Rory, Lorelai et tous leurs voisins farfelus sont (enfin) de retour le temps d’un revival sympathique, mais pas exempt de défauts. Attention spoilers.
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Stars Hollow, la ville imperméable au temps
Sept années de caféine, de junk food, de joutes verbales bien piquantes. Sept saisons de festivals farfelus, de références culturelles, de “where you lead, I will follow”. Lorsque Netflix a annoncé en octobre 2015 que les Gilmore Girls rempileraient pour quatre épisodes king-size, l’incrédulité s’est installée. Après avoir été morte et enterrée en 2007, impossible de croire que cette pépite regrettée du paysage sériel renaîtrait de ses cendres (ou, plutôt, de son marc de café). Et pourtant. De l’hiver jusqu’à l’automne, Stars Hollow réouvre ses portes et nous propose un nouveau voyage au rythme des saisons.
Loin des yeux, loin du cœur, c’est ça la rengaine ? Or l’adage ne s’applique pas aux habitants décalés de la petite ville de Gilmore Girls. En près de neuf ans hors de l’antenne, il s’en est passé des choses. Et, en même temps, pas tant que ça. Miss Patty continue de donner des cours de ballet, Babette a conservé sa voix rauque et sa grande gueule, les répétitions du rock band de Lane perdurent. La routine a beau être un concept décrié, il fait bon retrouver le statu quo de Stars Hollow, cette bourgade intemporelle où la criminalité semble inexistante.
Même la maison Gilmore, avec ses teintes sépia et ses babioles rétro, n’a pas changé d’un poil. Quant aux femmes de la famille, c’est une autre histoire. Le quotidien de Lorelai est rythmé par son implication sans faille au Dragonfly et sa relation avec Luke, qui lui, est toujours aussi bougon. De son côté, Rory est sur la pente descendante après un papier incroyable publié dans le New Yorker. Au rayon des amours, tout n’est pas au beau fixe puisqu’elle se tape le charmant Logan Huntzberger, lequel est fiancé avec une certaine Odette. Ce qui nous pousse à nous poser la question : est-ce vraiment un prénom ? Odette existe-t-elle IRL ?
Les Gilmore dans tous leurs états
Revenons à nos moutons, ou à nos cochons, ce qui serait plus adéquat étant donné que l’excentrique Kirk est désormais papa d’un cochon de compagnie répondant au doux nom de Pétale ! Clairement l’un des meilleurs nouveaux personnages de cette fournée d’épisodes. Bref, outre les moments fun aux dialogues cinglants, Gilmore Girls: Une nouvelle année est placée sous le signe de la crise existentielle. Rory peine à savoir quelle direction elle veut donner à sa vie. Doit-elle écrire la biographie d’une mégalomane complètement timbrée ? Devenir journaliste pour un site so cool à la Buzzfeed ? Devenir mère porteuse pour l’agence de fertilité tenue par sa meilleure ennemie Paris ? Tant d’alternatives s’offrent à elle. Pourtant, son choix final se porte sur l’écriture d’un livre directement inspiré de sa relation avec sa mère. Une idée très méta, donnant l’impression que la boucle est enfin bouclée.
Pour Lorelai, le problème est tout autre. En dépit d’une vie rangée où tout est là pour la combler, elle paraît insatisfaite. Elle va même jusqu’à décider impulsivement de prendre des affaires de camping et un énorme sac à dos de rando pour partir à l’aventure façon Cheryl Strayed dans Wild (le bouquin, pas le film). Malheureusement, sa pseudo crise existentielle prend davantage des airs de caprice qu’autre chose. Cela dit, ce comportement reste cohérent avec le personnage. Lorelai n’a jamais brillé par sa maturité, ayant une fâcheuse tendance à prendre ses cliques et ses claques dès que quelque chose lui fait peur. En neuf ans d’absence, elle ne semble pas avoir grandi.
Pour une évolution efficace et touchante à souhait, c’est vers la matriarche Emily qu’il faut se tourner. La mort soudaine de son bien-aimé (Richard Gilmore, aka Edward Herrmann, lui aussi décédé en 2014) l’a véritablement bouleversée. Rarement le deuil n’a été traité d’une manière aussi délicate et sincère. À aucun moment le personnage ne tente de nous faire pleurer à chaudes larmes. A contrario de sa fille, la crise existentielle d’Emily sonne juste, d’autant plus qu’elle traverse cette étape charnière de sa vie avec une certaine solitude.
Lorelai et Rory étant trop prises par leurs occupations respectives, elle passe le plus clair de son temps dans cette immense demeure qu’elle ne reconnaît plus. Berta, sa dernière employée de maison qu’elle a finalement apprivoisée après des années à enchaîner les bonnes, est son seul rapport social constant. Livrée à elle-même, Emily atteint le point de non-retour lorsqu’elle met tout en œuvre pour se faire exclure de son club élitiste de trophy wives. Là, elle lâche sa première injure dans toute l’histoire du show : “bullshit !”. Un acte anodin pour beaucoup, derrière lequel se cache sa volonté d’aller de l’avant.
Entre modernité et nostalgie
Si les femmes Gilmore sont chacune à un tournant décisif, leurs relations sont inchangées : conflictuelle entre les deux plus âgées, fusionnelle entre Rory et sa mère. Au-delà de la thématique de remise en question qui plane sur ce revival, il est rassurant de voir que certaines choses sont restées intactes. Dans cette optique, les conversations façon ping-pong verbal entre Lauren Graham et Alexis Bledel nous mettent du baume au cœur tant elles sont fidèles aux saisons originales. Les actrices n’ont pas perdu de leur énergie et se glissent sans difficultés dans leurs alter ego au débit déconcertant.
Comme à l’accoutumé, leurs échanges sont ponctués de clins d’œil à la pop culture. Dans Gilmore Girls: Une nouvelle année, Jennifer Lawrence, Uber et même les Kardashian ont eu droit à une petite mention. Le personnage délicieusement asocial de Michel entérine les doutes subsistant sur son homosexualité supposée pour s’assumer ouvertement. Dans le même registre, une LGBT Pride devrait avoir lieu à Stars Hollow, aussi improbable que cela puisse paraître. Au bout du compte, ce revival réussit le pari risqué de mettre au goût du jour la série sans interférer sur ses fondements. Un sentiment de nostalgie est présent dès le premier épisode et nous accompagne jusqu’aux fameux quatre derniers mots.
À travers des références aux saisons précédentes ou en faisant revenir le maximum de guests possible au degré de pertinence variable, Gilmore Girls: Une nouvelle année baigne énormément dans le fan service. Mais pas seulement les fans de la série ! Amy Sherman-Palladino, la créatrice du show, a tenu à inclure une poignée d’acteurs ayant également tourné dans Bunheads, un autre de ses bébés à l’atmosphère étrangement similaire à Stars Hollow. Ceux qui suivent de près la filmographie de Lauren Graham auront aussi reconnu des visages familiers de Parenthood, l’autre fiction marquante de sa carrière.
Pour la faire courte, ce revival joue la carte de la nostalgie à fond, quitte à surcharger ses épisodes et vouloir inclure des instants à l’utilité discutable (la comédie musicale lors de l’épisode 3 était particulièrement soporifique). Si l’évolution de certains protagonistes peut laisser perplexe, cette escale passagère à Stars Hollow fait sacrément du bien. On y reviendrait presque.
L’intégralité de la série est disponible dès maintenant sur Netflix.