Délicieuse surprise de l’année 2017, la nouvelle série d’Amy Sherman-Palladino, créatrice de Gilmore Girls, revient pour un nouveau tour de piste dans lequel Midge Maisel continue d’évoluer dans le monde du stand-up de la fin des années 50, tout en essayant de reconstruire sa vie après la séparation d’avec son mari, Joel.
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Cette deuxième saison déploie son univers, à l’image de son héroïne toujours plus ambitieuse, dont les choix vont aussi influencer inconsciemment ses proches. Les deux premiers épisodes, savoureux, se déroulent ainsi en bonne partie à Paris où Rose a déménagé depuis quelque temps, sans que son mari ou sa fille ne s’en rendent compte. Les voilà donc qui débarquent pour ramener la matriarche trop libérée dans ses appartements new-yorkais. Sauf que cette dernière ne l’entend pas de cette oreille. Et son époux, Gabe, va devoir, pour une fois, adopter le mode de vie de sa femme, dans l’espoir de la reconquérir. Le tout dans la ville romantique par excellence : Paris. Pour une fois, la capitale française est exploitée à sa juste valeur.
La série surfe à la fois sur des clichés, mais avec malice et tendresse (comme cette concierge qui râle non-stop ou ces visites d’expo culturelles qui vont rapprocher Gabe et sa femme), et nous propose une scène d’anthologie, quand Midge échoue par hasard dans un cabaret où se produisent trois drag-queens. À la fin du show, elle se retrouve sur scène et commence naturellement à faire du stand-up, tout en étant doublée en français par une femme. Les deux performeuses vont parler de plus en plus vite dans ce moment très méta, Amy Sherman-Palladino étant connue pour écrire des monologues et dialogues aussi longs qu’extrêmement rapides. La scène, burlesque, se termine sur une note d’une tristesse absolue quand Midge finit par raconter son mariage et ses rêves brisés. Cette scène est un vrai petit condensé de tout ce qu’on aime dans Mrs. Maisel. Elle est osée, fraîche, divertissante, drôle et finalement douce-amère.
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Don’t put baby in a corner
La suite de la saison est à l’avenant et nous emmène notamment pour quelques épisodes dans les Catskills. Située dans le sud-est de New York, cette région était le lieu de villégiature favori des riches familles juives américaines dans les années 50. Il se trouve aussi qu’historiquement, plusieurs stations de vacances et hôtels ont tenu un rôle important dans le développement de la scène du stand-up américain. C’est donc très logiquement que les Maisel et les Weissman vont y séjourner depuis des années pendant les deux mois d’été où New York suffoque. Et c’est là aussi que Midge Maisel, dont la relation avec sa manageuse Susie (Alex Borstein, géniale) gagne en épaisseur tout en nous réservant des séquences irrésistiblement drôles, va pouvoir continuer à tenter de percer dans le milieu du stand-up.
Ces épisodes possèdent de sérieuses vibes Dirty Dancing, film culte qui se déroulait en 1963 dans une station de vacances familiale identique. Au-delà des décors et des occupations similaires – les spectacles de danse, les jeux un peu bébêtes mais toujours rassembleurs comme “Jacques a dit”), les one-man shows – Midge s’y rend avec ses parents, alors qu’elle est techniquement (pas encore légalement) célibataire. Elle se faufile la nuit pour vivre sa vie en la cachant à ses parents, comme Bébé dans Dirty Dancing se planque pour apprendre à danser. Et les deux héroïnes vont faire face à la colère du père, qui ne supporte pas de voir sa fille devenir une femme et prendre son indépendance.
Mais alors que Bébé va devenir une femme en tombant amoureuse d’un homme et en se battant pour lui, Midge, elle, se débarrasse petit à petit du rôle de l’épouse artificielle que son père et la société lui assignaient pour embrasser son amour pour le stand-up, et se révéler à elle-même. C’est toute la différence entre un film, aussi génial soit-il, écrit en 1987 et une série développée en 2018.
Les deux œuvres partagent tout de même beaucoup : derrière des moments purement divertissants, un défilé de robes aux 50 nuances de rose et des scènes au timing comique impeccable – on rit beaucoup devant cette saison 2 de Mrs. Maisel, grâce à l’écriture précise d’Amy Sherman-Palladino et au merveilleux cast qui la met en bouche – se niche un message féministe tout aussi réjouissant et d’actualité.
On appréciera notamment cette scène de stand-up punchy dans laquelle Midge, après avoir essuyé toute la soirée des réflexions sexistes de la part d’humoristes masculins, se paie leur tête pendant son show, devant un public mort de rire. Après s’être copieusement fait remonter les bretelles par le gérant des lieux pour avoir osé s’en prendre à ses précieux comiques mâles, Midge regarde Susie et les deux s’exclament en chœur : “Notre première grosse salle !” Dans cette saison 2, notre stand-uppeuse en herbe n’a juste pas le temps. Elle est fixée vers son objectif : percer en tant que comédienne. Elle prend confiance en son art, et laisse derrière elle celles et ceux (incluant son mari) qui ne supportent pas de vivre auprès d’une femme aussi “merveilleuse”, auquel le succès tend les bras. Personne ne la fera changer d’avis. Et quand son père, une fois après avoir appris son secret, lui demande si elle est aussi bonne qu’un comique connu qui se produit sous leurs yeux, elle répond fermement, après un petit temps de réflexion : “Oui.”
La saison 2 de The Marvelous Mrs. Maisel est en ligne sur Amazon Prime Video depuis le 4 décembre.