Attention, cette critique peut comprendre des spoilers sur les six premiers épisodes d’Inventing Anna.
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Les arnaqueur·se·s ont la cote sur Netflix : alors que le documentaire L’Arnaqueur de Tinder, sorti début février, cartonne sur la plateforme, un autre contenu est sur le point de fasciner les abonné·e·s : Inventing Anna. S’il s’agit cette fois d’une série de fiction, elle est bel et bien largement inspirée de faits réels. Dans cette mini-série créée et écrite par Shonda Rhimes elle-même (ce qui n’était pas le cas de sa première production chez le géant américain, Bridgerton), Julia Garner (Ozark) se glisse dans la peau d’Anna Delvey.
De son vrai nom Anna Sorokin, cette jeune femme allemande née en Russie a vécu aux États-Unis entre 2013 et 2017, et s’est fait passer pour une riche héritière allemande auprès de la bonne société new-yorkaise. Elle a escroqué durant cette période nombre de banques, hôtels de luxe et connaissances fortunées. De plus, elle s’était mis en tête de créer sa propre fondation d’art contemporain, la Anna Delvey Foundation, et a bien failli obtenir un prêt colossal (de 40 millions de dollars) avant de se faire arrêter en 2017, après avoir réussi à rester dans un hôtel de luxe marocain pendant trois semaines sans rien payer, accumulant des dettes de plus de 10 000 $. Le total de ses arnaques se compte en centaines de milliers de dollars. En 2019, alors âgée de 28 ans, elle est condamnée pour escroquerie.
En neuf épisodes, Inventing Anna se propose de retracer son incroyable histoire, de sa transformation en Anna Delvey à son arrestation et son procès, le tout à travers les yeux d’une journaliste, Vivian, incarnée par Anna Chlumsky, qui tente de recoller les morceaux, et va interviewer Anna en prison.
Fake it, until you make it
D’Arrête-moi si tu peux au récent I Care a Lot, le cinéma se passionne depuis toujours pour les histoires d’arnaqueur·euse·s, au point d’en faire un sous-genre en soi. Et pourtant, le format de la mini-série semble au final plus adapté, car il permet davantage qu’un long-métrage de prendre son temps pour retracer ce type d’itinéraire “rise and fall” (ascension et chute), des débuts aux grandes arnaques, jusqu’à la chute finale. Inventing Anna démarre doucement. On a du mal à saisir clairement la personnalité de la jeune femme, ce qui la rend à la fois fascinante mais aussi quelque peu évanescente, comme si elle n’en avait pas vraiment, en réalité.
La passion naissante de la journaliste, Vivian, pour cette affaire n’est pas forcément communicative d’emblée. Quand elle commence à rassembler les pièces du “puzzle Anna” sur son moodboard d’enquêtrice (on sent les mèmes à venir…), fait de publications Insta imprimées où la jeune femme change de perruques, on est un peu à deux doigts de la parodie. Le versant journalistique de l’enquête, s’il est fun à suivre, n’est clairement pas toujours plausible.
Heureusement, le deuxième épisode part sur une structure un peu plus compréhensible façon Le Silence des agneaux, avec Anna Delvey à la place de Hannibal Lecter. Vivian incarne alors une Clarice Starling, qui tente d’amadouer un drôle d’oiseau narcissique pour sortir son article. Les épisodes suivants copient cette même trame, en incorporant des flashbacks vers les grands moments de fraude d’Anna, à travers ses différentes connaissances richissimes, qui ont toutes été fascinées par le cran, le style et la personnalité de leur ancienne amie, avant de se faire arnaquer.
Il est toujours divertissant de voir comment Anna s’immisce dans leur vie et dans leur psychologie pour mieux les manipuler. Le secret de cette géniale impostrice pour entourlouper les personnes évoluant dans cette classe sociale n’est pas si compliqué : il suffit de les singer et de s’y croire autant qu’eux. Et de s’y connaître en art contemporain. Le personnage a ceci de fascinant qu’Anna a beaucoup travaillé, à sa façon (pas vraiment salariée), pour en arriver à quasiment réussir à emprunter des millions de dollars et à lancer sa propre fondation, sans un sou en poche. Elle-même semble s’être tellement investie (ses connaissances en art, en mode, en architecture, en langues étrangères) qu’elle ne sait plus distinguer le vrai du faux.
Le capitalisme gagne toujours
Si on comprend ce que cette histoire a de fascinant – surtout quand l’enquête démontre les moyens dérisoires avec lesquels elle a pu tromper son monde (elle falsifie ses déclarations avec Microsoft Word, une adresse email anonyme et en utilisant un téléphone jetable !) pendant si longtemps – son interprète Julia Garner ne réussit qu’à moitié à nous rendre accro à sa version d’Anna Delvey. Peut-être en raison de l’accent qu’elle prend, ou d’une personnalité au final assez détestable (que ce soit durant ses années de fraude ou quand Vivian fait sa rencontre derrière les barreaux), qui fait qu’on a du mal à croire que cette personne ait pu s’attirer les faveurs et la sympathie de tant de gens.