Inséparable de ses rôles dans la série American Horror Story, Sarah Paulson est devenue une comédienne unique grâce ses interprétations variées et adulées par les fans. Mais Sarah Paulson, c’est aussi et surtout une actrice de genre qui mérite d’être sous les projecteurs d’Hollywood.
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Enfin. Après trois nominations en 2013, 2014 et 2015, Sarah Paulson a remporté un Emmy Award lors de la cérémonie 2016. Celui de meilleure actrice dans une mini-série pour son rôle de Marcia Clark dans American Crime Story. Un de ses nombreux projets où le super-showrunner Ryan Murphy lui a fait confiance une fois encore. Car depuis plusieurs années, Sarah Paulson enflamme le monde des séries avec ses prestations nuancées et acclamées par les adeptes d’American Horror Story.
On l’a vue enfiler avec une facilité déconcertante une robe d’époque dans le western Deadwood, s’habiller d’une blouse d’infirmière dans Cupid ou encore revêtir sa plus belle tunique de sorcière dans American Horror Story : Coven.
Bref, il était temps de revenir sur le parcours de l’actrice caméléon par excellence, qui a enfin été récompensée dans l’univers des séries.
Du fin fond de la Floride aux planches de Broadway
Sarah Paulson naît par une nuit d’hiver, le 17 décembre 1974, à Tampa (Floride). Elle est la fille de Catharine Gordon, une écrivaine en herbe, et de Douglas Lyle Paulson, un vendeur de portes. Après la séparation de ses parents, elle déménage avec sa mère à New York, dans le Queens, à l’âge cinq ans.
En classe de cinquième, elle file à Brooklyn et commence à s’intéresser aux arts dramatiques. En quittant le lycée, elle s’inscrit à l’American Academy of Dramatic Arts, une prestigieuse école de musique, de danse et de théâtre de New York. Elle en sort diplômée en 1994 et obtient son premier rôle dans la pièce de théâtre Les Sœurs Rosensweig, écrite par Wendy Wasserstein.
Au début, sa mère se montre réticente et lui balance un “oh non, tu ne vas pas te lancer là-dedans” quand elle monte sur les planches de Broadway.
Au milieu de l’année 1994, alors qu’elle assiste devant sa télé à la “bronco chase” d’O.J. Simpson, elle apparaît pour la première fois à l’écran dans un épisode de Law & Order. Elle y interprète Maggie Conner, une jeune femme de 17 ans qui vit sous le joug de son père, meurtrier de sa mère. Un rôle bien éloigné de ses futures prestations, où elle portera davantage la culotte.
Un an plus tard, elle obtient un rôle régulier dans American Gothic, une série qui la plonge pour la première fois dans le genre de l’horreur. Elle y joue Merlyn Temple, une fille paumée qui a assisté au viol de sa mère. Sujette à de profonds traumatismes, elle refuse toute proximité avec autrui. L’innocence qui émane de son visage et l’étendue de sa palette de jeu permet à Sarah Paulson de briller dans des rôles complexes et tourmentés.
À la fin des années 1990, elle commence à jouer aux côtés des plus grands : Diane Keaton dans L’Autre Sœur (1999), Jamie Foxx dans Held Up (1999) ou encore Mel Gibson dans Ce que veulent les femmes (2000). Pour autant, elle préfère rester sur le petit écran en multipliant les séries (Jack & Jill de 1999 à 2001, Leap of Faith en 2002) et les téléfilms. Si elle s’illustre sur le petit et le grand écran, elle garde à jamais une passion pour le théâtre.
Malgré la notoriété, qu’elle connaîtra avec le Murphyverse, Sarah Paulson défendra toujours son credo pour éviter de devenir une bête de foire à paparrazis d’Hollywood : “Il ne faut pas prendre tout ça trop au sérieux“, explique-t-elle lors d’un entretien avec le New York Times.
Une actrice de genre
À part quelques rares exceptions, Sarah Paulson occupe des rôles secondaires dans ses projets. En effet, elle fait partie des acteurs de genre, c’est à dire des comédiens qui jouent un type de personnage au caractère spécifique, sans forcément tenir l’affiche. Les exemples les plus célèbres sont John Turturro, Kevin Bacon ou encore Richard Jenkins. À première vue, cet attribut ressort comme une qualité. Mais c’est un jugement à double tranchant.
En effet, certains acteurs de genre se sont retrouvés bloqués dans des rôles stéréotypés : Jason Bateman est le type dédaigneux et suffisant tandis que Vince Vaughn est le bon pote de service incompétent. Heureusement, et ce dernier en donne la preuve avec son rôle dans True Detective, ils valent souvent mieux que ça. C’est le cas de Sarah Paulson, qui a souvent tendance à voler la vedette à ses partenaires.
Elle est capable de se métamorphoser et de s’adapter rapidement à un nouveau rôle. Elle incarne autant des individus excentrés, rebutants ou cruels que des personnages brisés et touchants. Dans La Ménagerie de verre, une pièce de Tennessee Williams, elle jouait en 2005 la fragile Laura Wingfield (aux côtés de Jessica Lange notamment). Un an après, elle tournait dans la dramédie Studio 60 on the Sunset Trip d’Aaron Sorkin, où elle interprétait une comédienne chrétienne et conservatrice.
