Dix-sept ans après les faits, The Looming Tower revient sur les attentats du 11-Septembre le temps d’une chronique captivante mais trop classique dans sa forme.
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L’entrée dans le XXIe siècle s’est faite dans la douleur avec la montée de l’islamisme et des groupes terroristes tels qu’Al-Qaïda. Une guerre contre le terrorisme qui a fini par frapper en plein cœur les États-Unis à travers les attentats ciblant le Pentagone et le World Trade Center le 11 septembre 2001, autrefois symbole de l’hégémonie américaine sur le monde. Dix-sept ans après, le scénariste David Futterman (Gracepoint, le remake de Broadchurch) décide de s’y replonger en adaptant le bouquin éponyme de Lawrence Wright, prix Pulitzer en 2007.
The Looming Tower: Al-Qaeda and the Road to 9/11 se concentre sur la rivalité entre la CIA et le FBI, qui aurait involontairement participé à mener aux attentats contre les tours jumelles. Son récit nous plonge dans les bureaux et le quotidien de personnalités ayant réellement existé, de John O’Neill, directeur d’une unité antiterroriste du FBI, à Richard Clarke, le coordinateur national pour la sécurité sous la présidence de George W. Bush. Une histoire à hauteur d’hommes, où se mêlent trahisons, ego surdimensionnés et dissonance religieuse.
Une affaire complexe, racontée avec efficacité
Basée sur des faits réels, The Looming Tower s’offre un casting luxueux. Jeff Daniels (The Newsroom, Godless) est impeccable dans le rôle du bourru mais essentiel John O’Neill, Peter Sarsgaard (The Killing) s’impose comme un rival convaincant tandis que Bill Camp incarne l’avocat Robert Chesney, un homme avec le cœur sur la main qui risque de vous tirer quelques larmes au cours des épisodes. Mais surtout, le show compte un Frenchy dans ses rangs avec le césarisé Tahar Rahim (Un prophète).
L’acteur campe le personnage d’Ali Soufan, le bras droit de John O’Neill. Cet Américain d’origine libanaise est un homme de l’ombre envoyé en mission aux quatre coins du monde pour démanteler les divisions d’Al-Qaïda et les empêcher de frapper. Appliqué et charismatique, Tahar Rahim sublime ce personnage. C’est d’ailleurs le vrai Ali Soufan qui l’a convaincu de jouer dans cette série. Le comédien français incarne la vraie bonne surprise de The Looming Tower, qui propose une histoire captivante et didactique dans le bon sens du terme, mais la traite de manière un poil trop classique.
Forte d’une mise en scène élégante et d’épisodes solidement produits, The Looming Tower décrypte une chronique tragique dont on connaît déjà l’issue, contrairement à ses personnages. Si ces derniers sont attachants, certains aspects de leur vie quotidienne, moins passionnante que les débats politiques, alourdissent le rythme et n’ont pas vraiment d’impact sur l’intrigue. Au contraire, le conflit religieux intérieur d’Ali Soufan, qui est porté par sa foi musulmane et se bat pour empêcher les interprétations dangereuses de ses rites, permet de faire la balance.
On trouvera également à redire sur des choix de mise en scène, comme l’utilisation d’images d’archives dont l’aspect immoral a déjà été pointé du doigt sur d’autres œuvres. Comme la série remonte le temps, on aurait apprécié une narration plus sinueuse, qui vienne casser le rythme parfois pompeux de certains passages. Là encore, le show est sauvé par des dialogues savoureux, ponctués d’humour noir, que Jeff Daniels se fait un plaisir de balancer au visage des détracteurs de John O’Neill.
The Looming Tower est également parcourue d’un sentimentalisme over the top, qui vient perturber l’aspect pédagogique de l’enquête. Si l’on tombe des nues en observant les grands pontes de la CIA et du FBI se saborder entre eux, symboles d’un combat d’ego (uniquement masculins, tiens donc), leurs dramas intimes ont tendance à tomber régulièrement dans le pathos gratuit. Malgré ses petits défauts rectifiables dans la deuxième partie de la saison, la série d’Hulu parvient à transformer une crise géopolitique mondiale et complexe en un récit bien ficelé et haletant.
The Looming Tower est diffusée sur Amazon Prime Video depuis le 9 mars 2018, à raison d’un épisode par semaine.