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Tandis que le tout-Hollywood est sur son trente et un en ce 26 mars 2000, Trey Parker et Matt Stone, eux, sortent de leur limousine comme deux hallucinés venus d’un autre monde. Ils portent respectivement les robes qu’arboraient Jennifer Lopez et Gwyneth Paltrow l’année précédente. Surtout, les trublions ont pris une belle dose de LSD.
En sortant du véhicule, alors que la lumière et le bruit agressent les jeunes hommes, les médias se ruent vers eux pour parler de cet accoutrement et de leur drôle de comportement. Ils ne répondront que par “It’s an amazing day“, ou ce genre d’inepties que l’on entend sur tapis rouge.
Quelques heures plus tard, tandis que la cérémonie des Oscars bat son plein, c’est Robin Williams qui se charge d’interpréter sur scène le morceau extrait du film South Park, “Blame Canada”, pour lequel Trey et Matt sont nommés dans la catégorie “Meilleur morceau original”. Ils ne remporteront pas ce prix face à Phil Collins et le Tarzan de Disney, mais ce n’est que partie remise.
L’anecdote en dit long sur l’attitude et l’humour du duo, sur le “je m’en foutisme” de Trey Parker et Matt Stone face aux projecteurs, et surtout ce qu’ils pensent du star-système et de la reconnaissance par leurs pairs. Pourtant, leur création, South Park, est reconnue par tous comme un bijou culte qui s’est glissé au panthéon des meilleures séries de tous les temps. De l’histoire du show à leur processus créatif, rien n’est conventionnel, rien ne le sera jamais et tant mieux.
Car sans le savoir, Trey Parker et Matt Stone ont donné naissance à la satire dont l’Amérique et le monde avaient besoin.
Une série née d’un des premiers buzz de l’histoire
Il était une fois deux gamins un peu paumés. Le premier vient de Denver et semble avoir toujours eu un goût prononcé pour l’humour noir… et les comédies musicales. C’est tout naturellement qu’il s’inscrit à l’université de cinéma du Colorado où, en dehors des cours, il participe aux courts métrages de ses camarades — ce qui l’ennuie à mourir.
Heureusement, il sympathise avec un autre étudiant qui déteste ça tout autant que lui, Matt Stone. Lui, bien que né au Texas, a grandi dans le Colorado et est un petit prodige en math. Mais rien ne le fait autant marrer que d’entendre Trey Parker doubler les cours en prenant des petites voix d’enfants. Il faudra un an pour que ces conneries aboutissent à un petit truc.
Trey avait déjà réalisé un court animé, avec des personnages de papier découpés à la mains filmés en stop motion. Il s’appelait American History et avait même reçu un prix étudiant. Sans difficulté, il convainc son complice de reprendre le processus pour un film de Noël. Nous sommes fin 1992, et c’est ainsi que Jesus vs. Frosty voit le jour.
Ils déménagent par la suite à Los Angeles, remplis d’espoir. Pendant des mois, les deux copains galèrent, sans salaire, l’un dormant sur un matelas pourri et l’autre sur une pile de linge sale. En 1993, Trey écrit et met en scène son premier film. Il s’agit d’une comédie musicale basée sur un trailer qu’il a dû pondre pour l’université, Cannibal! The Musical. Si ce nanar assumé n’aura pas un grand écho à Hollywood, il permet aux deux hommes de rencontrer un certain Brian Garden, qui travaille pour la Fox.
Fan de leur humour, le producteur leur propose un pilote de série musicale et leur demande s’ils ont quelque chose d’autre. Le duo présente, sans vraiment y croire, Jesus vs. Frosty. L’effet est immédiat. Ils développent un autre projet, Time Warped, mais finalement la Fox passera son tour.
Brian Garden demande fin 1994 aux deux garçons s’il peut envoyer leur court animé comme carte de Noël à tout ses amis, ce qui donne une centaine de copies sur VHS. Les retours sont plus que positifs, et ils proposent 2 000 dollars pour en faire un autre du même style au Noël suivant.
Au bout d’une semaine sans sommeil, leur deuxième court, L’esprit de Noël, ou Jesus vs. Santa, est finalisé. Ce dessin animé est un poil plus polissé et pro que le premier. Cette fois, Cartman se met à faire des blagues sur les juifs. La vulgarité est plus présente et les personnages plus proches de leurs formes finales. Surtout, on y trouve au tout début la fameuse pancarte “South Park”. Ne pensant pas que leur court dépasserait le cadre du cercle amical de Brian, les auteurs ne mettent même pas leurs noms au générique.
