Deux ans après ses premiers pas dans “ce grand bâtiment en forme de Caprice des dieux” qu’est le siège du Parlement européen, Samy (Xavier Lacaille) est enfin de retour pour une saison 2. Un peu plus aguerri, le jeune assistant va cette fois-ci jouer des coudes pour se trouver un ou une députée, et éviter de devoir à nouveau bosser pour l’incompétent Michel Specklin (Philippe Duquesne). Il réussit in extremis à décrocher un job auprès de l’ambitieuse Valentine Cantel (Georgia Scalliet). Mais drapé dans son arrogance, et pensant pouvoir manipuler sa boss grâce à sa connaissance sans faille des rouages du Parlement (non), Samy va vite déchanter. Bolossé par sa députée, et éclipsé par un stagiaire, il va tout tenter pour faire voter le “Blue Deal”, un gloubi-boulga de mesures administratives censées protéger les océans… et faire avancer la carrière de Valentine. Samy the Shark is (presque) back.
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De son côté, Michel va recevoir, bien malgré lui, une promotion qui va rapidement virer à la séquestration. Torsten, qui prétexte une année sabbatique, erre comme une âme en peine dans les couloirs et se cherche une mission. Quant à Rose, qui est passée du côté obscur de la force (les lobbyistes), elle en pince plus que jamais pour Samy. Il y en a un qui, heureusement, ne change jamais d’un iota, c’est l’indispensable et insondable Eamon (William Nadylam). Il est la mémoire vive du Parlement, et le mentor de Samy. Et le mystère qui l’entoure — Torsten en est sûr, c’est un reptilien ! — ne le rend que plus fascinant.
Toujours chapeautée par Noé Debré, avec Lily Lambert, Pierre Dorac et Maxime Calligaro (eux-mêmes eurocrates), cette saison 2 vient confirmer tout le bien que l’on pensait de la série à ses débuts en 2020. Voyage en absurdie bureaucrate toujours aussi drôle et vif, cette satire tape autant qu’elle câline son institution. Une façon, aussi, de désacraliser ce temple du pouvoir législatif européen, dont les méandres des procédures restent un mystère pour le commun des mortels. On se passionne pour les interminables négociations sur les zones de pêche, pleines de rebondissements, de Parlement, sans forcément en saisir toutes les subtilités — comme on était hameçonné, à l’époque d’Urgences, sur des protocoles médicaux aux noms barbares. L’important, c’est la dramaturgie ou la comédie qui naissent de ces situations. Cette fois-ci, l’équipe a d’ailleurs pu prendre ses quartiers à 100 % au Parlement de Strasbourg, ce qui n’était pas le cas en saison 1.
Et ses personnages, que l’on se languissait de retrouver tant leurs interprètes sont à la hauteur de cet humour subtil et grinçant, semblent effectivement s’être approprié les lieux : Samy ne se paume plus dans les étages et connaît les raccourcis lui permettant d’éviter certaines rencontres, Torsten lézarde dans ces couloirs dont il a fait sa “forteresse de solitude”, et Rose, qui piétine dans sa carrière, est littéralement bloquée au rez-de-chaussée, seul terrain de chasse autorisé des lobbies dans l’enceinte du Parlement.
Et si notre trio des débuts nous manque un peu cette saison, c’est aussi parce que chacun avait besoin de sa propre trajectoire pour exister. C’est donc un mal pour un bien qui confirme, s’il était besoin, que la série sait très bien où elle doit emmener ses protagonistes, et nous par la même occasion, en nous sortant gentiment de notre zone de confort. Si la dynamique de ce petit groupe a pris une autre direction, celle créée par le duo Samy/Valentine est tout aussi savoureuse.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’institution en elle-même ressort plutôt grandie de cette saison 2, et de la série en général. On ne peut pas en dire autant pour ses parlementaires (fictifs). Mais c’est ce doute entretenu sur le degré de caricature que s’autorise la série qui offre à Parlement tout son piquant. Où finit le réel et où commence la satire ? Peu importe. Cette immense fourmilière abrite des gens incompétents ou surdoués, des tire-au-flanc ou des acharnés, avec des convictions chevillées au corps ou prêts à retourner leur veste à la moindre opportunité.
La série affiche une tendresse savamment distillée pour ses personnages souvent arrogants, sans éthique, parfois vicieux, qui les rend d’autant plus attachants au moment opportun. La députée Valentine Cantel, dont les dents rayent le parquet et particulièrement cassante, s’avérera être une négociatrice hors pair qui inspire le respect. Samy, dont l’ego est menacé par le stagiaire, n’hésitera pas à le poignarder dans le dos. Mais c’est, entre autres, au contact de Michel, qu’il a pourtant évité comme la peste au fil des épisodes, qu’il retrouve un peu d’humanité.
Parlement est un paradoxe : tandis qu’on est encore groggy des dernières élections et que la perspective d’un nouveau combat des urnes se profile pour les législatives, la série garde son indéniable attrait. Sans doute parce que, en dépit de son décor, elle n’est pas politique, même si la politique européenne est au cœur de ses intrigues. Si, pour Samy “la politique, c’est la hiérarchie des combats”, la satire, elle, est l’art du dosage. Un exercice qui, comme le confirme cette saison 2, n’a plus aucun secret pour Parlement. Et, bonne nouvelle, la troisième est déjà en préparation. On a rarement eu autant de plaisir à se perdre dans un labyrinthe administratif.
La deuxième saison de Parlement est actuellement diffusée sur France 5 et disponible sur France.tv.