Dans un mail adressé aux décideurs de Netflix, Raphael Bob-Waksberg s’est fendu d’une argumentation infaillible.
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“Some things are worth fighting for” (“certaines choses méritent qu’on se batte pour elles”), dit-on au pays de l’oncle Sam. En voulant faire un épisode muet de BoJack Horseman, Raphael Bob-Waksberg s’attendait sans doute à faire face à quelques réticences. Il a donc décidé de devancer les éventuels doutes de ceux qui tiennent les cordons de la bourse (et qui ont droit de vie ou de mort sur sa série).
Si la liberté créative des showrunners qui écrivent pour des séries Netflix n’a jamais été remise en question, le créateur de BoJack Horseman savait qu’il prenait un risque. C’est simple, sur l’échelle des idées qui font flipper les exécutifs des chaînes, il y a 1/ tuer un personnage important, 2/ faire un épisode musical, et 3/, tout en haut de la pyramide des angoisses, l’épisode muet.
Tel un commercial en croisade, prêt à vous vendre coûte que coûte le produit auquel il croit, Raphael Bob-Waksberg a alors envoyé un mail à Netflix, qu’il partage aujourd’hui sur son compte Twitter. Et c’est un véritable plaidoyer pour le droit au silence !
“Selon mon expérience, prendre le temps de convaincre ces personnes, ça vaut toujours le coup”
C’est là qu’il dégaine ses “fun facts”, qui sont visiblement le fruit d’une recherche minutieuse : il cite d’abord les 99 % de critiques positives du film en pâte à modeler Shaun le mouton sur le site Rotten Tomatoes (un agrégateur de reviews) et mentionne notamment celle de Vulture, vantant l’intérêt dramatique d’une telle absence de dialogues.
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Puis, après avoir rappelé que parmi les récents courts-métrages d’animation oscarisés, certains étaient justement des histoires racontées sans piper mot, il donne le coup de grâce. L’un des meilleurs épisodes de la série Buffy — correction : l’un des meilleurs épisodes de l’histoire des séries tout court — était muet. C’était “Hush” (“Un silence de mort”, en VF), le dixième de la saison 4, diffusé en 1999. Ce dernier avait d’ailleurs été nommé aux Emmy Awards dans la catégorie du meilleur scénario.
Raphael Bob-Waksberg appuie sa démonstration en citant Alan Sepinwall, l’un des plus fameux critiques de séries américain, qui qualifiait alors l’épisode de “magnifiquement audacieux”. Le showrunner de BoJack Horseman évoque bien sûr d’autres exemples du cinéma, de Wall-E à The Artist, mais a-t-on vraiment besoin d’arguments supplémentaires après Buffy ? Évidemment, non.
Et le résultat de cette lettre de motivation à l’adresse de Netflix (qui a bien sûr donné son feu vert) ? Un épisode parfait, tout simplement. Le quatrième de la saison 4 de BoJack Horseman, intitulé “Fish out of water”. Notre héros équin est contraint de se rendre à un festival de cinéma pour y représenter son film, Secretariat. Toute l’action se déroule sous l’océan, et BoJack est, pour ainsi dire, en terre étrangère. Ne connaissant pas la langue, il est contraint de rester muet.
Le monde du silence n’a jamais aussi bien porté son nom. C’est là que l’on se rend compte du nombre d’informations que l’on peut transmettre sur une série, son univers, ses protagonistes, en quelques lignes de dialogues. En s’imposant cette contrainte, et ce risque qui peut autant effrayer les diffuseurs que les spectateurs, Raphael Bob-Waksberg s’est débarrassé du superflu pour ne garder que la substantifique moelle : son héros.
BoJack le dépressif, le connard, le loser, n’a jamais été aussi touchant et… humain, finalement. Un vrai tour de force, et probablement le meilleur épisode de la série à ce jour. Time Magazine l’a d’ailleurs classé numéro 1 de ses meilleurs moments télévisés de 2016. Raphael Bob-Waksberg a bien fait d’insister !