Entre influences indies et quête spirituelle, le show ne devrait laisser personne indifférent.
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Après 7 heures et 26 minutes éreintantes de visionnage intensif, The OA prend fin et représente indéniablement l’expérience de binge-watching la plus déroutante de tout le catalogue Netflix. Succédant à un départ tout en lenteur et en contemplation, la ligne d’arrivée nous laisse perplexe. Pas nécessairement sur le fond, ça c’est une autre histoire. Quant à la forme, il est difficile de déterminer si The OA est un franc succès ou tout le contraire.
Disparue mystérieusement sept ans plus tôt, Prairie Johnson refait surface tandis que des passants la filment en train de sauter d’un pont. Initialement aveugle, la jeune femme semble avoir retrouvé la vue dans des circonstances inexpliquées. Au fil des huit épisodes, elle se rapproche de cinq individus et leur raconte ce qui s’est passé durant ces années passées loin de sa famille. Un récit troublant, qui va diviser autant son entourage que les téléspectateurs.
La première bande-annonce, cryptique à souhait, laissait une large place à l’imagination. The OA est-elle un drame familial ? Une fiction policière avec un twist ? De la science-fiction ? Même après avoir englouti ses épisodes, mettre la série dans une case n’est pas chose facile. Elle joue sur tous les fronts, oscillant entre divers genres télévisuels sans qu’aucun ne prenne finalement le dessus. Les adeptes du réalisateur Zal Batmanglij ne devraient donc pas être déstabilisés, d’autant plus que certains poncifs de ses précédents films sont recyclés ici-même.
Un leader charismatique faisant office de gourou spirituel à un groupe d’individus ? Cette figure un brin stéréotypée est retrouvée dans ses longs-métrages les plus connus, Sound of My Voice et The East, et est au cœur de la narration de la série Netflix. Ici, Prairie (ou The OA, comme elle préfère se faire appeler) endosse ce rôle, devenant une sorte de Messie auprès de cinq personnes égarées pour des raisons qui leur sont propres. Situations familiales tendues, perte d’un proche, problèmes identitaires … Bon nombre de faits qui font de ces personnages des cibles faciles et influençables.
À chaque nouveau chapitre, la narration alterne entre présent et flashbacks, où Prairie narre les sept dernières années écoulées et les horreurs qu’elle a du subir. Brit Marling, aussi captivante que déconcertante, délivre une performance tout en nuances. À l’issue du visionnage, il est inévitable de ne pas remettre en question la fiabilité de l’héroïne. Son récit est-il véridique ? Sinon, que lui est-il arrivé pendant ces années loin du cocon familial ? Pour la faire courte, au rayon des questionnements laissés sans réponse, The OA a de quoi faire concurrence à Westworld.
La thématique dominante, à savoir les near death experiences (“expériences de mort imminente”, en français), établit un terrain de jeu suffisamment vaste, permettant aux créateurs du show de se faire plaisir et mettre sur pied leur propre mythologie. La vie après la mort est un concept qui fascine autant qu’il dérange. The OA tente de se pencher sur cette problématique nébuleuse en prenant des airs d’œuvre pseudo-SF et s’en tire de justesse, aidée par une esthétique soignée et bien pensée.
L’omniprésence du violet, symbolique de la spiritualité et de la pensée pure, n’est pas due au hasard. En outre, la perte de la vue se place dans cette même perspective, avec l’idée sous-jacente qu’il faille ouvrir son esprit plutôt que simplement voir les objets matériels. Plus que la vie après la mort, la série aborde le thème obscur de la conscience, ses failles, ses limites et comment les outrepasser. Malheureusement, la narration de The OA est parsemée d’imperfections, aussi légères qu’elles soient. En tant que sériephile, il est triste d’avouer que l’histoire de Prairie aurait mieux fonctionné dans un long-métrage de deux heures plutôt que dans un format sériel.
À l’issue de ce binge-watching, The OA se présente comme une œuvre sujette à controverse. D’un côté, ceux qui lui trouveront une écriture paresseuse et faussement profonde tout en ayant l’impression d’avoir perdu leur temps. De l’autre, très loin, ceux qui se seront laissés embarquer par ce puzzle télévisuel à travers une quête effrénée de sens. Qu’importe vers quelle extrême on se situe, le dernier show arrivé en catimini sur Netflix apparaît comme un slow-burner volontairement ambigu et indéchiffrable. Les sceptiques ou les spirituels : le mieux est probablement de se lancer et de choisir son camp.