Cette critique a été écrite sur la base des 4 premiers épisodes. Elle peut contenir des spoilers.
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Sur le papier, le projet de V Wars, nouvelle série lancée sur Netflix ce jeudi 5 novembre sur Netflix, avait tout pour plaire. Adapté de comics à succès signés Jonathan Maberry et Alan Robinson, il avait des airs de The Walking Dead version suceurs de sang. Et cerise sur le gâteau, la série se trouvait portée par Ian Somerhalder, qui s’y connaît en vampires après avoir incarné Damon Salvatore dans la saga Vampire Diaries pendant pas moins de 8 saisons. L’idée était de le projeter dans un monde plus réaliste, où il incarne le héros de l’histoire, celui qui va peut-être sauver l’humanité d’un virus bien parti pour l’annihiler. Et en prime, l’acteur se retrouvait producteur exécutif et réalisateur sur un épisode.
Aux commandes de cette V Wars, le duo de showrunners William Laurin et Glenn Davis (Dracula: The Series, Missing, Aftermath). L’histoire est centrée sur un scientifique, le Dr. Luther Swann (Somerhalder donc), qui se retrouve exposé avec son meilleur ami, Michael Fayne (Adrian Holmes), à une sorte de virus énigmatique. Si lui s’en sort pour une mystérieuse raison (une histoire de “cofacteur” que lui n’aurait pas), son BFF se transforme petit à petit en vampire. Et il n’est pas le seul, l’épidémie se propage à vitesse grand V, tant et si bien qu’une guerre entre ces nouvelles (pas si nouvelles apprendra-t-on) créatures et les humains est imminente.
V Wars s’inscrit parfaitement dans ce qui semble être la nouvelle ligne éditoriale de Netflix : mettre en ligne un maximum de contenus, vite consommés, vite oubliés, qui cochent les cases des tendances du moment. Une série “algorithme friendly” en somme. Dans le genre post-apocalyptique teinté de surnaturel, on a eu The Rain ou la récente et plutôt réussie Daybreak. Cette V Wars a son atout charme (Somerhalder), ses créateurs mythologiques au pouvoir d’attraction intemporel (les vampires) et la promesse d’un blockbuster (le “wars”) divertissant. On sait où on met les pieds : dans de la série industrielle, empaquetée comme un téléfilm de Noël. On peut se l’enfiler sans culpabilité, parce qu’on a envie de regarder un truc décérébré avec une bonne tisane et du chocolat, tandis qu’il pleut des cordes non-stop dehors.
Mais si on a le malheur d’y regarder de plus près, absolument rien ne va. Même en 1995, on aurait trouvé ça cheap. La réalisation est bleuâtre, grisâtre, moche. Les deux acteurs principaux insipides au possible. Adrian Holmes s’en tire à peine mieux que Ian Somerhalder, qui a donc deux expressions de jeu : les yeux exorbités quand il se passe quelque chose de chelou/tragique/dingue, le regard “compassion” paternalisant quand il parle à son fils ou à des femmes. Non, vraiment, malgré tout l’amour que je portais à Boone (Lost) et Damon (Vampire Diaries), il faut se rendre à l’évidence : plus il vieillit, plus il joue mal. Il est en tout cas comme un poisson hors de l’eau quand il s’agit d’incarner les “héros” américains. Soit les années Vampire Diaries ont terriblement formaté son jeu, soit il ferait mieux de retourner à ses premières amours : jouer les bad boys.
© Netflix
À sa décharge, il porte la série sur ses épaules et elle est écrite avec les pieds. Je défie n’importe quel acteur d’avoir l’air malin en sortant des répliques aussi téléphonées que “tout va bien se passer mon grand”. Quand tu regardes une série dont tu peux prévoir les dialogues, ce n’est JAMAIS bon signe. Autre gros souci si vous faites partie, comme moi, de la moitié féminine qui peuple cette planète : vous allez vite avoir l’impression, en regardant V Wars, que les personnages féminins ne valent pas leurs homologues masculins. Et vous aurez raison.
En trois épisodes, nous rencontrons donc la femme du héros, Jess, dont la trajectoire (on ne va pas vous spoiler) est destinée à faire avancer son héros de mari. Le gros de ses répliques consiste à tenter de le séduire puis à lui dire face à l’appel du devoir : “Tu peux y aller mon chéri !” On a aussi une blogueuse sensationnaliste ambiance Gale Weathers dans Scream, présentée en train de baiser son stagiaire. Merci pour cette scène d’intro ridicule et totalement gratuite. On vous passe les premières victimes du vampire in progress Michael, toutes des femmes.
Contrairement à d’autres séries d’horreur comme The Walking Dead qui savent qu’elles sont tournées en 2019, la série présente une société extrêmement genrée, où les hommes sont aux postes décisionnaires, en charge de la bonne marche du monde ; et les femmes subalternes, réduites à leur rôle d’épouse, folles quand elles ne le sont plus (l’ex-femme de Swann, jouée par Nikki Reed, IRL la femme dévouée de Somerhalder, comme le prouve son post Instagram dithyrambique sur son mari), séductrices, appât ou en attente des ordres et prête à faire un câlin à son boss à tout moment (l’assistante de Swann). Le seul personnage féminin avec un peu de pouvoir, Claire O’Hagan (incarnée par Kandyse McClure) ne fera pas long feu. Et quand les femmes deviennent vampires à leur tour, comme Danika (Kimberly-Sue Murray), elles sont sexualisées beaucoup plus vite que leurs confrères de sang.
Dommage, donc, parce que la série portait en germe des problématiques intéressantes. V Wars est une série au casting divers, elle met en scène une amitié masculine entre un homme blanc et un homme noir, ce qui reste rare. L’explication scientifique de l’émergence des vampires – qui serait une branche de l’espèce humaine endormie, réveillée par la fonte des glaces – fait écho à l’urgence climatique actuelle. Et elle pose une question pas stupide : comment réagir quand les humains, censés être au top de la chaîne alimentaire, se retrouvent face à une nouvelle espèce qui pourrait bien les considérer comme des réservoirs à bouffe ? On peut y voir un début de réflexion sur le spécisme. Face à ce virus, Swann veut guérir les humains ayant muté, les considérant comme “malades”, face à ceux qui veulent les supprimer purement et simplement. Entre les deux, les “Bloods” vont aussi avoir des visions différentes de leur communauté naissante.
V Wars a plein de choses à nous raconter, le problème c’est la façon dont elle le fait. La série rectifiera peut-être le tir si une saison 2 lui est accordée, mais on ne va pas se mentir, les chances me semblent minces. Quant aux amateur·ice·s du genre vampirique, je leur conseille d’attendre patiemment la réinterprétation de Dracula par Steven Moffat et Mark Gatiss, qui arrive en janvier sur la BBC (et très vite sur Netflix), et qui s’annonce bien mordante.