Dans la droite lignée de Paris Is Burning, le dernier bijou du mégaproducteur Ryan Murphy est un hommage grandiose à la “ball culture” new-yorkaise des 80’s… mais aussi à la famille.
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En comparaison au reste des 365 jours, la trêve estivale, que les grands networks américains utilisent afin de recharger les batteries de leurs fictions phares, est souvent perçue comme une période de vaches maigres pour les sériephiles autoproclamés. Ce postulat n’est pas valable pour le break de 2018, marqué par le débarquement en grande pompe (des stilettos vertigineux, de préférence) de Pose. Progressiste tout en étant rétro, inclusif et bienveillant, le dernier poulain de l’écurie Ryan Murphy est le must-see de votre été.
And the category is…
En 1991, Jennie Livingston conquérait le festival Sundance avec Paris Is Burning, un documentaire qu’elle aura passé plusieurs années à réaliser, immergée dans la “ball culture” du New York de la décennie précédente. Alternant passages contemplatifs avec voix off superposée et interviews face caméra, son œuvre se penche sur le quotidien d’une communauté essentiellement composée de marginaux, du moins selon les critères de l’époque. Noirs, Latinos, transgenres ou autres membres du spectre LGBTQ+ se donnaient rendez-vous, régulièrement, pour s’affronter dans des compétitions de voguing déchaînées.
Avec Pose, Ryan Murphy et son équipe marchent dans les pas de Paris Is Burning, reprenant plusieurs des éléments présents dans le docu pour les remodeler à leur sauce, c’est-à-dire avec une esthétique léchée et une volonté d’aller droit dans l’excès. S’il y a bien quelque chose à reprocher à la première saison de Pose, laquelle vient de tirer sa révérence le 22 juillet dernier aux États-Unis, ce sont ses facilités scénaristiques. Quelques scènes paraissent tellement surréalistes (un vol de costumes d’époque dans un musée, par exemple) qu’elles viendraient presque discréditer les moments plus sincères.
À l’image de ses personnages, Pose a des fêlures. Mais ça ne l’empêche pas de rattraper le coup et d’en sortir grandie. Bien que cette salve inaugurale en aurait mérité davantage pour que les intrigues paraissent moins précipitées, les huit épisodes de la série constituent un divertissement exemplaire. Des protagonistes travaillés et humains, un univers complexe et codifié qui nous est présenté de façon presque ludique, des thèmes (l’épidémie du sida, la transsexualité) abordés de plein fouet avec une tendresse inouïe. Check, check, check.
Plus qu’aucune autre série de ces dernières années, Pose est purement spectaculaire dans le sens où elle propose une expérience immersive dans cette sous-culture décadente en marge de la société. Dans une vaste salle de bal, repaire d’extravagance où se réunissent ces familles rapiécées, les rejetés du jour se muent en créatures de la nuit, bigger than life et débordantes de confiance en soi. Il y a quelque chose de fascinant dans cette “ball culture”, dépeinte comme une zone de confort où ces minorités peuvent s’affranchir des codes sociétaux pour s’assumer pleinement, et Pose excelle à ce niveau-là.
La famille, celle qu’on choisit
Mais derrière les costumes exubérants et les battles enflammées, la production estivale de Ryan Murphy développe un propos d’autant plus intéressant qu’il est universel : la notion de famille. La famille oui, mais pas tout à fait celle du sang. Dès le pilote de Pose, Blanca fonde sa propre maison où elle accueille un groupuscule d’outsiders. Damon, un ado mis à la rue à cause de son homosexualité. Angel, une prostituée transgenre. Pour eux, les règles sont simples : s’ils veulent continuer à vivre sous son toit, ils vont devoir contribuer financièrement et ne surtout pas oublier de l’appeler “mère”.
Au terme de la première saison, la fameuse House of Evangelista, donc menée par Blanca, comporte huit membres. La scène finale est alors une vision presque rêvée, où toute cette famille recomposée est attablée pour un repas de célébration après avoir triomphé lors de la dernière compétition de voguing. En une seule saison, il y aura eu des hauts et des bas, c’est évident, mais les personnages centraux de Pose ont réussi à braver les obstacles. Leur arme de choix ? Le soutien, inconditionnel et sans limites.
Si Pose comporte son lot d’instants qu’on jurerait tirés de soap operas (Dynastie était une référence récurrente dans Paris Is Burning), elle fait aussi étal de moments honnêtes, où les différents membres de la House of Evangelista s’écoutent, se conseillent, se viennent en aide. En d’autres termes Pose redéfinit le concept de famille en le présentant dans son habit le plus pur et bienveillant. Blanca, en particulier, s’approprie le rôle de mère et devient tout de go un modèle de figure parentale, attentive et attentionnée.
Le fait que cette dernière soit séropositive laisse planer une noirceur, un danger permanent qui pousse à un sentiment de carpe diem répété. Je veux profiter de mon quotidien, de ma famille, donc je vis à fond : le message derrière Pose est simple mais il n’en demeure pas moins efficace. Si les thèmes traités dans ce premier tour de piste ne sont pas toujours légers, le ton employé parvient à les rendre digestes et accessibles. À contre-courant de l’amertume et du cynisme de notre société, Pose opère comme une déferlante d’optimisme qui fait du bien. On en redemande, le plus tôt possible.
La première saison de Pose est disponible dès maintenant en replay sur myCANAL en France.