Infections sexuellement transmissibles, pilule du lendemain, préservatifs… Contraception et protection ne sont clairement pas les bonnes copines des séries.
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Plus les années passent, plus les tabous se dissipent. Tandis que Glenn se fait gentiment éclater la boîte crânienne à coups de batte dans The Walking Dead, Jimmy de You’re the Worst prodigue un cunnilingus matinal à sa petite copine Gretchen. Pendant ce temps, Chapman fait les yeux doux à Alex Vause dans les couloirs du pénitencier d’Orange Is the New Black. De la nudité à la violence en passant par la représentation des LGBT, de nombreuses thématiques sensibles sont désormais évoquées dans les séries.
Depuis plusieurs années dans l’environnement sériel, on assiste à une libération graduelle des mœurs. On peut balancer des insultes, picoler, se droguer et même se faire avorter. Pas nécessairement dans cet ordre. Si le filtre conservateur qui planait au début du siècle sur les séries est en train de s’estomper, certains tabous persistent. C’est bien beau de voir Olivia Pope s’envoyer en l’air à la Maison Blanche avec le président des États-Unis, encore faudrait-il la voir agir en conséquence. Et si les séries faisaient du préservatif leur guest star de choix ?
Le sexe sur le petit écran, c’est surtout une recette inchangée depuis des années. Des coups de rein langoureux, des peaux zéro défaut s’effleurant sensuellement, pourquoi pas quelques gémissements aigus çà et là. Un cri de jouissance plus tard, l’affaire est dans le sac. Dans cette joyeuse célébration qu’est le coït télévisuel, la contraception et la protection sont persona non grata, qu’importe la forme qu’elles revêtent. La pratique du safe sex serait-elle tellement acquise que les séries peuvent se passer d’en faire la promotion ? Les CDC (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, ndlr) ne l’entendent probablement pas de cette oreille.
Le safe sex, c’est ringard ?
Dans leur rapport détaillé de 2016, les CDC établissent un constat alarmant : les États-Unis battent un record… d’infections transmises sexuellement. Pas de quoi s’en vanter dans le Guinness. Entre 2014 et 2015, le nombre de cas de chlamydia a augmenté de 5,9 %, contre pas moins de 12,8 % pour la gonorrhée. La syphilis, indétrônable, affiche une inquiétante croissance inédite de 19 %. En d’autres termes, l’usage de la bonne vieille capote n’aura jamais autant été nécessaire chez nos amis ricains.
Au bout du compte, les États-Uniens paraissent aussi fâchés avec les moyens de contraception dans la vraie vie que dans les séries. Fort dommage quand on sait que 81 % des individus de moins de 35 ans ont un abonnement Netflix. Tranche d’âge qui se trouve être également la plus sujette aux IST. Autant dire qu’une petite leçon d’éducation sexuelle avec nos personnages préférés ne serait pas de trop.
Les années 2000 peuvent au moins se targuer d’avoir vu naître une poignée d’œuvres sérielles dépeignant la sexualité à travers un prisme plus large que “sexe = plaisir, et puis c’est tout”. Encore trop souvent aujourd’hui, le sexe est perçu comme quelque chose de passionné, sexy et, en définitive, enjolivé au possible. De Girls à Please Like Me, quelques battantes résistent à la “glamourisation” systématique de l’acte sexuel. Ces dernières se sont frottées (sans mauvais jeu de mots) aux IST et à la thématique de la contraception.
Dans Girls, le sujet des MST et des IST est abordé dès les premiers épisodes par Lena Dunham, dans “Vagina Panic” et “All Adventurous Women Do”. Alors que Jessa doit se faire avorter, Hannah réalise des tests et apprend qu’elle a un papillomavirus, un virus très répandu chez les femmes, qui peut être bénin ou malin (c’est un facteur du cancer du col de l’utérus). Autant vous dire qu’avant Lena Dunham, il faut probablement fouiller dans des épisodes d’Urgences (et encore) pour en avoir entendu parler dans une série. Toujours dans Girls, le personnage de Marnie explique ouvertement qu’elle prend la pilule en saison 2. Si la série a ouvert des portes sur ces sujets, on regrettera en revanche qu’elle les ait petit à petit fermées dans les saisons suivantes.
Dans l’épisode inaugural de la saison 2 de Looking, après que Patrick demande à Kevin de le prendre contre un arbre, on aperçoit Kevin en train de dégainer un préservatif. Un réflexe qui montre que, oui, le sexe peut être aussi sauvage que protégé. Improbable, n’est-ce pas ? En parallèle, le couple explosif Hannah/Adam de Girls faisait déjà bon usage de sa boîte de Durex. Dernièrement, dans le teen drama Switched at Birth, un personnage dévoile un tiroir plein de capotes et avoue se faire tester tous les mois. Un effort bienvenu quand on sait que la tranche d’âge ciblée par le show est relativement jeune.