Seulement voilà, les amis de Brian adhèrent complètement. Ils commencent eux aussi à copier en masse le dessin animé pour l’envoyer à leurs proches. La VHS commence à bien tourner aux États-Unis. C’est un des premiers “buzz” de l’histoire du divertissement moderne. La légende raconte que George Clooney, à l’époque connu pour son rôle dans Urgences, en aurait fait plus de 300 copies.
Les mois passent. Trey et Matt se retrouvent par hasard à une soirée, et en plein milieu de celle-ci, tout le monde s’agglutine autour de la télé. “Vous devez voir ça“, dit un type. La VHS se lance et c’est leur court qui est diffusé. Les deux, sourire en coin, lâchent qu’ils en sont les créateurs. “Non, on connaît les mecs qui ont fait ça, et ils viennent tout juste de rencontrer des gens de MTV”, rétorque l’un des invités.
Tandis que le buzz se poursuit, toutes les chaînes et studios veulent rencontrer le duo. Ce dernier reprend le trail et rédige de courts scripts pour ce qui serait une série, appelée South Park. S’ils sont intrigués, la plupart des producteurs ont du mal à croire qu’une VHS underground peut fonctionner sur un format série. Parmi les critiques récurrentes, il y a cette vulgarité, inimaginable selon eux à la télévision. Résultat, MTV et la Fox, principales intéressées, disent non.
Au même moment, la petite chaîne Comedy Central se trouve dans une drôle de situation. Leur plus gros distributeur vient de les lâcher. Le nombre d’adhérents stagne, voire diminue. Quant au contenu, Comedy Central est l’une des rares chaînes à n’avoir aucune série originale. C’est dans ce contexte que Doug Herzog, alors président de CC, tombe sur la vidéo. Rendez-vous est pris à New York.
Doug Herzog a du mal à cerner les deux hommes, et décide de leur faire confiance pour un pilote. “Je me souviens de la première idiotie que je leur ai dite. Ils voulaient tuer Kenny chaque semaine. Et je me souviens leur avoir rétorqué : ‘Quoi, c’est marrant ? Les gens ne vont pas détester cette idée ? Ce n’est pas un peu triste ?’ Puis je me suis tu et je les ai laissé faire” raconte-t-il à Entertainment Weekly avant de conclure :
“Le génie de South Park réside dans le fait qu’il n’y ait rien de conventionnel dedans.”
Nous sommes le 13 août 1997. Après trois mois de dur labeur naît “Cartman a une sonde anale”, suivant le même process que leur deux précédents court métrages. Déçue par le produit fini, Comedy Central hésite à produire plus d’épisodes. Heureusement, le bébé fonctionne, notamment sur l’Internet encore balbutiant. En insistant, le duo pond “Muscle Plus 4000”, qui plaît à la chaîne. Celle-ci finit par commander une saison, puis deux.
Vous connaissez la suite.
6 jours avant la diffusion
Dès le deuxième épisode, Matt Stone et Trey Parker se libèrent de la méthode complexe du papier coupé à la main, pour utiliser le numérique de manière plus simple. Un documentaire génial de 40 minutes, 6 Days to Air: the Making of South Park, sorti avec la saison 15, dévoile tout le processus de création, unique en son genre dans le sens où chaque épisode est conçu en moins d’une semaine.
Actuellement, South Park est diffusé le mercredi soir. Dès le jeudi, toute l’équipe planche sur le scénario de l’épisode à venir. Cela peut prendre quelques heures comme deux jours. Dans 6 days to air, on les voit gamberger, discuter avant que Trey Parker raconte avoir mis à jour son iTunes, puis plaisante sur le fait qu’il n’a jamais lu les conditions d’Apple, et qu’il a peut-être accepté des choses horribles dedans. Ils s’imaginent alors Kyle dans cette situation, disant oui à des choses folles, pour finir par se faire kidnapper par la marque à la pomme.
De cette idée sortira “Humancentipad”, l’un des meilleurs épisodes de ces dernières années, où s’enchaînent les piques envers Steve Jobs. Les spécialistes high-tech et les consommateurs, qui encensent sans réfléchir chaque nouveau produit, y sont caricaturés à travers le personnage de Cartman.
