“Sans la terrasse on était morts. C’est une bouffée d’oxygène”, dit le restaurateur Stéphane Manigold. Dans une capitale vidée de visiteurs étrangers par l’épidémie de coronavirus, les professionnels du tourisme comptent sur les Parisiens pour sauver la saison estivale. Ce midi ensoleillé, des convives finissent leur poulpe laqué aux épices coréennes sur la terrasse du Bistrot d’à côté Flaubert, installée sur cinq places de parking – grâce à l’autorisation exceptionnelle dont bénéficient bars et restaurants parisiens jusqu’au 30 septembre, après trois mois de fermeture dus au Covid-19 – dans une rue calme du 17e arrondissement.
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“Nous servons 36 couverts dehors. À l’intérieur, avec la distanciation, on tombait à 10 ou 15 et on ne rouvrait pas. La terrasse nous a permis de sortir tout le monde du chômage partiel et même d’embaucher un commis de cuisine et un serveur de plus”, rapporte, soulagé, M. Manigold. À la tête de quatre établissements, dont la Maison Rostang, ce restaurateur est devenu célèbre grâce à sa victoire judiciaire fin mai contre Axa, qui refusait d’indemniser les pertes d’exploitation liées au Covid-19. Un accord financier a été conclu et le géant de l’assurance a indemnisé des centaines d’autres entreprises depuis.
Bordée d’élégantes ferronneries blanches – commandées à l’entreprise d’évènementiel Jaulin, à l’arrêt comme tout son secteur –, la terrasse et un menu de midi à 24 euros, pour attirer une large clientèle de quartier, permettent de générer 70 % à 80 % du chiffre d’affaires habituel de juillet… moyennant 15 000 euros d’investissement. Si ce restaurateur tire son épingle du jeu, nombre d’hôtels souffrent : avec un taux d’occupation de 18 % en juin et 30 % les deux premières semaines de juillet, “si la situation n’évolue pas, c’est tout une industrie qui risque l’ensablement”, estime Vanguélis Panayotis, président du cabinet spécialisé MKG Consulting.
Des hôtels de la capitale “aux deux tiers vides cet été, alors que moins de la moitié a rouvert, c’est du jamais vu”, dit-il. “Pour les Français, cet été sera vraiment l’opportunité d’une vie de profiter pleinement de Paris et de ses hôtels, restaurants, boutiques, parcs d’attractions et musées vidés de leurs touristes étrangers.” Les commerçants, eux, font grise mine : les soldes d’été qui ont démarré le 15 juillet attirent peu de clients dans les boutiques de prêt-à-porter, malgré de fortes promotions. Nombre de Parisiens sont partis en vacances et le masque obligatoire, ajouté aux cabines d’essayage condamnées pour éviter de propager le virus, découragent.
Quant aux navettes Batobus et aux Bateaux parisiens, très prisés des touristes étrangers, ils ont repris du service le 1er juillet après trois mois d’arrêt et un nombre de voyageurs divisé par deux pour respecter les précautions sanitaires. Les bateaux naviguent désormais 7 jours sur 7 depuis le 13 juillet, leur rythme normal, soit 1 à 2 jours de plus qu’au redémarrage et les croisières avec restauration comprise des Bateaux parisiens viennent de reprendre.
“La clientèle française est clairement la première, avec beaucoup de familles dans les croisières l’après-midi, grâce à la gratuité pour les enfants de moins de 12 ans, instaurée cet été”, précise un porte-parole de Sodexo Sports et Loisirs, qui détient ces activités. Elle compense les touristes provenant des États-Unis et d’Amérique latine, “deux grosses clientèles absentes cette année”.
Quant au restaurant Jules Verne de la tour Eiffel, il réussit à faire le plein tous les soirs de juillet et quasiment aussi au déjeuner : les Français représentent désormais la quasi-totalité des convives, contre la moitié avant la crise sanitaire. “Les trois mois de délai de réservation, qui décourageaient les Français ont été ramenés à un mois”, précise Sodexo Sports et Loisirs, qui gère la restauration de la vénérable Dame de fer.
De son côté, le parc de loisirs Disneyland Paris n’a rouvert ses portes au public, après quatre mois de fermeture, que mi-juillet avec des mesures d’hygiène renforcées et une capacité d’accueil réduite : la première destination touristique privée en Europe ne draine donc pas autant de touristes que d’habitude vers la capitale. Si la France est la première destination touristique mondiale avec 90 millions de visiteurs par an, le dynamisme du secteur est déjà très lié à une clientèle hexagonale qui a dépensé 110 milliards d’euros l’an dernier, près de deux fois plus que les visiteurs étrangers.
Konbini avec AFP