Cette critique se base sur le visionnage des 5 premiers épisodes de la partie 4 de La Casa de Papel.
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Ce vendredi 3 avril, Netflix a mis en ligne la quatrième partie d’un de ses plus gros hits, La Casa de Papel. On y retrouve Tokyo, le Professeur et toute la troupe dans la suite de leur face-à-face avec la police. Pour rappel, la partie 3 (diffusée à l’été 2019) se terminait sur plusieurs cliffhangers : gravement blessée par la police, Nairobi se vidait de son sang, tandis que dehors, la police faisait croire à un Sergio dévasté que sa bien-aimée Raquel avait été tuée à bout portant.
Cette quatrième saison vient donc conclure le deuxième braquage de la série, qui a lieu cette fois au sein de la Banque d’Espagne. Fidèle à sa recette gagnante, Alex Pina reprend les mêmes ingrédients qui ont fait le succès de la série espagnole… mais quelque chose cloche, comme une impression de déjà-vu. Passons sur le manque de cohérence initial dans ce choix de donner une suite à une fiction concept – un braquage en huis clos –, qui se suffisait à elle-même et apportait un happy end, avec nos braqueur·se·s richissimes et heureux·ses aux quatre coins du globe. Après tout, dans le même genre, Ocean’s Eleven est bien devenue une trilogie. Mais voilà, entre imaginer 6 heures de fun, d’action un peu téléphonée mais divertissante, et devoir en sortir quasiment 40 heures (on arrive à 38 épisodes), il y a comme un énorme fossé.
Pas étonnant donc que cette dernière (enfin, on espère !) partie sente le réchauffé. Plongés dans les mêmes conditions que dans les précédentes saisons, nos protagonistes font face aux mêmes dilemmes et galères. Chacun est mis en danger de mort à tour de rôle, on tente des rapprochements inédits entre personnages (Rio et Stockholm par exemple), des trahisons ont lieu (Palerme joue contre son propre camp) et un garde du corps chevronné, Gandia, va donner du fil à retordre au gang du masque de Dali.
La narration propose toujours, comme dans la partie 3, des flash-back épars qui reviennent sur la façon dont Sergio, Berlin et Palerme avaient préparé ce braquage, mais aussi sur d’autres moments, du premier braquage, d’un mariage… Ils n’apportent d’ailleurs pas grand-chose si ce n’est beaucoup de confusion narrative (la voix off de Tokyo apparaît et disparaît également sans réelle cohérence), et le plaisir de revoir l’acteur Pedro Alonso, très à l’aise dans cette partition.
Une saison poussive
© Netflix
À la manière de Prison Break en son temps, La Casa de Papel se heurte aux limites de son concept. Sa façon de mélanger film de braquage avec des éléments de soap a fait mouche lors de la diffusion des premières saisons. Ajoutez à cela un tube culte revisité (“Bella Ciao”), des gangsters sympas et vaguement modernes (on croise des meufs bien vénères contre le patriarcat, qui rabrouent les mecs machos), un visuel fort (les combis rouges, les masques) et un discours antisystème aussi simpliste que séduisant, et vous obtenez le phénomène de 2017. Une fois le coup réussi, il aurait fallu tirer sa révérence. Rien n’égalera “Bella Ciao”, cette scène où une Tokyo à moto fonce sur les marches de la Fabrique nationale de la monnaie, ou encore “que le matriarcat commence” lancé par Nairobi.
La partie 3 avait plus ou moins réussi à maintenir l’illusion en proposant de nouveaux personnages aux caractères bien trempés – Palerme et Alicia – et des scènes improbables mais fun (aller braquer un coffre-fort immergé en combinaison de plongée, parce que pourquoi pas ?). Ce n’est malheureusement plus trop le cas de la partie 4. Les otages sont fades, sous-développés ou juste insupportables (Arturo). La première partie de la saison est réellement poussive. Le seul véritable antagoniste est Gandia, une sorte de John McClane détraqué (dans Piège de cristal) qui manque cruellement d’humour.
Il y a bien un twist qu’on n’a pas vu venir sur une des otages (qui se révèle transgenre), qui peut passer pour moderne et inclusif. On pense notamment à la scène bienveillante de son coming out dans l’épisode 5. Le problème, c’est que cette bonne volonté est brouillée par un message paradoxal. Les femmes tiennent un rôle important dans la série, et pourtant, cette saison, en 2020 donc, on n’hésite pas à les comparer à des voitures de sport (Tokyo est une Maserati) ou à des animaux de compagnie, donc le message pseudo-féministe est assez brouillé et inaudible. La Casa de Papel veut surtout ratisser le plus large possible.
Du côté des braqueur·se·s, l’effet soap est fortement appuyé pour qu’on continue à s’intéresser à leurs histoires. Hormis l’intérêt de montrer un Rio en état de stress post-traumatique après la torture que lui a fait subir la flic Alicia Sierra (Najwa Nimri), les dynamiques qui se créent entre les uns et les autres semblent plus artificielles que jamais. Les scènes d’action pétaradent, les otages ont peur, les manifestant·e·s patientent devant la Banque sans plus d’explications (développer un·e protagoniste qui soutient “La Résistance” du Professeur aurait pu être une piste)… et on commence à s’ennuyer ferme. Un comble devant une série qui nous a toujours promis le contraire. La Casa de Papel nous a bien diverti·e·s, mais il est temps de raccrocher les masques. On espère qu’elle le fera avec style et que les derniers épisodes (que nous n’avons pas encore visionnés) rattraperont une saison oubliable.
La saison 4 de La Casa de Papel, composée de huit épisodes, est disponible sur Netflix.