Tandis que la troisième saison de la série arrive aujourd’hui sur Netflix, on s’est penché sur cette comédie atypique, où le rire se mêle brillamment à la mélancolie.
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Cet équilibre, entre comédie et mélancolie, est précaire. Constamment sur le fil du rasoir, BoJack Horseman se pare des atours de la sitcom animée, aux dessins un peu naïfs, pour mieux exposer les névroses de son héros. Pas besoin d’édulcorer, ni d’adoucir le tout avec de bons sentiments. BoJack est dépressif. BoJack est cruel avec son entourage. BoJack se fout de tout.
“We’re cynical and we’re sad and we’re mean” (“On est cyniques, on est tristes et on est méchants”) dit Wayne à Diane.
BoJack Horseman explore cet état de dépression comme rarement vu dans une série, même dramatique. On est loin des clichés auxquels nous a habitués Hollywood. Le héros n’essaie pas d’échapper à sa condition, car sa souffrance, sa lassitude, est tout ce qu’il a. C’est une peau qui le rend imperméable au bonheur.
Et d’ailleurs, le recherche-t-il vraiment, ce bonheur ? Si BoJack ne supporte pas l’optimisme béat de Mr Peanutbutter, c’est en partie parce que ce dernier est le petit ami de Diane, mais aussi parce que ce bonheur affiché lui file la gerbe. Manquerait plus que ce soit contagieux ! Peut-être aussi parce que c’est un état qu’il aimerait atteindre mais a conscience que cela lui est interdit.
Quelle qu’elle soit, de la plus profonde détresse émotionnelle à une lassitude nihiliste du quotidien, la dépression se place sur un large spectre. Dans le cas de BoJack, c’est un trou noir, une force qui aspire tout et finalement ce fardeau, il le fait sien.
Car il a quelque chose de confortable, de familier. On s’y replie, on l’entretient, on se refuse presque à s’en débarrasser parce qu’après tout, tenter d’avancer, c’est aller vers l’inconnu, et ça, c’est terrifiant. BoJack cultive sa dépression comme un trait de caractère, portant le cynisme et la mélancolie comme un étendard.
Le rire n’est pas l’antidote
Sa routine, celle qui lui pèse tant, sa gloire passée, qui est un boulet qu’il traîne au pied, son rejet des autres, sont manifestes dès le générique. Il y navigue, tel un somnambule, pour finir au beau milieu de sa piscine, seul dans sa luxueuse baraque, à flanc de colline et isolée de tout.
Tout ce qui contribue à l’enterrer un peu plus dans la dépression, BoJack le cultive. Volontairement solitaire, il refuse de s’ouvrir même à sa meilleure alliée, Diane, sa biographe. La perspective d’une amitié lui est insupportable. Parmi son entourage, certains l’ont bien compris et refusent de le laisser se complaire dans ce cynisme permanent.
Il veut souffrir en silence ? Bien ! Diane ne l’épargne pas. Elle ne lui ment pas non plus et ne lui dira jamais qu’il est une bonne personne. Pourtant, quand la carapace se fissure, la comédie qui nous fait rire de son malêtre devient un crève-cœur.
“See, people respond to the flawed portrait I painted of you. They see themselves in it.” (“Tu vois, les gens répondent à ce portrait peu flatteur que j’ai fait de toi. Ils se voient en toi”) lui dit Diane au sujet de la biographie qu’elle a écrite.
Cette cruelle satire qui cloue au pilori le culte de la célébrité et sa toxicité sur nos vies, est finalement d’une délicate empathie pour son héros dépressif, en dépit de ses travers. Et pour ne rien gâcher, ce triste sire nous fait quand même bien marrer.
BoJack Horseman, dont la saison 3 est disponible depuis aujourd’hui sur Netflix, vient d’être renouvelée pour une saison 4.