Depuis son lancement sur Netflix, la comédie Emily in Paris a enflammé les réseaux sociaux en raison de sa peinture caricaturale au possible de la capitale française et de ses habitant·e·s. Fraîchement débarquée de Chicago, Emily va vivre dans un Paris de carte postale, avec vue sur la tour Eiffel, footing aux Tuileries et voisin beau gosse, accessoirement chef cuisinier.
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Alors d’un côté, on a avalé notre croissant au beurre de travers face à certaines scènes over the top (du genre Emily avec son béret rouge en train de déguster une baguette au goûter) voire blessantes pour notre ego, de l’autre, certaines blagues basées sur des clichés se révèlent assez drôles. Parmi l’amoncellement de clichés présents dans la série, on en a retenu quelques-uns qui nous ont bien fait marrer (ou énervé, c’est selon) parce qu’il faut bien l’avouer, ils ne sont pas complètement faux !
La chambre de bonne au dernier étage, sans ascenseur
Avec en bonus, une gardienne pas sympa ! C’est connu mais c’est malheureusement vrai et la série s’en amuse dans le premier épisode : une grande partie des appartements parisiens ne disposent pas d’ascenseur – et pas seulement ceux avec des anciennes chambres de bonne. Alors certes, ça fait les cuisses de monter six étages tous les jours, mais on ne va pas se mentir, c’est carrément relou.
Pour ce qui est des lieux en question, en revanche, on est loin de la vérité – pour en avoir visité un paquet (dont un avec la douche dans la cuisine, pourquoi pas ?). Le studio d’Emily ressemble davantage à un loft de charme dans un des arrondissements les plus chers de Paris qu’à une chambre de bonne. Et j’attends toujours de croiser un voisin aussi sexy que Gabriel. D’ailleurs, attention, plot twist violent pour ceux et celles qui l’ignorent : à Paris, les voisins ne se parlent pas.
Les Français·e·s sont vulgos et ont un sale caractère
Même si on n’a pas tous et toutes un caractère de cochon, disons que d’un point de vue américain, on peut effectivement passer pour des personnes peu amènes. Sans être aussi bitch que Sylvie, la boss d’Emily qui a trop regardé Le Diable s’habille en Prada, le·la Français·e et encore plus le·la Parisien·ne stressé·e peut légèrement manquer de tact, surtout au petit matin, si il ou elle n’a pas encore pris son café et son croissant au beurre et se tape la ligne 13 pour venir au taf ! Mais une fois passée cette période initiale d’hostilité, on peut se montrer aussi serviable que Gabriel et sourire à la vie (voire aux gens les grands soirs).
Cette scène de l’opéra est aussi plutôt accurate : on vous confirme que ce genre de mec parisien et snob, qui sait toujours tout mieux que sa copine, existe dans la vraie vie. Et qu’effectivement, une des meilleures façons de lui répondre reste encore de le planter et de lui faire un gros doigt, comme Emily.
Au menu : vin rouge et déjeuner à rallonge
Parmi les petites piques exagérées mais pas complètement fausses : il y a le fait qu’à Paris, on commence tard le matin (vers 9 h 30/10 heures) et qu’on prend des pauses déjeuner plutôt conséquentes le midi. Pas forcément avec du vin, mais admettons. Ce que la série ne dit pas vraiment, ou maladroitement, c’est que si les Parisien·ne·s prennent leur temps au début de la journée, c’est parce que celle-ci est longue, que leurs vies pro et perso se mélangent et qu’ils ne finissent pas de bosser à 17 heures, mais plutôt à 20 heures. Emily in Paris a une vague tendance à nous faire passer pour des flemmasses alcooliques, il s’agirait de rétablir la vérité !
