Dans son dernier épisode, “The Scarlet Letter”, la série The Bold Type réfléchit au mouvement body posi.
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C’est l’une des critiques auxquelles la série de Sarah Watson avait fait face en première saison : si The Bold Type a la faculté d’explorer de nombreux sujets de société, elle le fait d’une façon accessible, qui peut parfois passer pour superficielle. Dans les premiers épisodes de la saison 2, la série avait gagné en complexité, plaçant ses héroïnes dans une zone grise où les problèmes ne sont pas forcément résolus simplement, où le féminisme n’est pas tout blanc ou tout noir, où les décisions prises ne sont pas toujours les bonnes.
Si l’épisode “The Scarlet Letter” reste dans cette veine, challengeant notamment Jane, qui a du mal à rebondir professionnellement après son éviction d’Incite, il évoque pour la première fois le mouvement body positive, fondé en 1996 mais réellement popularisé ces dernières années, notamment via moult hashtags sur Instagram. L’idée est de célébrer la beauté des corps, en particulier féminins, dans toute leur diversité, les femmes étant les premières cibles des diktats physiques imposés par les magazines et autres publicités depuis plus de 50 ans.
Si le body posi inclut tout le monde, il s’est révélé un puissant soutien moral pour les femmes dont les formes ne correspondent pas aux standards de notre société occidentale, c’est-à-dire en écrasante majorité des femmes jeunes et blanches aux courbes de rêve, taillant entre 34 et 38. En d’autres termes, les personnes considérées par la médecine comme en surpoids ou en obésité, et par les gens comme juste grosses, ont enfin pu s’exprimer et se réapproprier leurs corps.
Beautiful people
Scarlet, le magazine fictif au sein duquel évoluent nos héroïnes, a décidé d’éditer un numéro consacré au body positivism. Kat et Sutton rencontrent Tess, une entrepreneuse qui vient de lancer une ligne de maillots de bain, et qui prend le contrôle du compte Snapchat de Scarlet le temps d’une virée shopping aux frais du média. Notons déjà que c’est peut-être la toute première fois où l’on découvre dans The Bold Type une femme qui ne taille pas un 36/38, nos trois héroïnes étant particulièrement canon, sans parler d’Adena, la copine de Kat, tout aussi sublime. Cette scène dure approximativement 2 minutes.
Deux autres arcs narratifs explorent cette thématique : dans le cadre d’un shooting d’accessoires organisé par Sutton, les trois copines acceptent de poser en tenue d’Ève pour ce qui sera donc une série de photos de mode mettant en avant des bijoux sur des corps nus en mode body posi (pas de retouches post-shooting ou de maquillage). Ce moment est très mignon et correspond complètement au mouvement, qui a pour but de retirer les complexes de tout le monde.
Montrer que des filles aussi canons que Kat, Sutton et Jane ont ce qu’on considère encore comme des “imperfections” est une idée maligne, mais il aurait été un peu plus audacieux pour The Bold Type de dénuder aussi Tess, figure body posi dans la série. En ne le faisant pas, la série donne du grain à moudre à ses détracteurs, qui lui reprochaient de ne montrer que des gens canons (hommes comme femmes pour le coup).
Si le show est très à la pointe sur de nombreux sujets, notamment féministes, il ne montrait en effet jusqu’ici que peu de diversité au niveau de la représentation des corps des jeunes adultes. Une catégorie de la population, comme les adolescentes, particulièrement touchée par les diktats de beauté. Cet épisode prouve qu’il y a encore du chemin à faire pour arriver à voir dans The Bold Type autre chose que des gens beaux. Cela dit, à sa décharge, la série explore le monde du journalisme mode et beauté, assez impitoyable dans la vraie vie à ce niveau-là. Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne pourrait pas montrer l’exemple.
Là où The Bold Type a vraiment bien compris le mouvement body positive, c’est à travers le personnage de Jacqueline. Quand elle voit un article du magazine censuré par une décisionnaire, qui pense clairement qu’une personne grosse ne peut pas être en bonne santé – un gros raccourci contre lequel lutte justement le mouvement – la meilleure rédac chef de l’histoire des séries ever décide de prendre la plume (enfin le clavier, mais la plume, c’est plus romantique). Une chose qu’elle n’a pas faite depuis des années, pour concocter un édito pro body posi dans lequel elle explique, selon ses propres mots, que “les notions d’être en forme et gros ne sont pas toujours séparées, et accepter son corps est la chose la plus saine que nous pouvons faire”.
Jacqueline récite un poil trop explicitement le mantra du body positivism, mais disons que ce passage s’inscrit dans la droite lignée de l’esprit de The Bold Type qui braque les projecteurs sur des problématiques des millennials urbains et ultraconnectés, pas toujours connues du grand public. Elle veut donc rester accessible, mais cette nécessité la place parfois dans une position contradictoire comme prôner le body posi tout en n’embauchant que des actrices et des acteurs beaux comme des dieux et déesses grecques.
Espérons que la série ne s’arrêtera pas là dans cette thématique des diktats de beauté, et que d’autres épisodes éclaireront à nouveau ce sujet d’une façon plus complexe. En attendant, si ce sujet vous intéresse ou que vous avez envie de vous y intéresser, on vous conseille l’excellente et carrément irrévérencieuse Dietland.
La saison 2 de The Bold Type est diffusée en US+24 sur Amazon Prime Video en France. Aux États-Unis, elle l’est sur Freeform.