Pourquoi les boulangers sont-ils menacés de “mettre la clef sous la porte” ?

Pourquoi les boulangers sont-ils menacés de “mettre la clef sous la porte” ?

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"J’étais à des années-lumière de penser qu’une facture d’énergie pouvait me faire fermer mon commerce et arrêter ma vie ici."

Après le beurre et la farine, l’énergie : le gaz et l’électricité, indispensables à la cuisson du pain et des gâteaux, coûtent de plus en plus cher aux boulangers. Trois d’entre eux témoignent des conséquences de cette flambée des coûts : l’un a fermé, une autre le redoute, et le troisième cherche des sources d’économie. Julien Bernard-Regnard a baissé définitivement le rideau de sa boulangerie de Bourgaltroff (Moselle) le 3 décembre après avoir vu sa facture d’électricité mensuelle de TotalEnergies bondir de près de 400 euros à 1 500 euros.

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“J’étais à des années-lumière de penser qu’une facture d’énergie pouvait me faire fermer mon commerce et arrêter ma vie ici. Il y a des boulangeries qui ferment tous les jours”, dit-il avec amertume. “Les ministres sont censés nous défendre mais je n’ai eu droit à aucune aide”, affirme-t-il, écœuré de les entendre marteler qu’ils “ne laisseront crever personne”.

Dans “le flou le plus complet”

Pour Nadège, 34 ans, qui tient avec son mari Nicolas une boulangerie-pâtisserie depuis 2015 à Lons-le-Saunier (Jura), “tout arrive en même temps”, les “rappels Urssaf” et “les produits qui ont flambé”. “On paie double sur le beurre, le lait, la crème, mais la plus grosse inflation, c’est la farine, passée de 65 euros le quintal à 100 euros.” “Notre abonnement (d’électricité) prenait fin en mai 2022, Engie nous a donné les nouveaux tarifs, non négociables. Avant, on payait entre 1 500 et 1 700 euros le trimestre, et maintenant, c’est 2 700 euros tous les deux mois”, énumère-t-elle.

Le couple fait partie d’un collectif qui s’est baptisé “La boulangerie à poil”, publiant un calendrier de photos d’artisans qui posent nus sur des sacs de farine ou devant les fours, une idée “pour rigoler” qui s’est muée en revendication avec la crise énergétique. Concernant l’amortisseur électricité, mesure entrée en vigueur le 1er janvier 2023, “je n’arrive toujours pas à connaître le tarif que je vais avoir, c’est le flou le plus complet”, déplore Nadège, qui souhaiterait que le gouvernement réglemente les tarifs de l’énergie. “Sinon, ce sera la clef sous la porte. Pas le choix !”

“Il faut produire différemment”

“Cela fait des mois qu’on cherche” à économiser l’énergie, explique Jérôme Delagarde, dont la boulangerie emploie douze salariés et deux apprentis dans le centre de Meudon (Hauts-de-Seine). “J’ai fait baisser la température des fours et régler les horloges” pour optimiser leur allumage automatique, explique le boulanger.

Pour faire face aux hausses combinées de l’énergie et des matières premières, il augmente “un peu les tarifs”, ne va pas remplacer deux de ses salariés qui comptent quitter l’entreprise et va réduire les plages d’ouverture et les gammes de plats et gâteaux pour ne garder que les plus rentables. “Il faut produire différemment”, résume-t-il.

Son contrat d’électricité expirait le 31 décembre. Dans le nouveau contrat proposé par son fournisseur EDF, le montant de ses consommations pendant les “heures pleines hiver” est quadruplé. Selon ses calculs, son budget électricité devrait ainsi être multiplié par 2,5 compte tenu des aides de l’État. “Ça reste énorme : c’est comme si on m’enlevait un tiers de mon bénéfice qui me sert à rembourser mes crédits”, souligne le boulanger.