Du haut de ses 27 ans, Louise Bourrat bénéficie déjà d’une carrière internationale. Passée par l’Hostellerie de l’Abbaye de la Celle, prestigieuse maison d’Alain Ducasse, elle est aujourd’hui à la tête de son remarqué Boubou’s à Lisbonne, un resto tout en assiettes engagées et percutantes. Surtout, avec sa brigade composée essentiellement de femmes, Louise souhaite faire évoluer le monde de la gastronomie encore largement dominé par des chefs masculins. De la Guerre des restos à la finale, du tournage à la diffusion : retour sur le parcours de cette candidate engagée à la créativité débordante.
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Konbini food | Tu étais dans quel état d’esprit avant de commencer le tournage ?
Louise | J’avais peur de ne pas être à la hauteur car je n’avais pas suivi un parcours “classique”. Mais j’étais en mode “Vas-y, prends ce que tu as à prendre”, et, dans tous les cas, ce n’est pas une fin en soi. J’avais un seul objectif : ne pas partir la première. Mine de rien, tu organises ta vie en te disant que tu vas partir éventuellement plusieurs mois, donc si tu rentres une semaine plus tard seulement, c’est un peu dommage.
Tu peux décrire la finale en quelques mots ?
Horrible. Je pense que je peux dire que la finale de Top Chef était un des pires jours de ma vie. Physiquement, je ne me sentais vraiment pas bien. Je n’avais pas dormi la veille… Du coup, je culpabilisais parce que je n’avais pas d’énergie. Le matin, je me suis tapé une crise d’angoisse car je me disais : “Je ne vais pas y arriver, je suis trop fatiguée, on va me ramasser à la petite cuillère.” Je n’avais pas suffisamment anticipé l’ampleur du truc. Quand j’arrive au George V, je me sens vraiment toute petite. Il y a un truc hyper solennel. Tout ça rajoute de la pression. J’ai vécu cette journée dans la souffrance, c’était très dur, il y avait beaucoup de travail.
“Je pense que je peux dire que la finale de Top Chef était un des pires jours de ma vie”
À ce moment-là, tu es entourée de tous tes camarades de Top Chef, comment ça se passe ?
Tous les quatre ont été incroyables. Sans eux, je n’y serais pas arrivée. À un moment donné, les rôles se sont carrément inversés. Ils me disaient : “On ne lâche rien, on va trouver une solution.” Ils se sont défoncés à la cuisine, c’était hyper touchant. Arnaud est venu me donner un coup de main, je n’en revenais pas. J’étais hyper émue de ce dévouement. C’est l’amitié avant tout. Lui, sur la finale, c’était Mister Zéro stress. Je voyais leur team évoluer super bien. Tout était millimétré.
Qu’est-ce que tu retiens de l’émission avec le recul ?
C’était une chance inouïe de faire ces épreuves de fou, de rencontrer toutes ces personnes passionnées. Au départ, sur les épreuves, tu as beaucoup de pression car tu ne connais pas toutes les conditions, tous les paramètres des épreuves : tu ne sais pas parler aux caméras, tu ne connais pas le chrono, ni les cuisines. Ensuite, je ne pense pas qu’on devienne meilleur cuisinier, c’est juste qu’on commence à connaître et contrôler tous les éléments et ça devient ton meilleur terrain de jeu.
Quel est ton meilleur souvenir ?
La Guerre des restos. C’est l’épreuve où je me suis sentie le plus à l’aise car je savais faire, c’était un truc qui me faisait kiffer, de monter un concept comme ça. Ça englobe tout : la cuisine, l’ambiance, le service… Pendant l’épreuve, les chefs avaient un énorme sourire sur le visage. Philippe Etchebest était entré dans la cuisine en criant : “On veut plus de condiments, on veut plus de pain pita.” De l’autre côté, il y a la production qui me dit : “On n’a plus le temps, il faut envoyer les desserts.”
Au-delà des caméras, il n’y avait plus de compétition, ils étaient juste en train de passer un bon moment, ils avaient des étoiles dans les yeux. C’était tellement gratifiant. C’est pour ça que je fais ce métier : pour faire kiffer les gens.
“Je me suis tellement fait défoncer en commentaires que j’arrête de les lire”
Comment décrirais-tu Hélène Darroze ?
Avec Hélène Darroze, on n’avait pas besoin de communiquer verbalement… Elle m’a apporté beaucoup de confiance en moi, elle a cru en moi, elle me disait toujours : “Calme-toi, ne lâche rien.”
Est-ce que tu es attentive aux commentaires sur les réseaux sociaux ?
Je ne le fais pas énormément mais, parfois, on ne me laisse pas le choix… Je vois des trucs très gentils mais aussi des commentaires comme “Grosse salope”, “Tu devrais brûler en enfer”, “Au bûcher la sorcière”. Je me suis tellement fait défoncer en commentaires que j’arrête de les lire. Ça me saoule parce que ça gâche mes victoires. Ce n’est pas parce que je suis une femme que je suis valorisée ou je ne sais quoi… Est-ce que les gens ne peuvent pas se dire que je l’ai tout simplement mérité ? Je sais que je prends ça parce que je suis une femme, et ça fait chier qu’on en soit encore là…
À l’inverse, est-ce que tes fans te demandent des selfies dans la rue ? Comment le vis-tu ?
On me demande des photos dans la rue, au resto… Avant, je le faisais, mais je pense que, de plus en plus, je vais commencer à refuser car c’est malaisant pour les gens avec qui je suis. Quand je suis avec des potes ou mon mec, les gens t’arrêtent pour un selfie mais, après, ils te parlent pendant dix minutes. Quand ça envahit ma sphère privée, ça me pose problème…
Tu donnerais quels conseils à quelqu’un qui veut se lancer dans Top Chef ?
Je lui dirais qu’il faut bien garder en tête que le tournage et la diffusion sont deux choses totalement à part. Le tournage, c’est absolument incroyable à vivre, c’est un truc de malade. Par contre, la diffusion laisse quelques séquelles. Rien ne sera vraiment comme avant et il faut toujours garder ça en tête. Tu sors de l’anonymat complet, et c’est le jeu. Mais, d’un coup, tu es exposé à tout l’amour et toute la haine sur les réseaux sociaux, la sollicitation constante pour travailler… Il faut apprendre à prioriser, parce qu’on est vite dépassés par la vie perso, la vie pro, et tout ce qu’il y a autour.