Discrète et tranquille, Sarah Paulson est extrêmement appréciée par ses pairs. Elle vit une véritable bromance avec Pedro Pascal (Game of Thrones, Narcos), son “partner in crime“, et reste toujours en bons termes avec ses réalisateurs. Aaron Sorkin ne tarit pas d’éloges à son propos :
“Elle n’a pas besoin de faire des efforts pour être forte. Elle est toujours honnête, elle ne fait jamais de fausse note. Elle est chaleureuse, sexy, incroyablement drôle et très, très intelligente. Il n’y a rien de comparable au style ‘Sarah Paulson’.” (New York Times)
Elle a également les pieds sur terre. Quand le NYT lui demande à son tour ce qu’elle pense de ses rôles, elle les résume ainsi : ce sont des “survivants“. Et si Sarah Paulson survit à tout, c’est parce qu’elle n’a peur de rien. À commencer par les atroces cauchemars et névroses qui sortent du cerveau de Ryan Murphy.
Sarah Paulson, la muse de Ryan Murphy
Ryan Murphy et Sarah Paulson se sont rencontrés sur le plateau de Nip/Tuck en 2004, alors que l’actrice tenait un tout petit rôle dans la série. Il a été impressionné par son talent à… l’imiter ! C’est probablement le meilleur choix que pouvait faire Ryan Murphy pour ses séries d’anthologie, la polyvalence de l’actrice lui permettant de changer sa partition à chaque saison.
Depuis, c’est l’amour fou entre l’artiste et sa muse. Sarah Paulson est de tous les projets de Ryan Murphy. Elle a donc remporté un Emmy grâce à son rôle dans American Crime Story, mais va également jouer dans la prochaine série d’anthologie du showrunner, Feud.
C’est certainement la présence de Jessica Lange qui a fini de convaincre l’actrice. La vétérante a toujours été l’idole de Sarah Paulson, bien avant qu’elles ne partagent ensemble la scène à Broadway.
L’hydre de Murphy
Rien ne montre mieux la diversité incroyable du jeu de Sarah Paulson que ses différentes prestations dans American Horror Story : une journaliste lesbienne (Asylum), une directrice d’école de sorcières (Coven), une femme siamoise à la double personnalité (Freak Show), un fantôme accro à l’héroïne (Hotel), une prof de yoga (Roanoke). Dans chacun de ses rôles, elle déverse tout son talent, jusqu’à l’épuisement comme ce fut le cas quand elle incarna les sœurs Tattler dans la saison 4.
Outre l’exploit technique de nous faire croire que les deux têtes de son personnage sont collées sur le même corps à chaque plan, Sarah Paulson devait incarner deux facettes très différentes, parfois en même temps. “Je devais jeter une bobine au visage de Kathy [Bates, ndlr] avec ma main droite tout en jouant Bette, qui est la tête de gauche, raconte-t-elle au Los Angeles Times. Je devais lancer cette bobine et ensuite m’asseoir et écrire avec ma main droite en tant que Dot, mais c’est Bette qui jouait la scène … Je n’y arrivais pas.“
“J’ai pleuré […] j’ai fait une dépression pendant le tournage“
Sarah Paulson, dans le Los Angeles Times, le 12 août 2015
Se rendant compte de l’effort que lui demandait le rôle, Ryan Murphy l’a alors accompagnée en dehors du plateau et lui a murmuré au creux de l’oreille : “Ne t’inquiète pas, jamais personne n’a tourné une scène comme ça. Personne n’a jamais fait ce que nous essayons de faire.”
Une place dans la pop culture
En multipliant les références au cinéma d’horreur, Ryan Murphy et ses productions sont entrés au panthéon de la pop culture. American Horror Story comporte des dizaines et des dizaines d’éléments cultes tirés de longs métrages qu’il a réadaptés à sa sauce : Bloody Face et le masque en peau humaine de Leatherface dans Massacre à la tronçonneuse (Asylum), le bébé démoniaque tiré de Rosemary’s Baby (Murder House), les couloirs étroits et symétriques de Shining (Hotel) ou encore le thème central de la saison 4 qui intègre les monstres de foire, Freaks.
À travers ses rôles, Sarah Paulson a absorbé cette aura pop, notamment avec celui de Marcia Clark. La procureure de l’affaire O.J. Simpson, une enquête ultra-médiatisée dans les années 1990, fait partie de la culture populaire américaine. À l’époque, son plaidoyer avait été maintes fois discrédité dans les médias. Au cours du procès, les décisions de Marcia Clark avait récolté les huées des citoyens.
Lors de son discours aux Emmys Awards, Sarah Paulson a pris la défense de l’ancienne procureure, qu’elle avait invitée. “La responsabilité d’incarner une personne réelle est énorme, a-t-elle déclaré. Ce que j’ai retenu de Marcia Clark, ce ne sont pas les news en carton que j’ai vues dans les médias. Mais la vie compliquée d’une mère de deux enfants, intelligente, au cœur immense, qui se lève tous les jours, pose deux pieds au sol et dédie sa vie à rendre juste ce qui est injuste.”
Si elle est capable de discours honnêtes et émouvants, Sarah Paulson n’aime pas faire la une des tabloïds. Cela a toutefois été le cas en décembre 2015, quand sa relation avec la comédienne Holland Taylor a fait les gros titres. La raison du buzz : la différence d’âge entre les deux actrices.
Mais au lieu de cracher dessus, et de donc de critiquer une fois de plus un amour homosexuel, les fans ont salué cette relation. Pourquoi ? Parce qu’on ne touche pas à une actrice qui bouscule les conventions juste pour vivre sa vie et être heureuse.
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Traduction : “Si je regarde ?? Si je regarde ??? Oui, je regarde !!! Mon dieu ! Je t’aime !!!”
Peut-être, au fond y a-t-il deux Sarah Paulson. L’une discrète et pudique hors champs. Et l’autre, capable de dédiaboliser les exclus de la société. Car pour incarner une femme à deux visages, il faut au moins avoir la tête sur les épaules.