Le cinéaste était de passage dans la capitale italienne.
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Présent au Festival international du film de Rome, où il recevait un prix pour l’ensemble de son œuvre, Martin Scorsese est revenu sur l’échec de Vinyl, série qu’il a cocréée avec Rich Cohen, Mick Jagger et Terence Winter.
Lancée en grande pompe sur HBO en 2016, elle racontait les déboires d’un producteur de musique accro au rock et à la coke (ouais un peu cliché, mais passons), dans le New York des années 1970, alors que le mouvement punk était sur le point d’éclore. Dans le rôle principal, on retrouvait un Bobby Cannavale de gala. Sauf qu’après une petite saison aux audiences décevantes et un budget en droits musicaux faramineux, la série, renouvelée à la base pour une saison 2, fut finalement annulée assez brutalement par HBO, après le départ de son showrunner, Terence Winter (Boardwalk Empire), pour différend créatif, et alors que politiquement, les choses bougeaient du côté de la chaîne câblée, avec l’arrivée de Casey Bloys à la programmation.
Toujours est-il que Martin Scorsese conserve un souvenir amer de l’expérience et regrette de ne pas s’être impliqué davantage dans un projet qu’il mûrissait avec Mick Jagger depuis 20 ans. À l’origine, il souhaitait en faire un film, avant que le projet n’évolue en série. “Ce fut tragique au final pour moi, car on a essayé pendant un an. J’ai réalisé le pilote. On a tenté pendant un an avec HBO, mais nous n’avons pas réussi à unifier les éléments créatifs”, a-t-il expliqué.
Martin Scorsese en a tiré une leçon : “J’ai finalement compris que pour remédier à la situation… Je pense que j’aurais dû réaliser chaque épisode et travailler sur la série pendant trois ou quatre ans.” Pour illustrer son propos, il a cité le travail d’un autre cinéaste, Paolo Sorrentino, sur The Young Pope, qui fut un succès (une saison 2 centrée sur un pape différent est d’ailleurs en cours de production) et comparé son échec à celui de Baz Luhrmann avec The Get Down (annulée aussi au bout d’une saison). “Si vous voulez bien faire, il faut le faire comme Sorrentino. Vous faites tout. Si vous ne voulez pas vous engager autant, vous ne devriez pas faire de séries.”
Certes, si son idée était de créer une œuvre sérielle personnelle comme David Lynch avec Twin Peaks ou Steven Soderbergh avec The Knick, Martin Scorsese n’a pas tort : il faut s’engager un peu plus fortement que seulement sur un pilote. Mais il y a de nombreuses façons de créer une série. Par exemple, Boardwalk Empire, série dont il était producteur et dont il a réalisé le pilote, a connu cinq belles saisons, supervisées par Terence Winter, et n’a pas eu besoin de lui derrière la caméra pour être artistiquement accomplie.
Martin Scorsese oublie un peu vite qu’une bonne série est avant tout une série bien écrite, et pas seulement bien réalisée. Et que le monde des séries possède ses exigences et ses contraintes, différentes de celui du cinéma. Voilà pourquoi, jusqu’ici, il n’a pas laissé une empreinte indélébile sur cette industrie à laquelle il ne s’est pas (encore) adapté, contrairement à celle du grand écran.