Comme d’autres séries à concept devenues d’éphémères phénomènes – au hasard Prison Break – La Casa de Papel a une mission avec cette nouvelle saison, qui arrive ce vendredi 19 juillet sur Netflix : ne pas tomber dans l’oubli. Faire durer le plaisir. Alex Pina, l’heureux créateur du thriller espagnol, le sait. Et pour cette suite à une série qu’il avait au départ imaginée bouclée, le premier obstacle évident, c’est le scénario. Sous quel prétexte réunir tout le monde, alors que le coup a fonctionné et que tout le monde est aussi riche que Crésus ?
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L’histoire de cette “Partie 3” débute deux ans après le braquage de la Maison de la monnaie espagnole, alors que la bande est disséminée aux quatre coins du globe. Tokyo et Rio commettent une erreur et ce dernier se fait attraper et torturer dans un lieu inconnu. Et alors là, cherchez la cohérence : pour dévoiler aux yeux du monde les méthodes inhumaines de la police, qui ne respecte pas les droits de l’homme, le Professeur et ses potes criminels s’embarquent… dans un nouveau braquage. Non sans avoir joué les Robins des bois en balançant des billets de banque partout dans Madrid, à l’aide de ballons dirigeables floqués “Resistencia”. L’idée est de se faire aimer de la population cette fois-ci.
Pour venir en aide à Rio, le Professeur va donc déterrer un vieux plan de braquage a priori impossible à réaliser, auquel il avait réfléchi avec Berlin (parce que la série est dépendante de l’excellent Pedro Alonso) et un vieux pote, qui répond au pseudo de Palerme (incarné par Rodrigo de la Serna, un des petits nouveaux de la saison).
La scène d’intro nous dévoile un Arturo transformé en business man, qui raconte son expérience d’otage façon conférence Tedx. Une entrée en matière originale et bien vue. Dans la droite lignée, les deux premiers épisodes, assez bien troussés, nous baladent dans des endroits exotiques et paradisiaques où se sont planqués nos voleurs. Les passages sur l’île de Tokyo et Rio par exemple sentent bon le divertissement estival. C’est fun, sexy, sans prise de tête. En vérité, on serait bien restés un peu plus longtemps dans le délire des courses-poursuites dans la jungle, en pleine mer, dans les rues agitées et les soirées en bord de plage. La Casa de Papel aurait alors pris des airs de séries “james bondesque” pour un été hot. Mais en même temps, le risque aurait été énorme de perdre tout ce qui a fait l’identité de La Casa de Papel. Les looks, le message de résistance, le rapport à l’argent, la mécanique du show…
Résistance pop
© Netflix
Donc passé cette introduction, l’idée d’Alex Pina est d’augmenter les enjeux tout en reprenant, avec quelques modifications pour la fraîcheur, ce qui a fait le succès de sa série dans les deux premières saisons. Après les retrouvailles et la mise en place, il est donc grand temps de rentrer à Madrid (dès l’épisode 3) pour renfiler sa combi rouge et son masque de Dali. Attention, il y a un twist : au lieu de braquer la Maison de la monnaie espagnole, cette fois, l’équipe s’en prend à… la banque d’Espagne. Parce que là-bas, il y a des lingots, et une chambre forte, au sein de laquelle on ne peut accéder qu’en combi de plongée et bouteilles à oxygène. Oui, on n’est pas loin d’un vrai “jump the shark”… Parce que même si le réalisme est le cadet des soucis de cette série d’action over the top, il y a un grand écart entre une moto qui fonce à toute berzingue dans un bâtiment de l’État et une équipe de braqueurs en tenue de plongeurs. C’est ce qu’on appelle la suspension de l’incrédulité. Et celle du spectateur a ses limites, même devant La Casa.
À compter de l’épisode 3, on a l’impression de regarder une resucée des deux premières saisons, moins le charisme de Berlin, remplacé par Palerme. On espère qu’Alex Pina nous réserve quelques surprises pour la suite, et que le reste de la saison (que nous n’avons pas encore visionné), composée de huit épisodes, ne se déroulera pas entièrement dans la banque d’Espagne.
La Casa de Papel prétend aussi à être plus qu’un bon divertissement, appuyant davantage encore sur son discours faussement marxiste, “fumons le capitalisme avant qu’il nous fume”. La Résistance est devenue mainstream. Qui a envie de glorifier les banques et la société de consommation, à part Trump ? Personne, c’est fini les années 1980. Nous voilà donc avec un mouvement populiste, “La Resistencia”, qui rassemble notre troupe et leurs alliés. L’attitude rebelle des braqueurs est glorifiée dans la série, en particulier à travers la figure sympathique du Professeur (Álvaro Morte, clairement le meilleur acteur de la bande) dont le grand-père était un résistant anti-fasciste.
Le message sous-jacent, paradoxal, correspond bien à l’air du temps. La team du Professeur est individualiste – Tokyo & consort veulent être riches ou sauver l’un des leurs – mais tente de créer un mouvement de solidarité autour d’elle. Elle promeut les concepts de rébellion et de résistance mais par ses actions, elle prive des êtres humains de leur liberté et attend de ces otages une totale obéissance. Le tout est empaqueté avec une nouvelle chanson vintage, “Guantanamera”, cet air cubain, symbole de la fierté nationale des paysans, destiné à remplacer le carton de “Bella Ciao” de l’été dernier. La résistance a été reprise par la pop culture.