C’est peut-être un détail pour vous, mais une chatte ça veut dire beaucoup.
À voir aussi sur Konbini
L’ultime tour de piste de Girls invite forcément au bilan. Il y a beaucoup de choses à dire sur la série de Lena Dunham, son rapport au féminisme, à la musique, ses “bottle” épisodes, comment elle a importé le mouvement mumblecore dans le monde des séries… Mais le sujet le plus important du show est charnel. Les corps féminins, en particulier celui d’Hannah, ont une histoire. Si Sex and the City a libéré la parole des femmes autour du sexe, Girls a libéré les corps féminins comme jamais auparavant.
Dans le pilote de Girls, diffusé en 2012, Lena Dunham montre pour la première fois ses courbes, qui ne correspondent pas aux standards de l’entertainment hollywoodien, mais à une réalité. Son corps se retrouve au centre d’une conversation post-sexe avec Adam : elle lui explique d’où viennent ses tatouages (des illustrations de livres d’enfants) et pourquoi elle les a fait (une façon de reprendre le contrôle après une grosse prise de poids). Elle ne se montre pas encore frontalement, mais déjà, on peut voir les corps féminins dans des actions du quotidien que l’on évite soigneusement de montrer habituellement dans une série : Marnie sur la lunette des toilettes, Marnie et Hannah en pleine discussion autour de la baignoire, des scènes de sexe d’un réalisme dérangeant (parce qu’on n’y est pas habitués).
Le corps de Lena Dunham est son outil de travail le plus important dans Girls
Elle l’explore sous différentes facettes, et c’est bien la première fois que l’on assiste à ça à la télévision. Elle le tord dans tous les sens, parfois en allant vers des situations comiques, notamment lors de scènes de danse mémorables, où le voilà libéré de tous les carcans. On ne s’en est peut-être pas rendu compte au fil des saisons de Girls, mais Lena Dunham a joué les gymnastes un nombre incalculable de fois, que ce soit lors de scènes de sexe, de remuage de popotin ou plus banalement dans les nombreuses séquences où Hannah tente de trouver l’inspiration, d’écrire, allongée dans son lit, sur le sol, sur le canapé…
Son corps lui permet d’évoquer les maladies sexuellement transmissibles (le papillomavirus en saison 1), les infections dont on ne parle jamais et qui sont pourtant si communes chez les filles (oui je parle de toi, saleté de mycose vaginale, que subit Hannah en saison 2). Quand elle en perd le contrôle, il devient le vecteur de son Trouble Obsessionnel Compulsif : on se souviendra toujours de cette douloureuse scène dite “du coton-tige” qu’elle s’enfonce trop loin dans l’oreille parce qu’elle voulait “laver bien au fond”. Ces passages sur son TOC sont assez fascinants à revoir.
Lena Dunham, qui a souffert elle-même de la même pathologie, incarne parfaitement la détresse, l’impuissance et la peur qui s’emparent alors d’Hannah. Pour tenter de reprendre le contrôle, elle se coupera les cheveux de façon catastrophique, provoquant chez le spectateur un mélange d’émotions contraires : compassion pour le drame que vit Hannah, hilarité devant cette coupe extrêmement ratée (qui se voulait dans le style Carey Mulligan et se termine en Mireille Mathieu sous acide) et au final gêne monumentale.
Au final, ce n’est pas le corps, vecteur de toutes les expérimentations, qui ne va pas chez Hannah, mais la tête. Contrairement à son interprète, Lena Dunham, qui a lutté avec son image avant de réellement l’accepter, Hannah n’est pas décrite comme quelqu’un qui a des soucis avec son corps. Si les séances de sport (le ping-pong avec Patrick Wilson, le footing avec Adam Driver, le surf avec Riz Ahmed) la montrent particulièrement gourdasse avec son corps, le but ici est comique.
Le reste du temps, elle vit avec son corps une relation apaisée et semble à l’aise dans diverses situations, que ce soit seins à l’air, en string ou complètement nue. Au point de réaliser une séance photo complètement nue sous l’objectif de son pote Ray en saison 5 (auquel elle tentera plus tard de tailler une pipe pour le remercier d’être venu la chercher au milieu de nulle part), ou de montrer sa chatte en mode Basic Instinct (de façon totalement inappropriée, mais c’est une autre histoire) à son boss. Dans le premier épisode de la saison 6 de Girls, Hannah en vadrouille dans les Hamptons pour un article, va en profiter pour faire bronzer son vagin au soleil, dans le plus grand des calmes.
On aurait du mal à compter le nombre de fois où Hannah a exposé son corps nu dans sa série. Ceux qui ont vu dans ce choix artistique un exhibitionnisme malsain n’ont rien compris. L’un des grands mérites de Girls aura été de mettre en scène un personnage féminin qui n’a pas les mensurations d’une Barbie ET qui s’en contrefout ET qui séduit des mecs plutôt pas dégueu, qui s’en foutent aussi. Hannah a d’autres soucis dans la vie – son état mental, sa vie professionnelle, ses amies – pour ne pas faire de fixette sur une volonté de perdre du poids.
Les séquences dénudées de son personnage ont souvent créé la polémique et fait couler systématiquement beaucoup d’encre. Si Lena Dunham a donné l’impression d’être provocante, c’est qu’aucune série avant elle n’avait pris autant de libertés avec la représentation de la nudité féminine, et n’avait utilisé à ce point un corps pour nous raconter des histoires.
En dévoilant régulièrement ses petits seins, ses bourrelets, ses fesses ou sa chatte au naturel, Lena Dunham a participé ces dernières années à une révolution au long cours, celle de la représentation des corps féminins sur le petit écran, qui accompagne un véritable changement de société. Dans une scène de la saison 6, Paul-Louis (Riz Ahmed) s’étonne du buisson bien visible d’Hannah, qui lui rétorque qu’un vrai vagin de femme ressemble à ça en fait. Une scène peut-être un poil didactique, mais nécessaire. Merci Lena Dunham.