De la chaîne de fast-food au restaurant haut de gamme, ils sont de plus en plus nombreux à tenter la formule par abonnement avec l’objectif de diversifier leurs revenus, mis à mal par la pandémie, et de fidéliser une clientèle. Depuis deux ans, Jebin Tuladhar, manager de Shanti, restaurant indien de Boston, navigue à vue entre confinement, restrictions et appréhensions.
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Pour s’en sortir, Shanti – qui compte trois établissements dans la région – n’hésite plus à expérimenter et propose notamment depuis juin la livraison, pour 80 dollars par mois, d’un repas gastronomique pour deux. La formule a séduit à ce stade environ 80 abonnés et, avec environ dix comptes supplémentaires par mois, le gérant espère arriver bientôt à 160 ce qui correspond, selon lui, au seuil de rentabilité.
À Washington, le restaurant italien La Collina a lancé un “Pasta Club” avec, pour 85 dollars mensuels, deux livraisons de pâtes avec la sauce maison de la cheffe Katarina Petonito. Ils sont environ 60 foyers à s’être laissés séduire jusqu’à présent. “La pandémie a clairement amené les restaurants à changer et à trouver de nouvelles façons d’entrer en relation avec les clients”, explique Danya Degen, directrice des opérations du Eastern Point Collective, groupe dont fait partie La Collina.
“Vous voulez que vos clients fidèles continuent à penser à vous mais aussi générer des revenus supplémentaires et avoir un chiffre d’affaires assuré”, décrypte David Henkes, du cabinet de conseil en restauration Technomic. Les chaînes se mettent aussi à l’abonnement : Pret A Manger sert, pour 19,99 dollars par mois, jusqu’à 5 cafés par jour, une offre lancée en septembre après un essai réussi au Royaume-Uni depuis 2020.
En janvier, l’enseigne de fast-food Taco Bell a sorti le “Taco Lover’s Pass”, qui permet de commander un taco par jour sur une période de 30 jours, moyennant 10 dollars. Le groupe présente l’initiative comme limitée dans le temps, sans pour autant fixer d’échéance, et la considère visiblement comme une expérience grandeur nature. “Notre but avec ce test est d’observer comment nos clients prennent cette offre qui est rentabilisée (pour le consommateur) en quelques visites seulement”, indique à l’AFP Zipporah Allen, responsable numérique chez Taco Bell.
Supprimer le risque
“Ce que vous espérez, c’est avoir un contact avec le client”, selon David Henkes. “Et quand il vient pour son taco, son café, le but, c’est d’étoffer la commande. Un sandwich, une pâtisserie, un autre café pour son ami…” Hors restauration rapide, la plupart des établissements qui ont lancé des abonnements s’appuient surtout sur les livraisons à domicile, pandémie oblige, mais ils ne comptent pas s’arrêter là.
L’Eastern Point Collective a ainsi créé pour son bar The Wells une “Gin Society” qui comprend, outre l’envoi à domicile des ingrédients pour un cocktail chaque mois, la priorité pour réserver dans l’établissement et l’accès exclusif à de nouvelles boissons et nouveaux plats une fois sur place. À Boston, les propriétaires de Shanti prévoient l’introduction en mars d’un nouvel abonnement qui porterait sur un certain nombre de repas au restaurant et non plus chez soi.
“Je ne sais pas ce qui va marcher ou non”, reconnaît Jebin Tuladhar, mais l’heure est à l’innovation. Plusieurs plateformes sont déjà sur les rangs pour accompagner les restaurants dans l’aventure, notamment Table22, qui collabore avec Shanti et La Collina. À New York, quelques entrepreneurs ont monté le Summerlong Supper Club qui a mis sur pied, avec succès, un premier programme par abonnement début 2021, avec seize restaurants partenaires. Plus de mille personnes y ont souscrit, et environ mille de plus à Washington, pour une opération similaire.
Si le Supper Club s’est concentré sur les restaurants haut de gamme, l’agrégation et la mutualisation semblent avoir de l’avenir à tous les niveaux de prix, à l’image de Goldbelly qui compte plusieurs centaines de restaurants partenaires. Pionnière du secteur (2013), la start-up aux abonnements barbecue, pizza ou gâteaux a levé 100 millions de dollars auprès d’investisseurs en mai.
Désormais habitués à payer tous les mois pour streaming, musique ou club de gym, les consommateurs sont davantage ouverts à des formes nouvelles d’abonnement. Côté restaurants, “préparer de la nourriture et la vendre, c’est une formule très risquée”, selon Vinay Gupta, propriétaire de Summerlong Wine, qui a été l’une des chevilles ouvrières du projet Supper Club. “Il faut faire les plats et les vendre avant que les aliments ne soient plus bons, dans les bonnes quantités.”
Avec l’abonnement, “vous supprimez le risque, en faisant en sorte que les clients paient avant pour ce qu’ils vont manger”, dit-il. “Donc je pense que ce modèle ne peut que se populariser.”
Konbini food avec AFP.