De Starbucks aux États-Unis à Michel et Augustin en France, l’industrie agroalimentaire se lance sur le terrain périlleux de l’engagement politique.
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Amplifié par les réseaux sociaux et favorisé par la conjoncture politique, l’engagement militant des marques alimentaires est un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur. Le réchauffement climatique, la question de l’immigration, la condition animale… Autant de causes plus différentes les unes que les autres qui agitent l’industrie agroalimentaire. En fonction de leur poids et de leur influence, certaines marques parviennent parfois à faire bouger les lignes.
Après l’élection de Donald Trump aux États-Unis, un mouvement s’est déclenché au sein de certains grands groupes agroalimentaires qui ont affiché officiellement un message d’opposition aux opinions politiques du nouveau président. Starbucks, Budweiser ou encore Ben & Jerry’s l’ont attaqué frontalement et en ont profité pour diffuser un message de tolérance et d’ouverture.
Dans un communiqué officiel intitulé “Vivre nos valeurs en des temps incertains”, Howard Schultz, le patron de Starbucks, a par exemple dénoncé la politique anti-immigration du nouveau gouvernement. D’autres ont simplement affiché leur opinion en trollant l’image de Trump, comme une brasserie canadienne qui a lancé une “Fake News Ale” à son effigie.
En France, si l’engagement militant est fort, il se fait principalement sur le terrain sociétal. Il est finalement rare que les marques soutiennent officiellement un parti ou prennent position sur des problématiques strictement politiques.
La marque Michel et Augustin, reconnaissable par les deux vaches de son “yaourt avec une mission”, communique par exemple sur ses initiatives environnementales et la défense du bien-être animal. Des actions concrètes sont mises en place à travers la France, comme l’aide à la conversion des fermiers du conventionnel au bio.
S’engager pour fidéliser
La confiance des consommateurs a souvent été altérée par les nombreux scandales alimentaires et les marques tiennent à “redonner du sens et de la pertinence, retrouver une crédibilité qui s’est estompée au fil des années“, selon Jordan Tachnakian, rédacteur pour la revue Marketing Utile. Les différentes crises et les réactions en live sur les réseaux sociaux sont une bonne raison pour les marques d’allier les actes aux paroles pour regagner la confiance des consommateurs. En construisant leur communauté autour de belles valeurs communes, les marques fidélisent.
S’engager devient donc un outil de rassemblement et de communication, ce qui n’empêche pas pour autant un véritable militantisme. Ben & Jerry’s par exemple a réussi son pari et reste célèbre pour ses prises de position. Récemment, le groupe a plaidé pour l’adoption du mariage pour tous en Australie, mais il avait aussi affiché son soutien au mouvement pacifique Occupy Wall Street en 2011. Ben & Jerry’s prouve que s’impliquer pour des avancées sociales significatives tout en générant des profits, c’est possible.
En revanche, l’hypocrisie de la marque a été pointée du doigt depuis la révélation de la présence de glyphosate dans ses glaces. L’herbicide, constituant principal du célèbre pesticide Roundup, se retrouve largement dans les ingrédients utilisés dans la fabrication de leurs produits. L’image de la société de crèmes glacées américaine, connue pour sa défense de valeurs comme la famille et l’environnement, a été écornée. Ironie du sort, Ben & Jerry’s a décidé de sortir une gamme de glaces estampillée “sans glyphosate”, qu’ils vendront probablement plus cher. Ce n’est pas une blague.
Un pari risqué
Est-ce que le consommateur accepte pour autant que sa marque de gâteaux partage ses intentions de vote ? Pas sûr. Se pose alors la question de la légitimité d’une marque alimentaire à se positionner dans l’actualité politique d’un pays. En France, Michel et Augustin, duo cool et célèbre pour ses tendres cookies et pour privilégier le “made in France”, a affiché en octobre 2016 son soutien à François Fillon. En se rapprochant d’une droite dite “réactionnaire”, sa clientèle bobo plutôt à gauche s’est sentie trahie. Un poil embarrassés, “les rois de la com” ont dû batailler sur Twitter pour justifier leur prise de position. Pour ne rien arranger, Michel et Augustin ont rendu visite et soutenu la start-up de petites annonces Gens de confiance. Entreprise dont l’un des fondateurs, Nicolas Davoust, partage les idées de la Manif pour tous, comme l’a démontré une journaliste de Libération. “Le lien est mince mais pour quelques internautes, cela suffit à renommer les entrepreneurs “les trublions du dégoût””, appuie Europe 1.
Francis Holder, propriétaire des marques Paul et Ladurée, avait lui aussi publié un communiqué sur Twitter pour soutenir le controversé candidat des Républicains. Le problème est qu’il prétendait s’exprimer “en tant qu’ambassadeur des 14 000 personnes qui forment l’entreprise”. Une vraie erreur de communication vis-à-vis des salariés qui ne veulent pas que l’on s’engage politiquement en leur nom.
Enfin, aux États-Unis, lors du Superbowl, l’événement le plus médiatisé de l’année, Budweiser avait diffusé une pub vidéo critiquant la position de Trump sur la question de l’immigration. Les pro-Trump n’avaient pas apprécié la publicité et avaient appelé sur Twitter au boycott de la marque de bières.
Alors, est-ce que manger un cookie Michel & Augustin fait de moi un électeur de droite et dévorer une glace Ben & Jerry’s devient vraiment un acte militant pour la protection de l’environnement ? Attention aux raccourcis.