Le regard des autres
La reine du game
Au-delà de sa personnalité qui la place du côté des méchants dans Game of Thrones, la position de Cersei dans cette saison 7 est assez unique en son genre. Voilà une reine qui joue avec les codes du genre masculin, possède une sexualité, et ne se laisse dicter sa stratégie par personne. A contrario, Daenerys, la “Mère des dragons”, est sacralisée, et change de stratégie en écoutant tour à tour Tyrion et Jon Snow. La Main de Cersei, Qyburn, la conseille sur l’opérationnel, en ressuscitant La Montagne ou en déterrant la super-arbalète tueuse de dragons. De son côté, la reine tient les cordons de la bourse et adopte sa propre tactique pour contrecarrer l’ennemi.
Et puis, on doit clairement aux Lannister les scènes les plus sensationnelles de la saison. Après l’échange mémorable entre Jaime et feu Olenna Tyrell, on retiendra du season finale les retrouvailles émotionnellement intenses entre Tyrion et Cersei, puis le face-à-face final sous haute tension entre la reine et son grand amour interdit, qui finit par prendre la tangente, sans savoir à quelle sauce il va être mangé. À chaque fois, la séquence est tellement forte (chapeau aux grands acteurs que sont Peter Dinklage, Lena Headey et Nikolaj Coster-Waldau) qu’on se demande si ses deux frères vont s’en sortir vivants.
Perdus dans un blockbuster américain, les showrunners David Benioff et D.B Weiss ont parfois sacrifié la cohérence des personnages sur l’autel de l’action. Ainsi, plusieurs protagonistes secondaires passés maîtres dans l’art subtil de la realpolititk de Westeros ont péri un peu rapidement (big up à Olenna Tyrell et Littlefinger) quand Daenerys délaissait une stratégie patiemment élaborée pendant quasiment 10 ans pour les beaux yeux de son neveu d’un homme dont elle venait de faire la connaissance. Le personnage de Cersei Lannister, au contraire, possède une trajectoire et des motivations claires, ce qui se traduit par des actions cohérentes.
Plaçons-nous deux secondes du côté de Queen Cersei voulez-vous. D’un point de vue stratégique, elle a diablement raison de laisser le clan Targaryen-Stark en panade devant les White Walkers, comme elle l’explique si bien. S’ils gagnent, ils reviendront amoindris à Port-Réal et elle aura alors sa chance de les vaincre. S’ils perdent, il sera toujours temps de tirer la sonnette d’alarme aux quatre coins de Westeros pour prendre les armes ou, au pire, de délocaliser le pouvoir sur une île puisque nos amis les Marcheurs Blancs ont apparemment un gros souci : ils ne savent pas nager (mais peut-être savent-ils monter sur un bateau, bref, c’est une autre question). Elle a tout à gagner à jouer au général de Gaulle (“Je vous ai compris !!”) devant Daenerys et à préparer en douce son coup avec Euron. Alors, certes, ce n’est pas très très fair-play tout ça, mais si 7 saisons de Game of Thrones nous ont appris quelque chose, c’est que le Trône de fer ne s’acquiert ni se conserve à la loyale.
Entre tactiques de bâtard et tragédie shakespearienne (famille ! Inceste ! Vengeance ! Haine !), Cersei Lannister a envoyé du lourd cette saison, et tout ça l’air de rien. Pourquoi ? Parce qu’elle représente l’essence du Game of Thrones que l’on a suivie pendant six saisons.
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