La mise en ligne, le 20 juillet dernier, du premier trailer d’Insatiable, prochaine comédie Netflix, a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux.
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Insatiable, qui débarque le 10 août sur Netflix, a déjà fait couler beaucoup d’encre avant son lancement… et pas pour les bonnes raisons. La série est sous le feu des critiques, accusée d’être grossophobe et de glorifier la minceur. Parmi ses détracteurs, beaucoup de femmes grosses se sentant directement concernées par le message véhiculé, des militant·e·s et des expert·e·s sur les questions de santé et troubles du comportement alimentaire.
Et à mesure que la colère montait sur les réseaux sociaux durant le week-end, une pétition a été créée dans le but d’empêcher la diffusion. Elle a déjà récolté plus de 130 000 signatures (et ce chiffre augmente d’heure en heure). Plus qu’un appel à la censure, c’est une véritable inquiétude sur la possible nocivité de la série qui émerge.
“La toxicité d’Insatiable dépasse le cadre de la série. Ce n’est pas un cas isolé, mais ça participe à un problème bien plus grand, je peux vous le certifier, auquel doit faire face n’importe quelle femme dans sa vie, entre le fait de mesurer sa valeur en fonction de son corps et d’être un objet désirable destiné au male gaze. C’est exactement ce que fait la série. Elle perpétue non seulement la culture des régimes mais objectifie aussi le corps des femmes”, écrit Florence Given, l’initiatrice de la pétition.
Pour replacer les choses dans leur contexte, Insatiable raconte l’histoire de Patty (incarnée par l’actrice – mince – Debby Ryan), une jeune fille en surpoids qui se fait harceler au lycée. Après un coup de poing, sa mâchoire, brisée, doit être “scellée” pendant tout l’été. Suite à cette épreuve, Patty perd beaucoup de poids et retourne au lycée, triomphante et bien décidée à faire payer celles et ceux qui lui ont pourri la vie quand elle était grosse.
L’une des choses reprochées à Insatiable, c’est de jouer sur des tropes qui ont longtemps visé, précisément, à moquer les personnes grosses. Le “fatsuit”, notamment, est souvent comparé à la “blackface”. Se déguiser en gros·se pour faire marrer est considéré, au minimum, comme très paresseux, au pire carrément blessant. La chirurgie de la mâchoire que subit Patty est aussi associée à une procédure médicale parfois proposée aux personnes en surpoids pour, littéralement, les affamer.
Ces mêmes personnes prennent d’ailleurs régulièrement la parole sur les réseaux sociaux pour dénoncer les maltraitances du corps médical via des hashtags comme #FatSideStories. L’injonction à la minceur est évidemment au cœur des critiques qui s’en prennent à Insatiable, car ce n’est qu’à partir du moment où elle est mince que Patty deviendrait “belle” et capable de… croquer la vie à pleines dents.
Pour l’hypnothérapeute clinicien Adam Cox, qui traite entre autres les troubles du comportement alimentaire, interviewé par The Independent, diffuser cette série serait “irresponsable et dangereux” :
“La série semble tourner exclusivement autour de connotations négatives liées au poids, ce qui est intrinsèquement nuisible pour quiconque s’est déjà débattu avec des problèmes d’image de son corps.
Même si on a vu plusieurs séries et films célébrant une vision positive des corps, malheureusement il en reste certains qui perpétuent des stéréotypes dangereux et, au mieux, ne font rien pour commenter ces problèmes, au pire, alimentent sciemment la controverse pour faire de l’audience.
Faire ça en sachant que la santé mentale des personnes peut être mise à mal avec ce genre de tactiques, en particulier chez les jeunes, me paraît irresponsable et dangereux.”
Bien sûr, avec chaque polémique vient son lot de pourfendeurs et de défenseurs. Les premier·ère·s à avoir volé au secours d’Insatiable étaient, évidemment, les moins concerné·e·s, celles et ceux qui risquaient le moins d’être blessé·e·s par les propos décrits plus haut et pour qui la liberté d’expression doit s’étendre à toute forme d’art, dans n’importe quel contexte.
Mais certaines voix “pro-Insatiable” se sont aussi élevées du côté des personnes grosses ou anciennement grosses. Sur Facebook notamment, sous le post de l’article de Buzzfeed, on trouve ce genre de commentaires :
“Je suis une fille ronde et je veux voir ça !”
“En tant que fille qui a été harcelée à cause de mon poids, cette série est un rêve devenu réalité ! Je crois que le but de tout ça, c’est qu’elle se fout de sa taille, elle a perdu du poids pour des raisons indépendantes de son contrôle mais elle a profité de ça pour se venger.”
“Je crois que ça peut être drôle. Les gens devraient se détendre. Je suis prête à parier que la majorité des ados en surpoids ont eu ce genre de fantasme au moins une fois. Moi y compris.”
Un peu plus tôt dans l’année, 13 Reasons Why attisait elle aussi la controverse pour une scène de viol jugée “superflue” et “dangereuse”. Une polémique qui, elle-même, faisait suite à celle de la saison 1, critiquée pour sa représentation “trop réaliste” du suicide. Rien n’indique, pour l’instant, que Netflix cédera à la pression populaire et annulera la série, déjà produite, à quelques jours de sa diffusion.