Qui sont les nouveaux musclors vegan, ces athlètes qui disent non à la viande

Qui sont les nouveaux musclors vegan, ces athlètes qui disent non à la viande

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(@amandinewellness / @super7workout)

Il est largement temps de revisiter le mythe du sportif ultra viandard.

En matière de lien entre sport et alimentation, les clichés ont la peau dure. D’un côté du spectre, les accros à la salle de sport qui s’enverraient supposément six œufs crus chaque matin et trois entrecôtes à chaque repas pour maintenir leur apport protéique assez haut. De l’autre côté, les vegans, que l’on dépeint volontiers comme des orthorexiques dont les corps sous-protéinés ne pourraient fournir le moindre effort. Sauf qu’il existe une catégorie de gens qui font voler en éclat toutes ces idées reçues : des sportifs de haut niveau, ultra exigeants et n’avalant pas un gramme de matière animale.

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Cause animale, santé et performances

Pour Mathieu, sportif depuis sa plus tendre enfance et engagé dans un programme de renforcement musculaire depuis ses dix-sept ans, c’est d’abord une question de santé qui l’a poussé à végétaliser son alimentation. J’ai été confronté à des troubles chroniques qui ont pu être maîtrisés par ce mode d’alimentation. Mon corps m’a envoyé des signaux pour que je prenne conscience de son besoin d’écoute”, confie le créateur du compte Instagram super7workout, dont le projet de coffee healthy/espace de training a été fauché par la Covid-19.

Le parcours d’Amandine Léger est un peu différent. Coach sportive diplômée d’État depuis 15 ans, elle a arrêté de consommer des produits d’origine animale à un moment bien particulier de sa vie. “Je sortais de neuf mois de diète intensive avec des signaux de satiété complètement faussés”, raconte celle dont le compte instagram amandinewellness dépasse désormais les 65K followers. À l’époque, la jeune femme prépare en effet un concours de fitness dans lequel il est essentiel d’avoir un corps sec et ultra tracé. “C’est plus ou moins l’inverse du sport et de l’alimentation bien-être que je défends aujourd’hui. J’ai eu la chance de ne pas développer de troubles alimentaires à cette époque, mon expérience de coach m’a sûrement permis de prendre du recul.” Et d’ajouter : “Et puis tout ça est tombé à un moment où mes valeurs éthiques se sont clairement affirmées, notamment suite à une discussion avec mon ami. Il m’a simplement demandé pourquoi, avec ces valeurs qui m’étaient visiblement si chères, je mangeais encore de la viande. Je n’ai pas su quoi répondre, ça a été un déclic.”

Des effets inattendus

Les convictions, c’est aussi ce qui a conduit Florian à devenir vegan, quelques mois après qu’il s’est mis à la musculation. Et si la synchronicité de ces deux événements ne permet pas réellement au jeune homme d’évaluer l’impact du régime non carné sur sa shape, il a constaté un effet auquel il ne s’attendait pas en renonçant à manger des produits animaliers : “J’avais des carences en fer que je ne parvenais pas à combattre. J’avais beau manger du foie, du boudin et autres, il n’y avait rien à faire, jusqu’à ce que je devienne vegan”. Un constat qui, s’il est surprenant, peut s’expliquer par la forte teneur en fer de certains aliments clés de ces régimes : les lentilles, les pois chiches, certains fruits secs et certains champignons. Amandine a quant à elle noté deux changements clés. Le premier est un regain d’énergie dû à la réintroduction des glucides ainsi qu’une plus grande variété de nutriments dans son alimentation. Le second est un galbe qu’elle trouve beaucoup plus doux et harmonieux qu’après son régime sec.

De son côté, Jean-Ludovic a connu une importante perte de poids et de muscles. “Quand j’ai arrêté les protéines animales, je me nourrissais de manière très intuitive et je ne faisais pas assez d’activité physique pour maintenir ma masse musculaire”, constate ce consultant informatique qui a découvert le véganisme dans un camp du programme d’amaigrissement The Biggest Loser, aux États-Unis. Mais s’il court aujourd’hui entre soixante-dix et quatre-vingts kilomètres par semaine, c’est aussi parce qu’il a arrêté de boire et de fumer, totalement.

