La troublante 13 Reasons Why a fait couler beaucoup d’encre. Les spectateurs, adolescents ou parents inquiets, ont vivement réagi. Attention, spoilers.
À voir aussi sur Konbini
En adaptant le roman éponyme de Jay Asher, le scénariste Brian Yorkey s’est attaqué à un livre emblématique sur l’adolescence, qui a marqué bon nombre de ses jeunes lecteurs. Mais, même en restant relativement fidèle à l’œuvre originale, il a pris, avec les producteurs, dont l’actrice Selena Gomez, la décision de représenter l’impensable. Bien sûr, il s’agit d’une fiction et le suicide de son héroïne, Hannah, est autant un outil narratif (c’est ce qui lance l’histoire) qu’une sincère conversation sur les souffrances qu’elle a pu encaisser.
Beaucoup de téléspectateurs et de critiques ont été bouleversés par la série. Comme le rapporte Le Monde, ce sont près de 8 millions de tweets qui ont été échangés depuis le 31 mars (jour de lancement de la série sur Netflix), et un pic de recherches sur Google a été enregistré, battant tous les records, même ceux établis par les mastodontes Hunger Games ou Harry Potter. Sur Tumblr, le temple des fandoms, on ne peut pas non plus échapper à 13 Reasons Why qui y est reprise sous forme de gifs, de citations inspirantes ou dévastatrices. Bref, on pourrait dire que cette série, que personne n’attendait vraiment comme un événement, a su trouver son public et, déjà en l’espace d’une saison, se créer une fan base solide et active sur les réseaux sociaux.
Chargement du twitt...
Et c’est l’un des constats plutôt positifs que l’on peut faire de ces 13 épisodes : ils provoquent la conversation. Les créateurs ne s’en cachent d’ailleurs pas : ils n’ont pas juste voulu raconter une histoire, mais ont souhaité ouvrir les consciences aux problèmes traversés par Hannah : le harcèlement, le slut-shaming et, in fine, le suicide. La discussion autour de l’intrigue de la série – qui est sur les cassettes ? Qui a fait du mal à Hannah ? – glisse alors rapidement vers un sujet beaucoup plus tabou. On parle alors de série importante, nécessaire, qui vient briser le silence sur le suicide des adolescents, et va jusqu’à le représenter sans prendre de gants, mais avec, tout de même, beaucoup de pudeur.
Si 13 Reasons Why a délié les langues et a même compté pour certains, comme ils en témoignent à tour de rôle sur les réseaux sociaux, elle a aussi alarmé certaines associations et parents. Ces derniers craignent en effet un phénomène de “contagion” lié à une “glamourisation du suicide”. Interrogé par le Washington Post, Dan Reidenberg, directeur exécutif de la Suicide Awareness Voices of Education (SAVE), une association américaine de prévention, constate “une vague d’inquiétude venant de la communauté qui lutte contre le suicide des jeunes, suscitée par la série”. Selon lui, le passage à l’acte d’Hannah et le fait qu’elle raconte les événements après sa mort via les cassettes auraient tendance à “glorifier” le suicide. Pour lui, “les jeunes ne sont pas très doués pour séparer la fiction de la réalité. Et cela devient encore plus difficile quand on doit soi-même lutter contre ce type de pensées”.
Pourtant, si elle n’a pas vocation à représenter tous les cas de figure, ni à être un spot de prévention contre le suicide, 13 Reasons Why a pris soin de raconter “une” histoire, celle d’Hannah. Et si sa fin peut prêter à débat, elle est pourtant montrée de façon presque insoutenable, loin de l’idée que se font ses détracteurs d’une “glamourisation” de l’acte. À cet instant précis, Hannah reprend possession de son corps, celui qu’on s’est approprié, qu’on a commenté et critiqué, qu’on a sexualisé, puis violé. Elle décide que jamais plus personne ne s’en emparera. Et les épisodes qui précèdent montrent bien l’accumulation, crescendo, des brimades, brutalités et traumatismes qu’elle a subis.
13 Reasons Why, parce qu’elle prend le parti de dénoncer ces sujets difficiles, se heurte à ceux qui ne voudraient la réduire qu’à cela : une représentation parfois maladroite (certains diront même dangereuse) du suicide. Elle a pourtant eu le grand mérite, comme avant elle la série de MTV Sweet/Vicious, d’éveiller les consciences sur le bullying et de provoquer la discussion. On trouve d’ailleurs, juste avant les épisodes les plus problématiques, des “trigger warnings”, ces panneaux indiquant que ce qui suit montre une scène de viol ou de suicide, dont les images difficiles peuvent heurter la sensibilité des téléspectateurs.
La série s’accompagne de toute une panoplie d’outils pour aider les personnes concernées et leur entourage, comme ce site. Puis, à la toute fin de la saison, Netflix a ajouté un épisode spécial, qui revient sur tous les thèmes abordés dans la série, en compagnie des acteurs, des producteurs et d’une psychologue spécialisée dans les troubles de l’adolescence. Un débrief bienvenu sur ce que l’on vient de voir et qui revient sur l’importance de la parole dans ce genre de situation.