Les Français·e·s et le sexe
Si la série interroge avec une certaine pertinence la culture française de la séduction à l’ère Me Too (dans l’épisode 3 “Sexy ou sexiste ?”), elle surfe aussi paradoxalement sur des clichés assez sexistes. Les hommes comme les femmes seraient plus libéré·e·s, enclins à être infidèles envers leur partenaire et à mélanger allègrement vies pro et perso. Tout le monde ne partage pas cette vision fantasme de la sexualité à la française. Cette vision est reproduite dans la série de façon malaisante : Emily reçoit de la lingerie de la part d’un client qui semble avoir le double de son âge (et on lui dit que c’est normal et qu’elle même risque de se mettre Sylvie à dos, donc c’est de sa faute alors qu’elle n’a rien demandé). Puis elle flirte avec un autre riche client à qui on donne la quarantaine, et tout cela est montré de façon très casual. Pour faire bonne mesure, on la verra aussi coucher un soir avec un jeune homme qui se révèlera, à son grand désarroi, mineur.
On n’a effectivement pas la même vision que l’Amérique sur les questions de sexualité. Mais la série semble faire croire que, comme on est français·e·s, on pense que tout ça est fun, messy et sexy. En réalité, cette vision est très masculine, comme l’a démontré le mouvement Me Too. Si certaines stars, comme Catherine Deneuve et ses copines déconnectées, ont défendu la “liberté d’importuner” des hommes (sous-entendre de draguer lourdement quand on n’a rien demandé), d’autres, et dans tous les domaines de la société, ont haussé la voix pour dénoncer le système patriarcal spécifiquement à l’œuvre en France, qui utilise la prétendue sexualité libérée des Françaises pour mieux les dominer.
Cette culture de “séduction à la française” que découvre Emily, et qui voudrait que les femmes et les hommes soient des êtres sexuels libérés d’un quelconque système de domination, 100 % consentant·e·s et sur un pied d’égalité au lit, est un pieu mensonge qu’il serait bon de ne pas reproduire ad vitam eternam dans les séries qui parlent de la culture française. C’est peut-être le seul cliché qui m’a véritablement énervée dans la série, car c’est le plus réac’.
On fume comme des pompiers
Vous ne le savez peut-être pas, mais aux États-Unis, il est interdit de fumer à moins de plusieurs mètres des commerces et restaurants dans la plupart des États. Cela fait longtemps que l’Amérique a banni la cigarette. En France (comme dans beaucoup de pays latins), la séparation est plus longue. Rien n’empêchera les habitant·e·s de la capitale de se poser en terrasse, chauffée l’hiver, avec un verre de vin et une clope au bec.
Si le nombre de fumeur·se·s baisse chaque année (24 % des Français fument quotidiennement contre 28 % en 2014), il n’y a pas si longtemps (cinq, six ans), cela pouvait arriver qu’un·e employé·e ou une star je-m’en-foutiste de passage se mette à fumer dans les locaux. Mais évidemment, cette scène dans laquelle Sylvie fume avec son client dans les locaux de son entreprise, en plein jour, est carrément exagérée.
On ne supporte pas quand une personne ne parle pas français
Si Emily veut imposer son point de vue américain à ses collègues un peu vite, la série pointe du doigt un point assez vrai, surtout chez les boomeurs : la fierté de la langue française. Beaucoup ne parlent pas anglais et ne font aucun effort pour comprendre les étranger·e·s ou touristes de passage dans notre beau pays.
Dans un épisode assez drôle, la jeune femme tacle d’ailleurs le fait que la langue de Molière est genrée, et parfois de façon absurde (on dit “le vagin”, alors qu’on parle de l’organe génital féminin) mais elle se fait régulièrement engueuler par ses collègues parce qu’elle ne parle pas français. Ce qui n’est pas franchement pertinent, sachant que son secteur, le marketing (même de luxe), est tout de même dominé par le langage anglo-saxon, et si l’on suit l’histoire, c’est la firme de Chicago, d’où vient Emily, qui a racheté l’agence Savoir. Ajoutons que pour les besoins de la série, de nombreux personnages lui parlent… en anglais. Dans la vraie vie, chers anglophones, je suis au regret de vous informer que vous trouverez peu de personnes en France qui vous parlent aussi bien anglais ! Mais vous le savez sûrement déjà : le Paris d’Emily n’existe, heureusement, la plupart du temps que dans sa série.
L’intégralité de la première saison d’Emily in Paris est disponible sur Netflix.