C’est aussi le cas de Charlotte qui a dit adieu à la cigarette en même temps qu’aux protéines animales. Dégoûtée par le traitement de la viande en pleine rue dans son pays d’adoption, cette trail runneuse qui vit à Hong Kong s’entraîne cinq à six fois et avale entre cinquante et cent kilomètres par semaine, en fonction du dénivelé. Le tout sans ingérer le moindre produit animal. Pour le cliché des vegans sans énergie, on repassera.

Shakers et gourmandise

“Je n’ai jamais pris autant de plaisir à manger, c’est bien ça le problème”, plaisante Jean-Ludovic quand on lui demande s’il prend toujours du plaisir à manger depuis son changement de régime alimentaire. Pareil pour Florian qui, s’il était capable de s’envoyer 400 grammes de poulet frit la veille de sa transition, se fait lourdement plaisir lorsqu’il mange. “Évidemment, une pizza vegan sera toujours plus saine qu’une quatre fromages pour la simple et bonne raison qu’il n’y a pas tout ce fromage. Mais manger vegan ne veut pas dire manger sain, je consomme beaucoup de burgers, de pizzas et donc beaucoup de gras”, explique ce dernier.

Au-delà de la question du gras, tous les sportifs vegan ou végétaliens interrogés s’accordent sur deux points : l’importance de la gourmandise. “Quel que soit votre régime alimentaire, il est essentiel de se faire plaisir. Il ne faut pas oublier que le cerveau et le corps forment une entité. Si l’un des deux n’est pas satisfait, l’autre ne le sera pas non plus”, défend la coach sportive Amandine Léger. Pour Mathieu, le sujet relève même d’une dimension philosophique : “Le plaisir est important car il est source de joie, de bien-être, de satisfaction et de réconfort. Il est néanmoins important que celui-ci soit le moins possible contrôlé par notre ego, par la pulsion, car cela nous mène à la surconsommation, à la frustration et au regret.”

L’autre point convergent de beaucoup de ces profils, c’est la consommation de shakers de protéines végétales pour compléter leur régime alimentaire. “Quand tu cours 10 kilomètres pendant trois jours, si tu n’ingères pas de protéines, ton corps crie à l’aide”, décrit Jean-Ludovic. C’est aussi le constat d’Amandine qui les intègre volontiers à ses petits-déjeuners tandis que Charlotte en profite après ses séances d’entraînement. Car à leur niveau de sportivité et d’effort physique, il est presque impossible d’absorber assez de protéines pour nourrir sa masse musculaire à travers leurs repas. Un problème que connaissent d’ailleurs aussi souvent les sportifs carnistes. “C’est vraiment pour des raisons pratiques”, explique Florian, “j’aime faire mes trois repas par jour, je n’ai pas envie d’en faire six pour satisfaire mes besoins”. Une commodité donc, à laquelle ils se soumettaient déjà presque tous avant leur transition alimentaire.

Le reste du monde

À en croire ces dingues de workout, de fitness de muscu ou de trailrunning rien d’incompatible entre un régime vegan et une performance de haut niveau. Le plus difficile reste peut-être de se faire accepter et comprendre par le reste des sportifs. Car jusqu’ici l’accueil est mitigé. Les camarades de salle de muscu de Florian s’y intéressent avec distance, quand il porte un débardeur floqué d’un slogan vegan. Mais, lorsqu’ils le voient soulever ses cent kilos en développé couché malgré son physique svelte, il arrive qu’on le questionne.

Pour Mathieu, le ressenti diffère. “Je trouve que les sportifs autour de moi sont plutôt admiratifs. Ils se disent tous, qu’au final, la viande ou la surconsommation d’œuf ne sont pas des produits miracles. Beaucoup de mes amis ont d’ailleurs pris conscience qu’ils pouvaient nuancer leur alimentation en réduisant leur apport en protéines animales et en intégrant plus de végétal sans que leurs performances ne soient impactées, bien au contraire.” Bien que ce type de régime alimentaire soit encore peu répandu, il commence à faire son chemin dans ce secteur ultra viandard, notamment le trailrunning où Charlotte raconte qu’on lui prête des vertus en matière de récupération. Ce qui n’empêche pas que le mythe du sportif adepte du triple steak et des œufs crus a encore de beaux jours devant lui.