La Révolution : un rendez-vous raté avec l’Histoire française

La Révolution : un rendez-vous raté avec l’Histoire française

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La nouvelle série française de Netflix est un drame historico-fantastique ambitieux sur le papier, calamiteux à l'écran.

Après le nanar Marseille, les inégales Osmosis et Marianne ou encore les hits peu appréciés par la critique Plan Cœur et Family Business, l’histoire chaotique de Netflix avec les séries françaises se poursuit avec La Révolution, une fiction historico-fantastique lancée le 16 octobre dernier sur la plateforme. Écrite par Aurélien Molas et Gaïa Guasti (à l’œuvre sur Une île, qui proposait une variation sur le thème des sirènes), elle prend place deux ans avant les fameux événements qui ont bâti la France moderne. Nous voilà propulsés en 1787, dans le comté fictif de Montargis, où de mystérieuses disparitions de jeunes femmes issues du peuple ont lieu à un rythme alertant. En enquêtant dessus, le docteur Joseph Guillotin (Amir El Kacem) découvre un virus, le sang bleu, qui transforme les nobles en zombies cannibales. Parallèlement, la comtesse Élise de Montargis (Marilou Aussilloux) découvre aussi l’existence de la maladie et tente de protéger sa sœur, Madeleine (incarnée par Amélia Lacquemant, la narratrice de l’histoire) des griffes de son oncle cruel, le comte Charles de Montargis (Laurent Lucas). Série chorale, La Révolution met en scène une poignée d’autres personnages en lien avec cette histoire, qui va nous conduire vers la prise de la Bastille en 1789.

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Si les puristes risquent de s’étouffer avec le drapeau français en visionnant les premiers épisodes de la série, ce n’est pas le mélange de fantastique et les libertés prises avec la véracité historique qui heurteront le sériephile, habitué aux récits hybrides, de Game of Thrones (qui s’inspire de bon nombre de faits historiques) à Vikings en passant par Kaamelott ou Spartacus. L’Histoire est un organisme vivant, qui nous façonne : elle est faite pour être racontée, de mille façons. Et comme l’ont prouvé les récents bouleversements sociétaux, la multiplicité des points de vue est toujours la bienvenue. Le souci de La Révolution se situe ailleurs. À l’image du virus qui contamine ses personnages, la série est atteinte d’un mal incurable : on est face à un bon vieux nanar ou navet – selon que vous prenez du plaisir ou pas à suivre les aventures abracadabrantes de Joseph, Élise et les autres.

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La réalisation stylisée de Julien Trousselier, pleine de jolis effets brumeux, cache mal les trous béants du scénario. Elle se situe quelque part entre un clip pour du parfum et le “Désenchantée” de Mylène Farmer. On pense à l’ambiance brumeuse et à l’esthétique poisseuse du Pacte des loups, de Vidocq et aussi plus récemment de Game of Thrones (Lionel Erdogan incarne un Jon Snow du pauvre, et les méchants cruels sont de sortie) et The 100 (pour les looks des rebelles de la Fraternité). Mais ce grand mix manque de personnalité. Même les scènes d’action, censées être le clou du spectacle, manquent de rythme et de suspens.

Sur le fond, la métaphore des aristos qui dévorent le peuple (comme si ce dernier avait besoin d’une justification de plus pour se révolter) ne fonctionne pas. Or, toute la série repose sur cette fausse bonne idée. Les mystères qui entourent les origines du sang bleu ne sont pas maîtrisés sur le plan narratif, ce qui donne une mythologie pour le moins foutraque. Et puis quand elles ne sont pas improbables, les idées déjà vues s’enchaînent, à tel point qu’on est capable de prédire l’épisode suivant ou les répliques des personnages, ce qui n’est jamais bon signe. Tout sonne faux et ce n’est pas tant la faute des interprètes que celle de dialogues empruntés, de répliques toutes faites qu’il faut déclamer avec un grand sérieux et de personnages unidimensionnels tout droit sortis d’un soap opéra des années 1980. Les grands méchants, notamment l’aristo décadent Donatien de Montargis (Julien Frison), en deviennent involontairement comiques. Ce n’est pas la première fois que l’on reproche à une série française de ne pas savoir écrire de dialogues et de créer des personnages qui manquent de profondeur. Ça devient pénible de devoir systématiquement le noter.

Comme trop souvent ces derniers temps, la grande machine à mixer qu’est Netflix régurgite une œuvre médiocre, qui n’a pas les moyens de ses trop grandes ambitions. Une référence évidente manque à l’appel et explique en partie l’échec de la série : The Walking Dead. En optant pour un ton moins grandiloquent et en proposant des arcs narratifs plus modernes (la série tente maladroitement de faire écho à notre société, où cette année en France, le coronavirus a succédé aux gilets jaunes), La Révolution aurait pu devenir un honnête divertissement historique. Las. Une fois de plus, Netflix nous prouve que la révolution française sérielle ne passera pas par elle. Entre ce nouveau ratage et Emily in Paris, qui dépeint la capitale et ses habitant·e·s à grands coups de clichés, on a envie de lui dire : “Leave la France alone!” Blague à part, on continue d’attendre, les armes (critiques) à la main, une fiction fleuve qui saura dépeindre, avec une réelle ambition artistique et un regard neuf, la Révolution, ce moment-clé de l’Histoire de France.