a bel et bien déchaîné les foudres au pays du Soleil Levant. En cause : des caricatures cyniques présentes dans le dernier numéro du Canard Enchaîné, réagissant suite à la désignation de Tokyo comme ville d’accueil des JO 2020.
Et il y en avait beaucoup, des vannes à faire à ce sujet. Cabu, lui, a décidé d’angler son gag sur le sumo. Goûtez plutôt.
Vous remarquerez la centrale en arrière-plan et les deux types en combinaison-masque à gaz qui servent d’arbitres à la rencontre entre les deux étranges mutants sumos. Ci-dessous, un deuxième crobard signé Mougey où deux autres travailleurs encombinés vérifient la teneur en radioactivité de la piscine nucléaire olympique.
Avec l’intention, donc, d’adresser un “message de protestation” au Canard, le porte-parole du gouvernement nippon a ajouté “Ce genre de caricatures blesse les sinistrés de la catastrophe du 11 mars 2011 et véhicule des informations fausses sur le problème de l’eau radioactive à la centrale Fukushima Daiichi. C’est extrêmement regrettable”. “Regrettable”. Allons.
La veille, c’est Shinzo Abe – Premier ministre japonais donc, qui déclarait à propos des fuites radioactives de Fukushima, dans la langue de Shakespeare pour être bien certain de la portée de son message : “Laissez-moi vous assurer que la situation est sous contrôle : cela n’a et n’aura jamais de quelconque dommage sur Tokyo”. On rappelle au passage que chaque jour, ce sont 300 tonnes d’eau radioactive qui se déversent dans l’Océan Pacifique. Et cela sans compter le danger de réservoirs à la fiabilité douteuse qui stockent des centaines de milliers de tonnes d’eau très polluée.
Ainsi, comme nous vous le rappelions ici, le gouvernement japonais et l’exploitant Tepco sont dans une telle impasse pour pallier le problème qu’ils en sont réduits à envisager des techniques d’ingénierie complètement improbables, tel un mur de glace. Et cela, n’est-ce pas regrettable ?
“Encore les médias français !”
Qu’à cela ne tienne : l’honneur, au Japon, c’est sacré. On ne se moque pas impunément. Aussi, le journal de centre-gauche Mainichi Shimbun a-t-il titré “Encore les médias français”, incriminant dans un article de l’agence Kyodo le contenu des deux caricatures, traduites pour l’occasion. Mais il s’agit de ne pas se hâter de prendre les Japonais pour des mauvais coucheurs.
Une journaliste japonaise explique au Huffington Post pourquoi un tel malaise quant à rire de la catastrophe Fukushima : “Il y a des gens qui ont réellement subi l’impact des radiations et ce genre de dessins les blesse. Cela provoquerait un énorme scandale [si ces dessins] étaient publiés dans la presse nippone”, décrypte-t-elle pour nos étroits esprits occidentaux.
Ce sont en effet 160.000 personnes qui ont dû être déplacées, des pertes matérielles, énergétique et financières très importantes (pas très bienvenues en période de crise économique), sans compter le traumatisme d’un peuple qui, décidément, n’a pas beaucoup de chance avec l’atome.
Le problème avec l’humour
Ah, la France. Pays des calembours gras et des camemberts péteurs, (ou bien est-ce le contraire ?) propre à rire de tout, même des vannes aux grosses ficelles de Laurent Ruquier dans l’émission hebdomadaire “On n’est pas couché”. Et oui, souvenez-vous : l’animateur radio d’Europe 1 avait, il y a un an, déjà chatouillé l’honneur japonais dans son talk show tardif. Le présentateur revenait sur la victoire en football de l’équipe de l’archipel sur nos Bleus nationaux. Attention, humour fin, raffiné… avec une bonne grosse cuillère à soupe de saindoux.
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Laurent Ruquier – On n’est pas couché
La blague sur “l’effet Fukushima”, présentant le gardien des buts japonais avec une paire de bras supplémentaire, était à l’époque déjà mal passée chez nos amis Japonais. En revanche, rien sur la vanne sur le nom du joueur nippon Konno, donnant lieu à un bon mot qui devrait figurer au Panthéon des galéjades les plus nauséabondes. Oui, même si vous n’avez pas cliqué sur la vidéo, vous l’avez sentie venir de loin, cette bonne blague, nichée quelque part entre épais populisme de comptoir et racisme ordinaire pour ménagère de quota Médiamétrie.
Amis japonais, la prochaine fois que vous vous offusquez des moqueries faites à votre encontre par des médias français, changez votre angle d’attaque et mettez-nous le (long) nez dans nos excréments autrement. Car comme le disait ce cher Pierre Desproges, si on peut certes rire de tout – “mais pas avec tout le monde” -, le problème c’est que parfois, c’est tout simplement la blague qui est nulle.
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