Steve Jobs s’apprête à nourrir son Humancentipad. (© South Park / Comedy Central)
Après la trame principale, le script et les dialogues viennent les storyboards et l’animation. Puis le duo se retrouve au micro pour enregistrer lui-même la plupart des personnages. Trey prête sa voix à Stan, Randy, Cartman, Mr. Garrison, Clyde, Craig, Timmy, Jimmy, Philippe ou encore Mr. Mackey tandis que Matt, lui, est Kyle, Gerald Broflovski, Kenny et son père, Jimbo, Jésus, Butters, Saddam Hussein, Pip, Terrance et Tweek. Preuve s’il en fallait qu’ils conservent un contrôle total sur leur série.
L’épisode se finalise sur les derniers jours, et se trouve la plupart du temps envoyé le jour même que la diffusion sur Comedy Central ! Ces derniers ne sont pas toujours au courant de tout. Aucun teaser n’est disponible avant le lundi la plupart du temps, voire jusqu’à la veille de la diffusion. Surtout, les équipes terminent parfois un épisode dans la nuit du mardi au mercredi, dans la douleur et la fatigue.
Ce process, qui fait que l’équipe ne vit que pour l’épisode en cours, explique le fait qu’il n’y ait que dix épisodes par saison. Sans compter que Trey Parker et Matt Stone ont aussi d’autres projets dans les tuyaux, comme cette comédie musicale sur les mormons qui a cartonné à Broadway (9 Tony Awards tout de même) ou, plus récemment, des jeux vidéo.
Ce processus de fabrication permet en effet de rebondir sur des évènements récents, très récents. L’exemple le plus criant est probablement l’épisode “À propos d’hier soir”. Ce dernier, diffusé le lendemain de l’élection présidentielle de 2008, traitait de la victoire de Barack Obama. Ces grands fous ont attendu la soirée et le discours du nouveau président, afin d’en incorporer des parties dans l’épisode le matin même de la diffusion.
On notera qu’au moins quatre épisodes ont dû probablement demander plus de temps, car ils impliquent une autre forme d’animation, qu’il s’agisse de l’hommage façon Métal Hurlant de “Planète Gros Nibards”, celui façon anime japonais pour “Les Armes, c’est rigolo”, “Make Love, Not Warcraft”, rappelant le jeu vidéo plus que célèbre, et plus récemment “Grounded Vindaloop” avec cette scène finale en prise de vues réelles remettant tout en cause.
South Park est probablement la seule série à se construire au jour le jour, démontrant l’ultime confiance qu’accorde la chaîne aux créateurs. D’ailleurs, elle devrait encore survivre quelques années, puisqu’il a nullement été mention du fait que cette future saison 23 soit la dernière — pour l’instant. Côté longévité, peu de séries peuvent se vanter d’avoir près de 300 épisodes (297 pour être précis) au compteur.
Very important satire
Tout au long de ces 297 épisodes, South Park a forgé une nouvelle forme de satire, mêlant humour noir et absurde, moquerie gratuite et se nourrissant de l’actualité. Mais surtout, c’est en jouant sur les célébrités du tout-Hollywood que la série a su se démarquer. Si on trouve quelques caméos dans Les Simpson, ici il n’y a quasiment pas d’épisodes sans stars raillées – on en comptait 283 à la fin de la saison 19.
Dans les plus extrêmes, on notera le vagin d’Oprah Winfrey à la tête d’une prise d’otages, Paris Hilton en junkie capricieuse, Kanye West en gay-fish ou encore Saddam Hussein en amant de Satan, pour ne citer qu’eux.
Dans l’épisode “Piégé dans le placard”, Tom Cruise refuse de sortir du placard de Stan, présenté alors comme le messie de la scientologie. Derrière tout ce ramdam concernant la secte se cache également l’évident jeu de mots sur une supposée homosexualité de l’acteur.
Autant dire que ce dernier n’apprécia guère d’être dépeint de la sorte, il réussit d’ailleurs à empêcher la diffusion britannique de l’épisode et la rediffusion sur Comedy Central, en faisant du chantage sur sa présence pour la promo de Mission impossible III.
