Si elle n’est pas dénuée de qualités, la deuxième saison de Mr. Robot pose question. L’heure du bilan de mi-saison a sonné.
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Après le coup d’éclat de la première saison, les attentes sur cette saison 2 de Mr. Robot étaient immenses. Forcément. Comment Sam Esmail allait-il réussir à se dépatouiller de son scénario, à nous tenir en haleine après la révélation de l’état mental d’Elliot et le hacking d’E Corp achevé ? La dernière scène du season finale, où l’on découvrait que le boss Phillip Price était de mèche avec la Dark Army (qui a pourtant aidé la fsociety à hacker E Corp, vous suivez ?) était déjà un signe.
À la manière de Lost, la série est construite pour apporter toujours plus de questions que de réponses, quitte à aller un peu loin dans la théorie conspirationniste (pour quelles raisons E Corp aurait-elle commandité son propre hacking ?). Éludant à la fois cette question brûlante et les conséquences du hacking sur l’Amérique et ses habitants (on ne s’y intéresse que par l’entremise d’un guest de taille, Barack Obama et ses conf de presse alarmistes), le début de la saison 2 se concentre sur son protagoniste principal.
“An infinite loop of insanity”
Victime d’un nouveau blackout, notre hacker préféré entame une vaine lutte pour le contrôle de son esprit, résidant chez sa mère (apparemment aussi autiste que lui) et réalisant une même routine quotidienne façon Un jour sans fin. Rien n’y fait : il faut plusieurs épisodes à Elliot, qui n’est pourtant pas doté d’un QI de moineau, pour comprendre qu’il ne peut pas battre son double avec des astuces, seulement cohabiter du mieux possible avec lui.
Pour ne pas nous perdre complètement, Sam Esmail peut toujours compter sur la performance d’un Rami Malek au sommet de son art, qui apporte de petites variations par rapport à son jeu en saison 1. On est toujours sous le choc quand Elliot esquisse un sourire. Il ne faut que ça, tant le visage de l’acteur est un passeur d’émotion instantané.
Dans l’épisode 3, son monologue antireligion, un peu facile mais terriblement jouissif, fait écho à celui, anticapitalisme, de la première saison, reprenant quasiment le même procédé. Elliot balance ces quatre vérités en public, pensant qu’il se parle à lui-même. Dans ces moments, est-il déjà Mr. Robot ? Sa prise de médocs excessive dans l’espoir de se débarrasser de son double évoque aussi des scènes vues en première saison.
Pendant ce temps, le fil rouge principal du show n’avance que très modérément, à travers un nouveau personnage, l’agente du FBI Dominique DiPierro (Grace Gummer, très bien), loup solitaire qui se rapproche doucement de la vérité. Tyrell est porté disparu depuis maintenant six épisodes. Et ça commence à ressembler à une erreur scénaristique. Seul point positif : cela permet de placer les projecteurs sur sa femme, Joanna (Stephanie Corneliussen), toujours plus flippante à chaque épisode.
“Where are we going?”
Si on comprend pourquoi Esmail a choisi de nous perdre dans l’esprit d’Elliot, notre porte d’entrée, notre boussole déréglée qui indique plus ou moins vers où le show va aller, il était clairement à deux doigts de nous perdre aussi. Le showrunner raccroche les wagons à partir de l’épisode 4, quand il décide enfin de ramener son hacker devant un ordinateur.
Et puis la série n’est jamais aussi jouissive que lorsqu’elle donne dans le méta : dans ce même épisode 4, la scène de flashback où Darlene et Elliot regardent le slasher parodique “The Careful Massacre of the Bourgeoisie”, qui leur donnera l’idée du hacking, figure parmi les meilleures de cette saison.
Quand aux vingt premières minutes de l’épisode 6, durant lesquelles Elliot se retrouve prisonnier de la version cauchemardesque d’une sitcom familiale des années 80, façon Too Many Cooks (il y croise même Alf), elles entrent directement dans le top des meilleures scènes de l’histoire du show.
Ces scènes méta correspondent à 100% à l’ADN de Mr. Robot : elles s’intègrent parfaitement aux enjeux narratifs du show. La première revient sur un moment clé, la genèse de la fsociety, quand la deuxième réconcilie Elliot et son double de père.
Ces six premiers épisodes restent donc fidèles à l’esprit de cette grande série sombre et parano. Mais le bât blesse du côté de l’intrigue principale, particulièrement opaque. Derrière le voile du mystère, a-t-elle au moins un sens ?
Les membres de la fsociety se sentent en danger, à raison puisque l’un d’eux est retrouvé assassiné chez lui. Ils tentent donc de couvrir leurs arrières, faisant d’Angela (qui prend enfin de l’épaisseur, ouf!) une hackeuse en un jour. Parallèlement, Darlene a pris le leadership de l’organisation et tente d’accompagner la révolution en marche (aux contours toujours très flous) par des actions coup de poing.
On nage en eaux encore plus troubles quant aux motivations de l’inquiétant Phillip Price et surtout de la “Dark army”. Les scénaristes creusent le sillon de la conspiration à échelle mondiale : on découvre ainsi que la boss du groupuscule obsédé par le temps, Whiterose, n’est autre que le Ministre chinois de la sécurité (interprété par BD Wong). On ne comprend toujours pas l’intérêt que les deux hommes avaient à laisser la fsociety hacker E Corp, et pourquoi Dominique a droit à tant d’égards de la part de Zhang.
Sam Esmail carbure-t-il aux rebondissements et aux arcs narratifs obscurs par choix (l’histoire nous est avant tout racontée par un homme à la psyché défaillante), ou est-il dépassé par sa propre création ? Il faudra au moins attendre la deuxième partie de la saison 2 pour en avoir le coeur net.