Ils sont devenus les piliers de ce qui reste de la vie sociale new-yorkaise : jamais les habitants de “la ville qui ne dort jamais” n’avaient autant dépendu de leurs quelque 40 000 livreurs de nourriture à domicile, souvent sans papiers ni couverture santé. C’est la petite consolation des 8,5 millions de New-Yorkais qui, peu habitués à faire la cuisine, peuvent encore se faire livrer à domicile ou acheter des plats à emporter, malgré la fermeture des restaurants, cafés et bars, qui s’est ajoutée mardi à celle des lieux culturels et touristiques.
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Pour soutenir leurs affaires, le maire a autorisé les bars à livrer des cocktails, et suspendu les amendes sur les vélos électriques, très prisés des livreurs mais souvent non conformes aux normes municipales. Malgré ces mesures, la demande s’écroule, tant les gens redoutent d’être contaminés. Et de nombreux restaurants ont fermé, faute de revenus suffisants pour payer leur personnel et leur loyer, alors que la ville tourne au ralenti.
Les livreurs aussi redoutent la contagion, mais, généralement sans couverture santé ni congés payés, ils n’ont pas d’autre choix que de continuer à travailler. Ils multiplient les précautions : certains portent des gants, des masques, ont toujours sur eux un flacon de gel hydroalcoolique. D’autres ont fixé des sacs en plastique sur le guidon de leur vélo pour y glisser leurs mains.
“Pas d’autre option”
“Pendant que les autres restent à la maison, nous, nous prenons le risque d’attraper le coronavirus. Ça m’inquiète vraiment. J’ai une femme et quatre enfants à la maison, tous prennent des mesures pour rester à l’intérieur, mais à quoi ça sert si je les mets en danger en restant dehors ?”, s’interroge Alberto Gonzalez, livreur d’origine hispanique, qui milite pour l’organisation de défense des migrants “Make the Road New York”.
“Il nous faut plus de protection […]. On ne sait pas qui est prioritaire pour être testé, si ceux qui n’ont pas de couverture santé ou de papiers devront payer pour les tests ou les soins”, ajoute-t-il.
“Chaque fois que je fais une livraison, je me mets du gel hydroalcoolique et je change de gants”, dit à l’AFP Luis Ventura, livreur mexicain de 30 ans, en descendant de son vélo au cœur de Manhattan. Il a perdu il y a quelques jours son emploi comme cuisinier dans un restaurant grec, en raison de la chute de la fréquentation due au coronavirus.
Mais il continue à travailler pour Postmates, une entreprise de livraison à domicile qui le paie, hors pourboires, neuf dollars de l’heure – soit en deçà du salaire minimum de 13,50 dollars de l’heure pour les plus petites entreprises. “Sincèrement, ce mois-ci, je n’y arriverai pas financièrement”, déplore-t-il.
“Il faut faire attention avec les poignées de porte, les boutons d’ascenseurs, on ne sait pas qui est malade”, témoigne aussi Abdoulayle Diallo, livreur originaire de Guinée, qui travaille pour Seamless, autre entreprise de livraison à domicile. “Je vais continuer à travailler, car je n’ai pas d’autre option”, ajoute ce jeune homme de 19 ans.
“Je prie Dieu”
Les appels se sont multipliés sur les réseaux sociaux pour augmenter leurs pourboires, en gage de solidarité. Mais sans grand effet pour l’instant, selon une dizaine de livreurs interrogés par l’AFP. “Le travail a trop diminué, de 70 %”, avance Martin Balderas, un Mexicain de 60 ans qui travaille comme livreur pour le restaurant Atomic Wings, spécialiste des ailes de poulet frit.
“Je prie Dieu pour qu’il m’épargne la contagion, mais nous sommes tous exposés”, confie cet homme sans papiers, payé huit dollars de l’heure hors pourboires. Lui non plus ne peut s’arrêter de travailler : son salaire fait vivre sa femme, ses fils et ses petits-enfants restés au Mexique. “Il faut que ma famille mange, et ici, le loyer ne pardonne pas”, dit-il.
Le maire de New York Bill de Blasio offre des prêts à taux zéro allant jusqu’à 75 000 dollars aux entreprises de moins de 100 salariés qui prouvent avoir perdu au moins 25 % de leurs ventes, mais pour de nombreux restaurants, c’est insuffisant. Pour Ousmane Savadogo, livreur de 33 ans d’origine ivoirienne, tout dépendra de la durée de la crise : “Si ça dure deux semaines, ça ira. Si c’est plus, ça va se compliquer.”
Konbini Food avec AFP
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