Sublimée par la patte de Jean-Marc Vallée, la mini-série de HBO s’est imposée, épisode après épisode, comme une œuvre singulière.
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Entre la seconde cuvée de The Bold Type en demi-teinte, la déception Castle Rock – la dernière fiction adaptée de l’univers de Stephen King – ou encore la très ratée Insatiable, le cru estival de 2018 n’aura pas été des plus brillants. En dépit de la médiocrité ambiante, une production est parvenue à sortir du lot. J’ai nommé Sharp Objects, le dernier hit de HBO dont la trame narrative est inspirée du roman du même nom de Gillian Flynn, l’autrice à qui l’on devait déjà l’excellente Gone Girl.
Derrière ce titre évocateur (“sharp objects” peut se traduire littéralement par “objets tranchants”), un récit multigénérationnel qui place les femmes, torturées, sincères, au cœur de son intrigue, saupoudrée d’un thriller aussi percutant qu’angoissant. Amy Adams a délaissé le grand écran pour endosser le rôle de Camille Preaker, une reporter névrosée, rattrapée par les démons de son passé tandis qu’elle rentre au bercail pour couvrir les meurtres de deux adolescentes.
Comparée à True Detective en amont de sa diffusion, Sharp Objects s’est rapidement distancée de l’anthologie créée par Nic Pizzolatto. Si les deux œuvres partagent une même noirceur, le bijou de Gillian Flynn et Marti Noxon s’est affranchi du côté pesant de son aînée. Et, bien que chaque épisode soit suffocant à bien des égards, son visionnage se fait de manière plus fluide, grâce à des personnages justement façonnés qui nous fascinent tout de go.
Si la prestation d’Amy Adams se doit d’être saluée – et devrait lui valoir une poignée de nominations aux prochaines cérémonies –, la distribution entière de Sharp Objects est admirable. Patricia Clarkson, sous les traits de l’imprévisible et calculatrice Adora, réussit à insuffler ce qu’il faut d’humanité à son personnage pour le rendre intéressant. Quant aux jeunes comédien·ne·s, Eliza Scanlen en tête, jouissive dans la peau d’Amma, ils complètent avec brio ce casting trié sur le volet.
Visuellement, Sharp Objects est bluffante, grâce à la réalisation toujours léchée de Jean-Marc Vallée, qui nous en avait déjà mis plein les mirettes avec Big Little Lies l’an passé. Ici, le réal’ canadien se surpasse avec une photographie envoûtante. Il parvient à nous faire ressentir la moiteur du Missouri, par des plans serrés et une attention au détail saisissante. Vous l’aurez deviné, il est difficile de trouver des défauts à cette mini-série qui carbure aussi bien sur le fond que sur la forme.
Vendue à l’origine comme un thriller étouffant – et elle l’est, c’est évident -, Sharp Objects est bien plus que ça. Elle s’impose comme un portrait de femmes diamétralement opposées, et propose une radiographie de la violence au féminin assez inédite sur la petite lucarne. Tour à tour héroïne empathique et anti-héroïne frustrante, Camille Preaker est sans nul doute l’un des personnages les plus travaillés et nuancés de ces dernières années, toutes séries confondues.
Sharp Objects explore avec brio la toxicité des rapports humains et les extrêmes que ceux-ci peuvent atteindre. Le dénouement de la série, haletant et mesuré à l’image des volets précédents, est suffisamment abouti pour nécessiter un éventuel second visionnage, ne serait-ce que pour mieux s’attarder sur les détails qu’on a pu survoler. Encore une fois, HBO a su prouver qu’elle pèse dans le game des productions ambitieuses et qu’elle est capable de mettre un casting quatre étoiles au service d’une intrigue prenante et réfléchie. En bref, on recommande, vivement.
L’unique saison de Sharp Objects est disponible dès maintenant à la demande sur OCS en France.