Dans “Quite a ride”, les univers de Better Call Saul et Breaking Bad s’entrechoquent plus que jamais

Dans “Quite a ride”, les univers de Better Call Saul et Breaking Bad s’entrechoquent plus que jamais

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©AMC

Saul Goodman n’est plus très loin.

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Plus encore que Breaking Bad, qui nous montrait peu de choses sur le Walter White pré-Eisenberg, Better Call Saul est une passionnante étude de cas psychologique qui décortique avec beaucoup de nuances l’évolution d’un personnage, en l’occurrence Jimmy McGill.

Et de psy, il en est question dans cet épisode de la saison 4, “Quite a Ride”, sans nul doute l’un des meilleurs de la série, parce qu’il nous donne à observer trois facettes (et bien plus de nuances) de la personnalité de Jimmy, interprété par le fantastique Bob Odenkirk.

La scène d’introduction pose les enjeux d’un épisode pivot dans l’histoire de l’avocat loser : pour la première fois dans Better Call Saul, on fait face à un flash-back qui nous ramène au temps de Breaking Bad, avec un Saul Goodman très agité. Vêtu d’une chemise violette brillante des plus kitsch, il donne des ordres à sa secrétaire et réunit un peu d’argent avant de fuir son business avec Walt et Jess, et de se réinventer une nouvelle fois.

De retour dans “le présent”, Jimmy est sur le point de découvrir si son stratagème malicieux pour attirer les clients à CC Mobile (il a peint sur la vitrine un message publicitaire destiné aux grands paranos, de son cru : “Quelqu’un vous écoute ? Nous vendons de la discrétion”) fonctionne.

Évidemment, le choix de le faire travailler dans une entreprise qui vend des mobiles n’est pas anodin. Le motif du téléphone est récurrent dans la trajectoire du personnage. Le téléphone fait partie des outils fétiches de Jimmy pour arriver à ses fins. La série ne s’appelle pas Better Call Saul pour rien. D’ailleurs, Saul Goodman téléphone en kit main-libre avec un micro intégré, car il est devenu le roi des bullshiteurs.

L’art délicat de se mentir à soi-même

Mais avant d’être un avocat, l’homme est surtout un commercial de génie, au remarquable don de persuasion. Quel est l’outil majeur du vendeur, quoi qu’il veut que vous achetiez d’ailleurs ? Le téléphone. Et comme le montre plus tard cet épisode, Jimmy est capable d’en vendre un paquet… à sa manière. C’est-à-dire vers une heure du matin, dans la rue, à des marginaux en tout genre.

Voilà venir la deuxième facette du personnage, explorée dans les premières saisons de BCS : celle de “Slippin’ Jimmy”, le roi de l’arnaque, qui sait faire de l’argent facile en imaginant des combines. En insistant sur “la discrétion” (toute relative en réalité, c’est un mobile comme les autres, Jimmy a juste trouvé un bon angle pour vendre son produit) qu’offre son modèle de portable, il finit par refourguer tout son stock, après avoir changé de tenue au préalable, revêtu d’un jogging et d’une chaîne en plaqué or de circonstances pour faire des affaires à cette heure avec ce type de population.

À ce moment-là, Jimmy, qui refuse de gérer la mort de son frère (et s’échappe de son appartement en disant à sa compagne “It’s all good”, clin d’œil à l’expression “It’s all good man” qui lui donnera l’idée de se rebaptiser “Saul Goodman”), ne s’est jamais senti mieux dans ses baskets. Et puissant. Il peut manipuler tout le monde, même un gang de bikers tout droit sortis de Sons of Anarchy. Il est sûr de son pouvoir. Son illusion de contrôle va s’envoler en quelques minutes, quand trois jeunes cons viennent lui dérober le fruit de son travail. Jimmy pense donc qu’il serait peut-être temps de suivre les conseils avisés de sa copine, Kim, qui lui avait donné le numéro d’un bon psy.

L’homme est à un tournant : il souhaite sincèrement tourner la page de ses frasques. C’est ce qu’il dit dans la dernière scène de l’épisode à son agent. Il veut redevenir avocat et s’associer avec Kim pour monter une nouvelle firme. “Ce sera pareil mais tout sera plus gros. Je serai un super avocat et tout le monde le saura…” Avant de se faire couper par l’agent, qui lui dit : “Ok.” Clairement, Jim se bat toujours avec ce besoin de reconnaissance de sa valeur, sa self estime que lui a volé Chuck. En clair, il a besoin d’un vrai psy.

Ses rêves d’adulte ne sont pas censés le mener à se faire tabasser dans un endroit sombre à une heure du matin. Sauf qu’une partie de lui l’estime trop brillant pour ces conneries et a toujours envie de prendre un chemin détourné pour arriver à ses fins, plus risqué mais plus payant. Littéralement, c’est-à-dire qui lui fait gagner plus vite de l’argent. Les chemins de traverse, que son frère lui a toujours reproché de prendre.

Et finalement, Jimmy ne compte aucunement appeler le psy. Après avoir vu un Howard décomposé, qui lui avoue suivre une thérapie, il déchire le contact que lui a donné Kim. Ça semble douloureux, d’entamer une psychothérapie… C’est plus facile de mentir, et de surjouer le détachement dès que le nom de Chuck arrive sur la table. Et à force de se raconter des histoires, de jouer les grands cyniques et d’écarter ce qui fait son humanité, Jimmy finira par devenir… Saul. Rien ne va plus chez Jimmy, mais it’s all good, man.

La saison 4 de Better Call Saul est diffusée sur AMC, et en France sur Netflix tous les mardis.