De Steven Spielberg à Martin Scorsese en passant par ses nombreux détracteurs, le Marvel Cinematic Universe suscite des réactions d’agacement voire de rejet dans le monde entier. La faute à une saturation des super-héros sur le grand écran depuis le début des années 2010, et à une formule familiale magique qui peine à se renouveler. Pourtant, avec sa phase IV qui s’étend désormais dans le monde des séries, la boîte de Kevin Feige fait preuve de créativité et d’audace avec des productions plus inclusives et originales, qui mettent en avant un sérieux besoin de thérapie du côté des Avengers.
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Que ce soit Wanda et son deuil, Loki et ses questions identitaires ou Bucky et ses traumatismes liés à son passé violent, le MCU a changé au même titre que ses personnages. Depuis la diffusion de WandaVision sur Disney+, on observe une véritable volonté de bouleverser certains codes artistiques et narratifs parfois redondants dans l’univers étendu le plus accompli de l’histoire du cinéma (et des séries désormais). Évidemment, la pandémie a joué un rôle dans cette nouvelle organisation, financièrement catastrophique pour le studio américain mais artistiquement très positif pour l’image du MCU. L’offre de ce dernier n’a en effet jamais été aussi éclectique et passionnante à suivre.
Après WandaVision, Loki et Falcon et le Soldat de l’Hiver, les troupes de Kevin Feige prennent une petite pause dans la continuité de cet univers étendu. Cet été, il nous propose What If…?, une anthologie animée basée sur une collection de comics méconnus dans nos contrées mais très populaires outre-Atlantique. C’est l’occasion de plonger la tête la première dans le concept du Multivers et des réalités parallèles, en redécouvrant certains des héros et méchants emblématiques de la Maison des Idées sous un tout nouveau jour. Si vous n’aviez jamais imaginé voir Peggy Carter dans la peau de Captain America, Black Panther aux commandes des Gardiens de la Galaxie ou les Avengers transformés en morts-vivants, What If…? vous offre cette perspective unique dans l’histoire de Marvel.
Le Multivers, un prétexte à l’imagination
Ⓒ Disney+
Annoncée comme décorrélée du MCU, la série animée What If…? est en réalité une expansion d’un concept introduit dans la phase IV et plus particulièrement dans Loki : le Multivers. Certes, tout ce qui s’y passe n’aura pas vraiment d’impact sur les films et les séries en live action, mais l’anthologie permet de mieux saisir les notions liées à cette infinité de réalités alternatives. Le premier épisode le résume à la perfection alors que Peggy Carter prend la place de son bien-aimé Steve Rogers dans la cabine d’injection du sérum du Super Soldat. Ainsi, il existe un monde où Steve est resté un petit gringalet courageux alors que Peggy s’est emparée du bouclier en vibranium de Captain America, ou plutôt Captain Britain par respect pour ses origines.
C’est une histoire parmi tant d’autres qui sont contées par Uatu alias le Gardien (The Watcher en VO), un nouveau personnage incarné par Jeffrey Wright (Westworld). Cet étrange énergumène est une gigantesque entité cosmique au même titre que Galactus et Éternité, une sorte d’allégorie anthropomorphique du savoir. Dans la série, il prend la place d’un narrateur omniscient chargé de nous raconter les différentes versions existantes des super-héros Marvel, comme ce Captain America au féminin. Une fois n’est pas coutume, à travers ce personnage tout-puissant, on assiste à une ouverture complexe mais fascinante de Kevin Feige et ses équipes vers l’aspect cosmique des comics, qui explosera avec des films comme Eternals, The Marvels et Doctor Strange in the Multiverse of Madness.
L’autre bonne nouvelle, pour les fans de séries animées, c’est que What If…? a clairement plus de cachet que les précédentes productions animées de feu Marvel Entertainment. Généralement adressées aux enfants, ces dernières souffraient souvent de finitions hasardeuses, de dessins très simplistes et d’histoires calquées (en moins bien) sur les comics. Ce n’est pas le cas ici, les studios de Kevin Feige ayant choisi une direction artistique très spécifique fondée sur le cel-shading, qui donne un aspect cartoonesque à l’ensemble en hommage aux BD. Marvel voulait également s’assurer que les personnages ressemblent ainsi à ceux des films et séries en live action, et nous n’avons effectivement jamais eu le sentiment de ne pas reconnaître les talents (Hayley Atwell, Sebastian Stan, Samuel L. Jackson…) dans leurs costumes de justiciers en animation.
Ⓒ Disney+
En revanche, on pourra noter une certaine redite en terme narratif. L’origin story de Peggy Carter en Captain America reprend trait pour trait celle de Steve Rogers dans le film Captain America: First Avenger, soit dans la version officielle du MCU. On aurait apprécié un peu plus d’originalité de ce côté-là, surtout que le personnage de Captain Britain existe bel et bien dans les bandes dessinées. Mais dans le même temps, les fans des Avengers apprécieront des scènes qui servent clairement de clins d’œil complices pour les aficionados, comme les retrouvailles au présent entre Captain et Nick Fury ou un affrontement épique avec Crâne rouge.
Même si le scénario se répète et que les références au MCU sont nombreuses, What If…? ne manque pas de punch et d’inventivité pour autant. Son style d’animation très visuel et d’une fluidité à toute épreuve assure le spectacle, alors que les coups de poing et de bouclier de Peggy n’ont jamais été aussi violents que depuis l’excellent Captain America: The Winter Soldier. Disons-le clairement, Disney ose davantage avec ce format animé, comme l’apparition de ce monstre tentaculaire terrifiant (le Shuma-Gorath, une créature démoniaque que Doctor Strange a affrontée plusieurs fois dans les comics), digne de l’imaginaire de Lovecraft, qui vient clore l’épisode.
La première saison de What If…? est diffusée à raison d’un épisode par semaine tous les mercredis sur Disney+.