Alors que la saison 2 de Narcos débarque ce vendredi 2 septembre sur Netflix, Biiinge a rencontré celui vers qui tous les regards sont tournés : Wagner Moura, aka Pablo Escobar.
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Il nous accueille dans une chambre cosy d’un hôtel parisien. Mais au lieu d’être sagement assis sur son fauteuil, l’acteur brésilien se trouve en équilibre instable, debout sur le rebord d’une fenêtre. Il semble regarder le ciel. Je suis à deux doigts de hurler : “Fais pas le con, Pablo !” Puis il me demande avec un grand sourire à quoi sert cet immense filet posé en haut du toit de l’hôtel. Je ne sais pas, pour éviter que les oiseaux ne viennent déranger les clients ? Enfin, il descend. Je suis rassurée. L’interview peut commencer.
Biiinge | Après la première saison, vous avez expliqué que vous ne reprendriez pas de poids [il avait pris 20 kilos pour le rôle de Pablo Escobar, ndlr] pour la saison 2…
Wagner Moura | En fait, je m’étais tellement habitué à manger beaucoup que je me suis dit qu’il fallait que j’en tire avantage [rires] ! Mais je savais qu’à un moment, j’allais devoir arrêter. J’ai continué à manger autant que je pouvais, mais j’avais poussé mon corps à bout. Je ne pouvais pas être plus gros [rires] ! Donc, sur cette saison 2, nous avons dû utiliser un faux ventre.
Vous avez pu être à l’aise dans vos mouvements et retrouver le personnage avec cet artifice ?
Oui, parce que j’ai grossi en même temps que Pablo. Au début de Narcos, il est jeune. Puis il prend du poids au fil des années. Et à un moment, mon corps ne pouvait plus montrer aussi bien à quel point il était gros. Donc, cela m’a aidé d’utiliser ce faux ventre. Il m’a permis d’avoir une démarche particulière, de respirer différemment aussi. Au final, ce ventre a dessiné en bonne partie mon personnage en saison 2.
Vous pensiez au début que Narcos serait tournée en anglais. Finalement, vous avez appris l’espagnol. Au final, pensez-vous que ça a été un plus ou un handicap pour votre interprétation ?
D’abord, je pense qu’avoir choisi de tourner le show en espagnol était la meilleure option. C’est évident. Je me souviens avoir vu un film allemand sur la Seconde Guerre mondiale, avec des Allemands qui parlent anglais, en ayant un accent allemand. C’est tellement bizarre [rires] !
Pour moi, ça a été dur mais, en même temps, j’ai appris un nouveau langage pour interpréter un personnage. C’était une grosse implication, et cela m’a emmené vers Pablo et son univers d’une façon très intense.
Reprendre l’espagnol en saison 2 a été plus facile j’imagine ?
Oui, car j’habitais déjà à Bogotá et j’avais confiance en mon espagnol. Rien à voir avec le premier épisode de la saison 1 où j’en ai bavé ! Une partie de mon cerveau me disait : ‘Tu ne prononces pas bien ce mot.’ Après, c’est devenu plus simple, presque naturel.
“Je ne voulais surtout pas que Narcos soit un cop show à l’américaine”
Votre accent a été très discuté, il a carrément son thread sur Reddit. C’est très important pour les gens. Vous allez lire un peu les commentaires à ce sujet ?
Non, pas vraiment. Je suis assez étranger aux réseaux sociaux. Je ne suis pas quelqu’un de très connecté, mais j’ai conscience de l’importance du sujet. Je sais que mon accent a posé souci à certains, notamment aux Colombiens. Je dois dire deux choses à ce sujet : je reconnais volontiers que je ne parle pas comme un habitant de Medellín. C’est évident. J’ai fait du mieux que je pouvais.
Mais il n’y a pas que mon personnage. Le show est international : il y a des Chiliens, des Mexicains, des Argentins et aussi des Colombiens, bien sûr. Et la plupart du casting ne parlait pas colombien avec l’accent de Medellín. Narcos n’est pas une série pour les Colombiens, même si c’est paradoxalement à eux que je voulais que le show plaise le plus. Parce que politiquement, on a été le plus respectueux possible de leur histoire.
