La sortie de la saison 3 de Stranger Things a mis en avant de nouveaux talents, tout en confirmant de précédentes révélations. Devenu cool sans forcer à compter de la saison 2, le personnage de Steve Harrington continue de faire partie des meilleures choses qui soient arrivées à Stranger Things. Les frères Duffer semblent parfois à court d’inspiration quand il s’agit de développer certains protagonistes – oui, on parle de vous, Max et Lucas – mais cela n’a jamais été le cas pour lui. Appartenant à la bande des mecs populaires et imbus d’eux-mêmes qui ne supportent pas qu’on leur résiste (en l’occurence, sa copine Nancy ne l’aimait plus), Steve a dévoilé au fil des épisodes une tout autre personnalité, développant en saison 2 l’amitié la plus touchante et la plus feel good de la série avec Dustin (Gaten Matarazzo).
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Stranger Things ne nageant pas toujours dans la subtilité, on avait un peu peur que la saison 3 caricature cette relation et enfonce tellement le clou que ces deux-là en deviennent insupportables. Que nenni. Les scénaristes ont eu la bonne idée de faire rentrer dans ce groupe une nouvelle tête, Robin, incarnée par la révélation Maya Hawke. Sa personnalité (blasée sans être méchante) et sa propension à accepter la part de loseuse qui sommeille en elle en ont fait le parfait pendant féminin de Steve. En un épisode, on avait adopté Robin, tout comme notre ado chevelu préféré, qui s’est retrouvé avec une nouvelle partenaire de jeu. L’alchimie entre Maya Hawke et Joe Keery relève de l’évidence.
Les frères Duffer sont clairement à l’aise avec l’écriture de ces personnages, aux tenues de moussaillons aussi mignonnes que désuètes. Ils ont imaginé un paquet de situations comiques irrésistibles au sein du magasin de glaces Scoops Ahoy et du centre commercial Starcourt, qui culminent avec ce moment où les deux ados sont drogués par les (méchants) Russes – et où l’on se dit que, décidément, Joe Keery n’aurait aucun mal à porter sur ses épaules une sitcom américaine ou, mieux, un spin-off de Stranger Things centré sur les aventures de Steve. Son sens du timing comique est impeccable. L’acteur maîtrise aussi bien ses regards et les courts silences pour décupler les effets que les moments de pure action où il faut crier et courir dans tous les sens.
Masculinité positive
Sur les Internets, où Steve Harrington fait l’objet d’une belle production de mèmes, le personnage est souvent comparé à une “maman célibataire” qui n’a pas le temps de dater et doit s’occuper de ses petits. Ou à une baby-sitter débordée par six enfants à garder. Cette inversion des rôles genrés traditionnels est pour le coup très contemporaine. Dans les films des années 80, l’ado plus âgé était habituellement la brute de service qui vient traumatiser la bande de gosses plus jeunes – l’incarnation de la masculinité toxique, en somme. C’est le cas dans Stand by me (Kiefer Sutherland tient un rôle de voyou qui a très probablement inspiré celui de Billy dans Stranger Things) ou Les Goonies (Josh Brolin incarne le grand frère boulet de Mickey).
On est en 2019 et les temps ont changé. Les Duffer retournent ce trope pour faire prendre à Steve une autre direction. Il ne sera pas une représentation de la masculinité toxique, mais plutôt un modèle de masculinité positive qui ne se construit pas contre les personnages féminins. Après s’être fait larguer par Nancy, il n’a aucune rancune et se concentre sur ses aventures avec les kids et son amitié avec Dustin. En plus d’être drôle, détente et protecteur, il a appris la tolérance, tout seul comme un grand.
Ainsi, quand il se méprend sur les intentions de Robin, qui lui confesse aimer les femmes, il rebondit comme si de rien n’était, faisant comprendre qu’il n’a pas de problème avec ses préférences sexuelles. À la fin de la saison, les deux potes sont devenus BFF et s’apprêtent à commencer un nouveau job dans un vidéoclub (évidemment !). Et pour autant, la relation entre Dustin et Steve n’est pas mise de côté. Leurs retrouvailles sont déjà cultes, et dans un renversement de leur dynamique, c’est le jeune garçon qui se retrouve à la fin de la saison à devoir prendre soin de son “daddy” spirituel, drogué à son insu. En somme, ce que dit Steve aux ados qui regardent Stranger Things (et ils sont nombreux), c’est qu’on peut être cool en étant dans la bienveillance envers les plus jeunes, et qu’on n’a pas besoin d’avoir nécessairement une fille à son bras pour être bien dans ses pompes – et qu’on peut aussi être complètement pote avec une meuf lesbienne.
Le seul risque désormais pour les Duffer, c’est de fétichiser Steve autant que les fans, et de ne pas vouloir égratigner ce personnage parfait tel qu’il est.
Les trois premières saisons de Stranger Things sont disponibles sur Netflix.