Comment des sauces ont permis à ce chef de décrocher trois étoiles (d’un seul coup)

Comment des sauces ont permis à ce chef de décrocher trois étoiles (d’un seul coup)

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© Phillipe Lopez/AFP

Le cuisinier Arnaud Donckele offre une expérience unique autour des sauces, et ça a payé.

Déjà auréolé de trois étoiles à Saint-Tropez, il décroche d’un coup la plus haute récompense gastronomique du guide Michelin pour son restaurant parisien à la Samaritaine. Le chef français Arnaud Donckele est maître d’une cuisine “complexe” marquée par l’obsession pour les sauces avec lesquelles il crée une expérience unique. Son restaurant de trente couverts Plénitude a ouvert en septembre à la Samaritaine, comme l’hôtel Cheval Blanc du géant du luxe LVMH auquel il est intégré, dans un cadre bucolique, avec vue sur le pont Neuf et une ambition non dissimulée.

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Au moment où le monde du bien-manger s’interroge sur la pertinence de la haute gastronomie des palaces pendant la pandémie, Arnaud Donckele, 44 ans, fixe un prix de départ de 320 euros pour quatre plats hors vins. “C’est le même prix qu’à Saint-Tropez, il y a autant d’hommes, les produits sont aussi rares”, a expliqué le chef de la Vague d’Or, trois étoiles Michelin à Cheval Blanc – Saint-Tropez dans le sud de la France, également détenu par LVMH. Bernard Arnault, président de LVMH, a d’ailleurs salué dans un communiqué “l’exploit” d’Arnaud Donckele, qui “incarne les valeurs” du groupe comme “une audace créative perpétuelle et une quête de l’excellence”.

“Nulle part ailleurs”

La particularité du restaurant parisien, ce sont les sauces construites comme les assemblages des cognacs ou des parfums. “Le concept va jusqu’à renverser le rapport entre les sauces et l’aliment. L’aliment devient le condiment. C’est une approche très originale poussée à un niveau de perfection extraordinaire. Une expérience qu’on ne vit nulle part ailleurs”, commente Gwendal Poullennec, directeur international des guides gastronomiques Michelin.

J’adore les sauces, c’est ce que je préfère dans mon métier”, explique le chef. Il y en a 80-90 pour Plénitude, “elles arriveront par petites vagues successives”. Socle de la cuisine française, elles souffrent de la mauvaise réputation d’être grasses et indigestes, mais ce n’est pas le cas ici. “On les crème beaucoup moins, on les enrichit de moins en moins au beurre et on les lie sans lourdeur. Même en mayonnaise, on est capable de réaliser des bases à partir de yaourt, fromage blanc, lait ribot”, explique Arnaud Donckele.

“Le chef livre en bord de Seine une cuisine époustouflante, à la fois précise, légère et poétique, qui magnifie l’art de la sauce et n’a rien à voir avec celle qu’il propose dans le Sud”, souligne Le Figaro, qui a publié la semaine dernière son propre palmarès. Pour apprécier ses sauces, “mieux vaut suspendre un instant sa conversation, et pourquoi pas fermer les yeux, les humer, en tapisser son palais”, souligne Laurent Guez, critique gastronomique des Échos.

“Faire plaisir”

Arnaud Donckele qualifie lui-même sa cuisine de “complexe”. “La mode est à l’épure et je suis allé à contre-pied de l’épure”, confiait-il en 2019 alors qu’il était consacré cuisinier de l’année par le deuxième guide gastronomique Gault et Millau. Le principe, c’est comme un “pot-au-feu”“vous cuisez 12 à 14 éléments ensemble”, mais chacun garde au final son propre goût. D’origine belge, il a grandi dans une ferme en Normandie et a été “adopté” en Provence.

En tant qu’“autodidacte” de cette région, il s’est senti obligé de faire de “la cuisine provençale”, mais aussi de chercher autre chose que “du poivron, de l’agneau, de l’ail, et de l’aubergine” pour “faire plaisir” à ceux qui font plus de 3 000 km pour manger chez lui. “Locavore” avant l’heure, il rejette cependant le discours radical sur les saisons. “Le restaurant est fait pour plaire à tout le monde”, estime-t-il en revendiquant utiliser “les citrons au mois de juillet” hors saison. “Quand tu es chef dans un palace, tu as un client qui prend une chambre à un certain prix et veut des cerises, tu vas lui trouver les cerises qui viennent des États-Unis où c’est la saison ! Ce sont des obligations commerciales.”

Konbini food avec AFP