Il est 13 h 30 quand j’arrive le ventre vide au pied du Magic Beau Gosse. Il fait froid à Caen, et je compte bien me réchauffer dans ce fameux kebab planté face à la tour Leroy depuis un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. “On est les rois de la tour Leroy”, lance le gérant Ahmad, fils du fondateur à la longue barbe blanche, aka “le druide”, aussi présent. Car oui, l’enseigne est plus que jamais populaire aujourd’hui, alors que toute la France a sur le bout des lèvres la mystérieuse sauce magique beau gosse citée dans le nouvel album d’Orelsan, Civilisation.
“Cinq heures du mat’ sur le port, un dernier shot (dernier shot)/C’est pour ma viiiille, sauce magique beau gosse (sauce magique, sauce magique)” [“Du propre” – Civilisation]
Comme on a pu le comprendre, cette chaleureuse maison reste ouverte de jour comme de nuit, devenant un passage incontournable pour les fêtards – et les autres. Lors d’une préécoute de l’album quelques jours avant sa sortie, Sofian, ami, collaborateur en label et surtout caennais, a bondi du canap’ dès qu’il a entendu les paroles de “Du propre”, fier comme jamais de voir le kebab de ses nuits cité par le futur maire de la ville. Une fierté pour les gens d’ici, c’est ce que représentent Orelsan et le Magic Beau Gosse, que j’ai eu la chance de goûter en la présence du rappeur, d’Ahmad et de son légendaire père, inventeur de la fameuse sauce aux ingrédients secrets.
Un secret que j’ai tenté de percer, alors que la queue ne désemplissait pas devant l’enseigne. Et comme pour Orelsan, la commande doit être classique (au-delà de la délicieuse moussaka) : un magic beau gosse, pain pita, sauce magique, frites comme rarement vues et goûtées… C’est la barquette de pommes de terre coupées maison qui surprend en premier, par sa garniture.
Les frites d’abord
Finement taillées et croquantes à souhait, elles sont blanchies puis cuites, et enfin recouvertes de mille et une couleurs grâce à une association de choux rouge mariné maison avec du vinaigre et des épices, de fromage râpé mélangé à des petits copeaux de carotte et de persil, de la menthe, et évidemment la sauce magique beau gosse (sur laquelle on reviendra). Le tout est saupoudré d’un peu de sumac, une épice iranienne marron foncé qui se met généralement sur les grillades. Et ça fait toute la diff’.
Une viande pas comme les autres
Bien caché par les chefs qui ont mis du temps à m’en parler – on y reviendra concernant la sauce, car ça a son importance… –, ce même sumac représente la cerise sur le gâteau de viande : passons à la garniture du kebab. La spécificité du Magic Beau Gosse vient aussi de sa broche faite maison, composée de viande de poulet mariné dans laquelle se glissent des tranches de poivrons rouge et vert ainsi que quelques lamelles de citron. De quoi rendre unique l’élément principal de ce mets qu’on pourrait manger tous les jours sans se lasser.
Une fois cuite, la viande est donc couverte de sumac, avant d’être déposée, selon votre préférence sur une pita classique – car il est difficile de trouver un boulanger qui fait des pitas – ou dans un pain tout droit sorti du four. À part le pain, tout est ici fait maison, et on reprend les ingrédients pour garnir tout ça : en plus de l’incontournable salade-tomate-oignons (frits et faits maison), s’ajoutent les produits précédemment cités sur les frites et, encore un élément fait maison à base de marinade sucrée, le cornichon. Sans oublier, vous l’aurez deviné, la légendaire sauce magique beau gosse.
À table
Vous voulez la recette, hein ? Eh bien… il va falloir attendre encore un tout petit peu, car j’ai faim. Un croc, puis deux, puis trois : j’avais tellement la dalle que j’ai oublié de prendre une photo du produit fini et servi. Trop tard, je ne m’arrêterai pas avant d’avoir dévoré ce kebab parfaitement dosé ; pile de quoi avoir l’estomac apaisé. Et fait notable, ce sandwich aux saveurs iraniennes est peu gras et aucune goutte d’huile ne coule du papier qui l’entoure.
Tout est (très) bon, la viande fond dans la bouche et les papilles détectent des goûts jamais associés auparavant, jusqu’à se concentrer sur… Allez, fin du suspense, parlons de la sauce magique beau gosse avec un petit cours d’histoire (désolé, il va falloir encore un peu patienter) : son nom, avec celui de l’enseigne, a été inventé en 2005 car le patron servait ses clients en les appelant “beau gosse”. Ajoutez un peu de magie à tout cela et obtenez le Magic Beau Gosse qui, sans ne jamais avoir fait aucune pub, a tenu plusieurs années en croyant en ses convictions et en sachant se démarquer des autres commerces alentour, qui ont tous fermé depuis. Jusqu’au succès il y a quelques années, que même le KFC, implanté juste en face, continue à envier.
Le secret de la sauce magique beau gosse
Bon, trêve de bavardages, même si vous risquez d’être déçus… Ahmad lui-même ne connaît pas le secret de son père, qui met à exécution dans son coin chaque matin le trésor dont lui seul détient la clé. Tout ce que l’on sait, c’est que la magique beau gosse est composée de sauce samouraï et de sauce blanche faites maison par “le grand druide”. Mais je n’ai pas dit mon dernier mot, et je pense avoir discerné une petite partie de ce secret si bien gardé : du cumin et du sumac, jamais cités concernant la magique beau gosse. Bon, accrochez-vous bien, à force d’insister j’ai réussi à faire sortir le boss des beaux gosses de son silence : “Le secret de ma sauce ? Elle est faite avec amour.”