Encore plus tôt dans la frise chronologique sérielle, en 1994 plus exactement, la regrettée Angela, 15 ans abordait le safe sex. Tandis qu’une jeune Claire Danes envisage d’avoir un rapport sexuel, un médecin lui conseille l’éponge contraceptive (à ne pas confondre avec la fameuse “cup” menstruelle). À la fin des 90’s, l’hypersexualisée Samantha Jones de Sex & the City collectionnait les amants et revendiquait son utilisation de la capote. Mieux encore, elle n’hésite pas à aller se faire dépister. Quant à sa copine Carrie Bradshaw, on apprend lors d’un épisode qu’elle est une fervente utilisatrice du diaphragme.
Autre série adolescente culte de la fin des 90’s, Dawson a beaucoup parlé de sexe. On se souvient en particulier d’une scène pour le moins didactique de la saison 4, lorsque Joey envisage d’avoir des rapports sexuels avec Pacey. Elle prend alors rendez-vous au planning familial, où une femme très gentille lui explique tout le topo des relations sexuelles et des moyens de contraception. En saison 2 déjà, Pacey, ce grand tombeur, prenait son temps à choisir une boîte de préservatifs, dans l’objectif de passer à l’acte avec Andy. Il recueillait malgré lui les conseils de passants adultes sur les plus et les moins de chaque marque.
Si elles sont peu nombreuses, ces séries ont leur importance. Elles démontrent à leur manière, à chaque fois bien personnelle, qu’ébats sexuels décomplexés peuvent être synonymes de précautions. Néanmoins, au-delà du condom, il existe d’autres méthodes de contraception qui, étrangement, n’existent pas dans ce monde merveilleux et idéaliste des séries télévisées.
Le sexe dans tous ses états
En 2012, la méconnue The L.A. Complex a osé dès son pilote montrer l’existence, et surtout les conséquences, de la pilule du lendemain. Certes, cela a surtout été fait dans une visée comique (le personnage en question vomit lors d’une importante audition), mais on peut au moins saluer l’effort. Quant à la PrEP (prophylaxie pré-exposition, une forme de traitement pour prévenir du VIH, ndlr), How to Get Away with Murder est probablement la seule à en parler. En revanche, le dépistage, à quelques exceptions près (dans Dawson encore, Pacey, modèle de sexualité responsable, montre son test VIH négatif à Andie en saison 4), reste rarement représenté dans les séries. Parce qu’il est anti-glamour, ou dénué d’intérêt d’un point de vue scénaristique ?
Dans cette classe où les cancres se succèdent, l’import australien Please Like Me s’impose comme un élève modèle. En plus d’exposer avec justesse les aboutissants d’un avortement en saison 3, la quatrième et ultime saison n’hésite pas à aborder le fameux incident du préservatif troué pendant l’acte. Le héros, Josh, se met à flipper. Est-il porteur d’une IST ? Vient-il d’être contaminé ? Là où d’autres fictions auraient volontiers tourné la page, Please Like Me nous embarque dans les coulisses du dépistage, du questionnaire gênant jusqu’à la prise de sang. Un aspect de la sexualité qui est, une fois de plus, trop facilement écarté.
À l’automne dernier, l’héroïne d’Insecure (une autre dramédie signée HBO, décidément) trompait son petit ami avec un crush de longue date. Sur un divan plutôt confortable (on suppose), Issa s’adonne à une partie de jambes en l’air endiablée, et surtout non protégée. Cette scène est loin d’être un cas isolé pour le show. Alors oui, il est possible de supposer que ces personnages fictifs pratiquent le safe sex implicitement. Si c’est le cas, comment justifier ce choix de ne pas en parler plus ouvertement ? L’usage de moyens contraceptifs et de protection est-il trop has been pour la sphère sérielle ?
Les séries, média “sexo-responsable”
À l’image d’un grand nombre de sujets, les séries se calquent sur le réel. Oui, des personnes ne se protègent pas et s’exposent à divers risques, ou n’utilisent pas de contraception. D’autres le font : certaines femmes prennent la pilule ou misent sur l’implant contraceptif, par exemple. En parallèle, des couples mènent une vie sexuelle survoltée et non protégée, tout en se dépistant régulièrement. Les situations sont multiples et variées. Parce qu’au fond, la sexualité c’est aussi ça : l’opportunité de faire des choix, tout en ayant connaissance des alternatives existantes et des risques pris.
À trop vouloir privilégier le storytelling grandiose et les twists à outrance, nos séries favorites en oublieraient presque leur impact. Qu’elles le veuillent ou non, elles sont un vecteur pédagogique, qui peut offrir aux téléspectateurs un état des lieux de la sexualité moderne. Depuis quelques années, les séries sont sur la bonne voie. Ça serait quand même sacrément dommage de tout faire capoter.