Je ne voulais surtout pas que Narcos soit un cop show à l’américaine, du genre deux mecs américains très cool qui partent en Amérique du Sud pour tuer le méchant. Et Netflix ne voulait pas ça non plus d’ailleurs.
C’est le contraire qui se passe dans la série : Pablo est celui qui se paie la tête des Américains.
Oui, enfin, vous allez voir en saison 2 qu’il y a un vrai conflit entre les deux flics. La première saison couvre quelque chose comme 15 ans de la vie de Pablo, tandis que la deuxième part de son évasion de “La Catedral” jusqu’au jour de sa mort, ce qui représente moins d’un an [15 mois précisément, ndlr]. Cette saison est plus dramatique qu’épique.
L’histoire autour de Peña et Murphy est forte, car ils vont devoir faire tomber leurs barrières morales pour réussir à accomplir ce qu’ils veulent, c’est-à-dire tuer Pablo. Pour réussir dans leur entreprise, ils vont de plus en plus ressembler à Pablo. C’est vraiment un aspect très intéressant de la série.
“Nous avons tourné la mort de Pablo à l’endroit même où il a vraiment été tué”
À la fin de la saison 2, Pablo Escobar va mourir. Ce n’est un secret pour personne. Lors d’une interview vidéo hier, vous m’aviez confié que la scène la plus intense de Narcos pour vous a été de jouer le moment de sa mort. Vous pouvez développer ?
Avec Narcos, on a toujours essayé d’être le plus proche possible de la réalité au niveau historique. Il y a bien sûr des personnages purement fictifs et certaines choses ne se sont pas passées comme dans la série.
Toujours est-il que cette scène, nous l’avons tournée à l’endroit même où Pablo Escobar a réellement été tué. C’était vraiment intense, et très étrange. Toute l’équipe a pris part à cette aventure, depuis le début. Nous savions que ça finirait comme ça pour lui. C’est un moment pivot de la série, donc ça a été un moment spécial pour tout le monde sur le show.
Il y a quelques jours, Roberto Escobar a demandé à Netflix le droit de voir la saison 2 de Narcos. Avez-vous été en contact avec la famille Escobar et que pensez-vous de cette requête ?
Non, je n’ai pas été en contact avec eux. J’y ai pensé, mais au final, je ne voulais pas me sentir une sorte d’obligation envers qui que ce soit, qu’on me dise ‘il faut le faire de cette façon’. Roberto voit Pablo d’une certaine manière, qui n’est par exemple pas celle de son fils. Ils ne s’accordent même pas ensemble !
Son amante Virginia Vallejo a écrit un livre, Loving Pablo, Hating Escobar, dont Javier Bardem a acheté les droits ciné. Elle le voit aussi d’une façon très différente. Et donc je ne voulais pas avoir à rendre des comptes. Il fallait que je crée ma propre version de Pablo Escobar.
“Narcos peut survivre à la mort de Pablo”
Pour en revenir à Roberto, je pense que c’est à Netflix de gérer ça. Je pense que c’est une question de business. Il veut de l’argent, et je ne sais pas s’il a raison. C’est à la loi de décider. Mais je ne peux m’empêcher de penser qu’il a dit des choses très bizarres. Il dit par exemple que le show le dépeint et ce n’est pas vrai. Le frère de Pablo n’est pas présent dans Narcos. Il dit aussi qu’il est le seul membre de la famille encore en vie, et ça aussi c’est faux. Pablo a un fils, une fille, une épouse. Bref, c’est à Netflix de voir tout ça.
Pensez-vous que Narcos va survivre à la mort de Pablo ?
Oui, bien sûr. Je ne peux pas confirmer qu’il y aura bien une saison 3. C’est à Netflix de le dire officiellement, mais l’idée de Narcos, c’était de dépeindre la naissance du trafic de drogue et son évolution. Pablo ne représente que le commencement de tout ça. Il y a tellement de choses à dire encore. Il suffit de regarder ce qui se passe en ce moment avec le cartel mexicain.