Si le “closet gate” est l’un des incidents les plus connus – il a même provoqué le départ d’Isaac Hayes, lui-même scientologue, qui doublait Chef depuis le début – et a été parodié à plusieurs reprises, ce n’est pas la première, ni la dernière fois que South Park aura des ennuis.
La firme EA a porté plainte après l’épisode “Sexual Healing” sur Tiger Woods, d’autres ont menacé de le faire, de nombreuses associations sont montées au créneau contre la série, notamment sur la représentation des différentes religions.
Toute une affaire autour de la représentation de Mahomet fut à l’origine d’une des premières censures du show, qui n’est pas venue de Comedy Central mais des diffuseurs locaux. La première et seule censure exercée par la chaîne concernera le monologue de fin du double épisode 200-201 qui encense la violence, de manière évidemment ironique.
Cette liberté la plus totale dont jouit South Park depuis presque vingt ans est au cœur de son ADN. Trey Parker et Matt Stone possèdent une certaine forme d’impunité. Ils sont devenus quasi intouchables et tout le système le sait.
En 297 épisodes critiques envers les religions, le star-système et la politique, seuls quelqu’uns furent vraiment problématiques. Une grande partie des célébrités moquées saluent la représentation que la série a pu faire d’elles, à l’image, récemment, de Lorde.
Les deux hurluberlus font ce qu’ils veulent et ne s’arrêteront probablement jamais. Déjà, parce que la série a une fan base conséquente et que les spectateurs sont à la recherche de cette impertinence, devenue un véritable symbole de la liberté d’expression. Mais aussi parce qu’un business énorme s’est construit autour des quatre bambins du fin fond du Colorado. Du coup, carte blanche.
Pendant les deux premières saisons, tout le monde s’est rué pour poser sa voix sur l’un des personnages. On raconte par exemple que George Clooney (encore lui !) aurait supplié le duo pour participer au show, et se retrouva à faire les aboiements de Sparky, le chien de Stan — ce qui le fit franchement marrer. On retrouvera aussi Jay Leno, Robert Smith, Elton John, DMX…
À partir de la saison 3, de moins en moins de guest stars apparaissent au fil des épisodes. En invitant autant de célébrités, les créateurs ont réalisé qu’il était probablement plus complexe de se foutre de leur gueule.
Ils ont donc préféré se passer de ce genre de plus-value pour garder leur nécessaire liberté. Ce choix traduit l’intarissable besoin d’indépendance des créateurs, mais résonne aussi comme une fronde contre le star-système (de même que cette histoire d’Oscars en 2000).
Le duo reste assez méfiant de tout ce qui se passe à Hollywood et préfère le prendre à la rigolade, ce qui ne l’empêche pas d’être pris au sérieux, comme le prouve cette nomination aux Oscars. Une position dont il joue : chaque épisode regorge de références ciné plus ou moins évidentes.
Mais que se passe-t-il vraiment dans les esprits torturés des deux génies ? Difficile à découvrir. La série se distingue par deux faits d’armes : les stars humiliées pour notre plus grand plaisir, et la politique abordée sous une forme de schizophrénie géniale. Il est impossible de donner une orientation claire et sensée à South Park, ce qui est probablement une bonne chose.
D’un côté, on critique la surveillance à outrance et ce besoin d’être contrôlé par le gouvernement pour notre “sécurité” dans “Chiottes Mortelles” (saison 16) et de l’autre, on se moque de ces activistes acharnés luttant contre la surveillance à outrance de la NSA dans “Let Go, Let’s Gov” (saison 17). Un exemple qui s’applique également aux armes, au changement climatique et plus récemment à la bien-pensance dans l’intégralité de la saison 19.
Un certain nombre de papier, voire de thèses universitaires sur le sujet, tombent chaque année. Certains les trouvent démocrates, d’autres républicaines, alors que Trey Parker et Matt Stone ne se retrouvent dans aucun des deux camps. Ils se disent libertariens. On préfère ne pas se poser la question et savourer cette satire unique en son genre, dont tout le monde avait besoin.
La scène culte
Il est évidemment compliqué de ne choisir qu’un moment parmi tous ces épisodes, mais une scène culte ressort comme étant un véritable pivot du show. Ce n’est pas la pire, ce n’est pas la plus extrême. Aucune célébrité n’est moquée (Radiohead sert juste d’élément de narration) mais pourtant, il s’agit probablement de l’un des moments les plus marquants de la série.
