La dernière production brandée Netflix est tel un accident de voiture : c’est un carnage, mais on ne peut pas s’empêcher de regarder. Pour mieux être consterné. Attention, spoilers.
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La satire est un art qui, s’il n’est pas maîtrisé, peut vite tourner au mauvais goût. C’est le cas pour Insatiable, la dernière création de Netflix qui se traîne un bad buzz monumental depuis la publication de son trailer. Taxée de grossophobie, la série de Lauren Gussis (Dexter) a suscité une déferlante de haine de la part de la critique américaine. Pendant que Vulture la qualifie de “désastre total”, des médias comme Thrillist ou IndieWire crient haut et fort qu’Insatiable est “la pire série de Netflix à ce jour”. Un retour de flamme mérité ? En partie, oui.
Parlons d’abord du pitch. Dans Insatiable, on suit les tribulations de Patty, une lycéenne d’abord en surpoids qui finit par obtenir la taille d’une mannequin Victoria’s Secret en un été. Son régime miracle ? Après avoir été frappée au visage par un SDF, notre héroïne est contrainte d’avoir la mâchoire fermée et ne peut se nourrir que de liquides. Armée de son “revenge body“, elle va se découvrir une confiance en soi inouïe et, après une rencontre fortuite avec un avocat/coach, se lancer dans le monde ultracompétitif des concours de beauté.
Le propos de la série, déjà bancal, n’est pas aidé par les dialogues qui se montrent souvent maladroits, quand ils ne sont pas abjects. “J’étais grosse, j’étais hors de contrôle”, énonce Patty lors d’un monologue interne, faisant un doux amalgame qui fait grincer des dents.
À maintes reprises, Insatiable établit une corrélation entre le fait d’avoir des kilos en trop et celui de ne pas être sain d’esprit. Au fil des épisodes, on persiste à croire que le message va s’éclaircir. Mais non ! Pour la série, la dichotomie est telle qu’être gros, c’est mal, et faire une taille 34, c’est bien.
Par moments, Insatiable tente de nuancer cette notion-là en montrant une Patty dubitative, se demandant si son mal-être intérieur n’aurait finalement rien à voir avec le poids affiché sur sa balance. Le hic, c’est que cet aspect est dilué par la majorité des scènes où l’héroïne de la série diabolise son ancien alter ego, Fatty Patty, en n’accentuant que les instants où elle était au fond du trou à cause de son apparence. Pour un public jeune et potentiellement influençable, la portée d’Insatiable, qu’on suppose involontairement grossophobe, est déplorable.
Mais ça ne s’arrête pas là ! Parce qu’en plus d’offrir une image ostensiblement négative des personnes grosses, la dernière production de Netflix n’épargne aucune minorité. Chez Insatiable, tout le monde est logé à la même enseigne. Entre vannes douteuses sur l’homosexualité (constamment présentée comme un vice à éviter), sexisme ambiant et blagues de cul qui tombent à plat, la série s’en donne à cœur joie.
On mentionnera également certains aspects problématiques de cette première saison vaseuse, à l’instar d’une storyline impliquant une fausse accusation de viol (parce qu’après tout, qu’est-ce que #MeToo ?!) et la relation borderline entre Patty et Bob, son coach qui est dans la quarantaine.
On voit d’ici venir les défenseurs d’Insatiable, brandissant leur étendard “mais on ne peut plus rien dire en 2018” avec vigueur. Bien entendu, un monde où toutes les séries seraient aseptisées et lisses au possible, ça n’est d’aucune utilité. On peut rire de tout (ou presque), mais de la bonne manière. Et ça, Insatiable ne semble pas l’avoir compris.
En douze épisodes – la durée de cette cuvée inaugurale –, la satire est loin d’être bien menée. Des séries comme Glee ou Dear White People, voire des longs-métrages à la Heathers, ont pourtant montré qu’il était possible de mettre au monde des satires percutantes, qui savent allier propos réfléchi et humour piquant.
Malgré tout, on décèle une volonté de vouloir faire les choses bien dans cette première saison d’Insatiable. Les décors, cartoonesques et simplistes, contribuent à créer un univers comme en marge de la réalité, mais ce n’est pas suffisant pour rendre le propos de la série totalement digeste.
En fin de compte, on tient là un show qui se montre plus offensant que provocateur, et la frontière entre ces deux qualificatifs est particulièrement fine. Tellement fine qu’Insatiable s’y est pris les pieds et s’est bien vautrée.
Verdict final ? Si vous cherchez une série originale et aboutie qui dépeint les personnes grosses sous un meilleur jour, testez plutôt Dietland. Et si vous êtes plutôt d’humeur à mater une série ado haute en couleur et over the top, on aurait plutôt tendance à conseiller Awkward ou encore Faking It. Quoi qu’il en soit, éviter Insatiable semble être le meilleur régime à suivre.
La première saison d’Insatiable est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 10 août.