Cela marche à chaque fois. Irrémédiablement, vous sursautez. Que ce soit en regardant un film, en jouant à un jeu vidéo ou même en écoutant un podcast d’horreur, vous sursautez dès que l’auteur, le scénariste ou le designer a eu la subtile idée de placer un jump scare dans son œuvre.
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Pourtant, l’usage du jump scare est loin d’être nouveau, certains en attribuent la première occurrence à Mark Robson, monteur sur le film Cat People (1942). On appela également ce procédé le “Lewton Bus”, du nom du producteur Val Lewton. Attention, c’est violent (non) :
Depuis, les films d’horreur des années 1980 ou encore les jeux vidéo à la Five Nights at Freddy’s ont multiplié cet effet.
En réalité, le jump scare, au-delà du procédé narratif, remonte à la nuit des temps, aux origines de l’humanité. Le sursaut que notre corps produit face à un danger est un trait évolutif commun à la plupart des mammifères. Une telle réaction est parfaitement naturelle, et même plutôt rassurante quant à votre instinct de survie. La plupart des jump scares se déroulent en deux parties : une première, calme, durant le corps n’est pas à “l’affût” du danger et qui est interrompue soudainement par une vision, un son ou un contact aussi intense que soudain. Ça ne manque quasiment jamais : vous sursautez.
Réflexe de survie naturel
Le jump scare est totalement logique du point de vue de notre cerveau. C’est votre chère amygdale, responsable du traitement de la peur et de l’angoisse, qui s’active. Face à danger immédiat, elle envoie le signal à l’hypothalamus (en charge des hormones) qui va secréter l’adrénaline dans vos muscles : vous sursautez.
Pourquoi aussi rapidement ? Parce qu’il s’agit le plus souvent d’une réaction sensorielle (vue, ouïe, toucher), or le faible nombre de synapses par lesquels passe le traitement neuronal de ce genre d’informations fait qu’il est quasiment immédiat, 20 millisecondes environ. À l’inverse d’une situation d’angoisse où la peur pourrait monter plus crescendo (être phobique de l’avion au moment du décollage par exemple), les jump scares ont la particularité d’être ponctuels et immédiats.
En physiologie, cette réaction est logiquement liée au concept de “réponse combat-fuite”, c’est le premier stade d’adaptation au stress dans le règne animal. Face au danger, il y a souvent deux choix possibles : l’affronter ou le fuir. Dans tous les cas, cela demande une réponse de votre corps et votre cerveau s’assurera toujours que vos muscles sont réveillés et votre cœur prêt à fournir l’effort nécessaire (c’est pour ça qu’il bat à 130 à ce moment-là). Une étude allemande a émis le choix d’une troisième voie, celle de la sociabilité, mais clairement, face à un screamer, vous n’avez pas envie de discuter.
La fausse amy(gdale)
Depuis l’apparition des premiers jump scares dans les œuvres de fiction, on aurait pu penser qu’on s’y serait habitués. Pourtant dans la plupart des cas, on n’a beau s’y attendre, ça ne manque pas : on sursaute. Parfois plus faiblement, mais il est très vraiment très compliqué d’empêcher le moindre sursaut. On sait pourtant que le tueur va débarquer devant la caméra à cet instant T, que la musique va être stridente ou que cette main va subitement se refermer sur le héros. Même quand on a déjà vu le film, qu’on connaît le moment exact, on se fait avoir et cela concerne aussi les habitués de films ou jeux d’horreur, pourtant rodés à ces procédés.
En réalité, le fait que vous vous y attendiez peut largement jouer en votre défaveur. Et on retourne pour cela à notre histoire d’amygdale. Cette partie du cerveau ne s’active pas au moment du jump scare mais bien avant. La musique stressante, la faible luminosité, le contexte anxiogène, tout cela participe à la préparation du jump scare. Face à une menace grandissante, votre amygdale est déjà stimulée et donc la réaction n’en sera que plus forte.
Le docteur Christian Grillon, psychophysiologiste qui étudie la peur et l’anxiété chez l’humain, expliquait ses retours d’expérimentations au magazine Inverse. Il provoquait des stimulus “effrayants” à des cobayes humains et, dans le cas où les sujets avaient été soumis à un état préalablement anxieux, les “réflexes de sursauts sont augmentés de 100 à 300 %“. Cela concerne aussi les personnes plus angoissées que la moyenne, celles ayant des troubles post-traumatiques sont même bien plus susceptibles de sursauter — même si le jump scare n’a rien à voir avec le traumatisme en question.
Nos lointains ancêtres interprétaient la peur comme un danger. Aujourd’hui, on cherche parfois à le récréer pour notre plaisir en s’infligeant jeux et films d’horreurs, alors, évidemment, notre cerveau va faire ce qu’on attend de lui : nous faire sursauter.
Vous aurez beau être au top de la vigilance et attendre le poing serré ce maudit jump scare, votre cerveau ne s’y trompera pas : vous deviez (vouliez ?) avoir peur, vous aurez peur.