Parmi les habitudes chamboulées par la crise sanitaire, les repas sont probablement les parenthèses quotidiennes qui ont le plus trinqué. Après les règles de distanciation sociale, la fermeture des bars et des restaurants, ce sont désormais les déjeuners au bureau qui ne ressemblent plus vraiment à ce qu’ils étaient auparavant. Pour le meilleur parfois, mais surtout pour le pire.
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Habitué des déjeuners à l’extérieur, Samuel, qui travaille en agence de communication, a dû repenser entièrement sa façon de rencontrer ses interlocuteurs. “50 % de mon taf, c’est des cafés et des déjeuners avec des clients et des journalistes. Moi, j’aime bien les bonnes tables simples et sans prétention. En général, on passe un bon moment sans se prendre la tête. Mais depuis huit mois, c’est fini”, dit-il.
Il a donc fallu bousculer les habitudes. “On a une cuisine au bureau, alors on compense en conviant les invités à venir déjeuner au bureau en respectant les gestes barrières”, confie-t-il. Le reste du temps, quand aucun rendez-vous n’est calé, les repas se prennent avec les collègues, tenus à distance, ou bien devant son ordinateur. Une situation pas si terrible quand on la compare avec des situations un peu plus extrêmes : “La semaine dernière, une collègue de bureau est partie déjeuner avec sa meilleure amie… dans une laverie.”
(© Konbini food)
Déjeuner dans un vestiaire
Pour Mégane, freelance pour une boîte située à Aix-en-Provence, la crise sanitaire a réduit à néant ses interactions sociales du déjeuner. “Je suis un peu dans la ‘pire’ des situations, déjà que je ne voyais personne car je bosse pour une entreprise à distance, regrette-t-elle. Les déjeuners et dîners étaient mes seuls moments de pause et de partage avec mes amis ou mes collaborateurs.” Résultat des courses ? “Mes pauses-déjeuner sont horribles, j’ai retourné Netflix et, en plus, je sais toujours pas faire à manger correctement. Ça fait donc un mois que je mange exclusivement des œufs à la coque et de la soupe aux vermicelles en sachet”, sourit-elle.
Lucie, hôtesse d’accueil pour plusieurs entreprises à Paris, a vu sa situation empirer. En temps normal, puisqu’elle n’a que rarement accès aux restaurants d’entreprise, elle a pris l’habitude de prendre ses pauses seule et à l’extérieur de là où elle travaille, dans des enseignes comme Cojean ou Prêt à manger, ou tout bêtement dans des boulangeries. “L’été, je pouvais manger dehors, c’était pas mal. Mais depuis qu’il fait froid, je me retrouve à manger au vestiaire – quand il y en a”, confie-t-elle.
“La pause-déj’, pour moi, ça a toujours été l’occasion de sortir, prendre l’air, me poser ailleurs, manger avec mon podcast, prendre un café et revenir. Là, ce n’est plus une vraie coupure dans la journée. J’aime pas.”
À Toulouse, Alexandre partage ce sentiment. Si déjeuner devant son ordinateur “l’arrange” et lui permet de “gagner du temps”, il voit les dégâts que provoquent la crise sanitaire et ses contraintes sociales. “Je vois bien que ça pénalise, par exemple, ceux qui prennent quand même leur pause et éteignent leurs écrans d’ordinateur et qui aimeraient avoir des discutions de ‘pauses-dej’. Mais vu que les trois quarts de mon plateau travaille en mangeant, c’est un échec, dit-il. En gros, à moins de sortir marcher un peu le midi, tu fais du non-stop sur toute la journée.”
Sortir plus tôt
Dans cette masse de frustration, une frange de satisfaits se distingue toutefois. Pour eux, cette désacralisation du déjeuner au bureau sonne comme une aubaine inespérée. “Moi, ça me va bien. Comme ça, on ne parle pas du boulot le midi, nous a confié un lecteur de Konbini. Et puis, une demi-heure pour manger, ça permet d’éviter les journées à rallonge.” Pour d’autres, c’est enfin l’occasion d’esquiver les collègues que l’on préfère ne pas croiser. “Ça me donne une excuse pour manger tout seul dans mon coin, c’est parfait.”
Emmanuelle, elle aussi salariée d’une agence de communication, a également vu ses pauses déjeuner évoluer… pour le mieux. À vrai dire, les rendez-vous avec les clients ont désormais une tout autre saveur. “C’est l’occasion d’inviter au bureau des copines, de voir des clients dans des conditions moins convenues, dit-elle. Avec la tonne de restaurants qui proposent des offres succulentes, on prend du temps et on sociabilise. Moi, ça me va.”