Nous sommes le 11 juillet 2001, à la cinquième saison de South Park. On pense avoir tout vu alors que ce n’est vraiment que le début. C’est là que débarque ce cher Scott Tenorman [Si vous n’avez pas vu l’épisode 4 de la saison 5, “Scott Tenorman doit mourir”, attention : maxi spoilers].
Dans cet épisode, Cartman se fait flouer par un garçon de seconde, Scott Tenorman, qui lui vend des poils pubiens pour qu’il ait enfin des poils dans le caleçon. L’arnaqué décide de se venger à tout prix, ce qui ne marche pas jusqu’au trick final, où façon Massacre à la tronçonneuse 2, le petit garçon organise un “Chili Con Carnaval”, et fait manger un chili à son adversaire rouquin cuisiné avec les cadavres des deux parents Tenorman.
Le gamin se met à pleurer, Radiohead, qui est son groupe préféré, se moque de lui et pendant ce temps, Cartman vient se délecter de ce nectar qui coule le long des joues pleines de taches de rousseur de Scott.
Effectivement, des épisodes plus trash, plus surprenants et plus marquants, il y en a à la pelle. Mais celui-ci résonne différemment. Déjà, force est de constater qu’il est brillamment écrit. Cartman qui passe pour débile profond au début de l’épisode, se faisant avoir coup sur coup par l’adolescent prébubère, atteint le statut de génie démoniaque au plan absolument improbable, sans queue ni tête, qui mène au chili con carne de la mort.
Mais c’est surtout l’épisode qui montre de quoi Cartman est capable. On sent que l’on touche une limite quasi infranchissable. Oui, plus tard, il montera une société de jeux avec des bébés accros au crack, deviendra nazi après avoir vu La Passion du Christ, organisera une révolution violente en faveur des roux, utilisera Chtulhu pour détruire Burning Man entre autres, refilera le Sida à Kyle après l’avoir chopé… La liste est longue et semble aller en empirant.
C’est la première fois que le petit garçon de CM1 devient un véritable psychopathe, proche d’Hannibal Lecter. On s’approche du vrai Eric Cartman tel qu’on le connaît maintenant, après vingt saisons.
Ajoutez à cela les multiples références ciné, le fait que Radiohead ait participé à l’épisode, et vous comprendrez pourquoi il est foncièrement culte. Il est souvent classé parmi les meilleurs épisodes de South Park. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que le double épisode “200-201”, parmi les plus ambitieux de Trey Parker et Matt Stone, ait abouti au retour de Scott Tenorman et annonce enfin qui est le père de Cartman.
Les héritiers
South Park est une série unique en son genre. On trouve bien évidemment des influences par-ci et par-là, celle des Simpson par exemple. Mais dans l’absurdité et l’acidité de son humour, on ne retrouve rien, aucune autre série.
En revanche, il n’est pas absurde de parler d’héritiers. Quand l’on regarde des show comme Rick & Morty par exemple, on retrouve ces mêmes blagues cracra (Rick qui rote tout le temps), des histoires qui partent dans tous les sens. Tout ça est plus ou moins normal pour les personnages, et on oublie ce qui s’est passé dans l’épisode suivant.
De manière plus subtile ou différente, on peut aussi évoquer Futurama, Robot Chicken et un peu Bojack Horseman dans cette critique du star-système et ce mille-feuille de lectures possibles. Et puis, évidemment, la série avortée au bout d’une saison That’s My Bush, l’un des nombreux autres projets de Trey Parker et Matt Stone, présente la même forme d’humour. De même, on ne peut oublier Team America : World Police, film de marionnettes du même duo, probablement le plus grand doigt d’honneur jamais fait à Hollywood.
Au bout de dix-neuf ans, et alors que la saison 20 débute ces jours-ci, personne ne semble vraiment avoir repris cette impertinence, comme s’il fallait l’esprit maboul de deux potes de facs pour réussir à innover ainsi. I
ls ne restent pas sur leurs acquis à juste vivre avec leur bébé. Ils le font évoluer en permanence, comme l’a prouvé ces dernières saisons qui abandonnaient la narration épisode par épisode pour implanter un arc narratif étendu à l’échelle de dix épisodes (et probablement plus s’ils s’y tiennent).