Rendons à Skyler ce qui appartient à Skyler.
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Pour fêter dignement les dix ans des débuts de Breaking Bad sur AMC, EW a consacré une couverture aux protagonistes de la série culte. L’occasion pour toute la troupe de se remémorer les souvenirs de tournage et les scènes clés de ce qui est devenu un des chefs-d’œuvre incontestables du petit écran. Si pour Bryan Cranston, qui a incarné magistralement Walter White, ce terne prof de chimie devenu peu à peu un mafieux sans foi ni loi, la popularité de son personnage n’est plus à prouver, Anna Gunn, qui interprétait le rôle de Skyler, n’a pas vraiment connu le même amour des fans. Ces derniers ont pris en grippe son personnage, le qualifiant de “chiant”, “bitchy” ou encore “hystérique”. Comme certains fans ont une vague tendance à ne pas savoir faire la différence entre un protagoniste fictif et son interprète, l’actrice garde de cette époque un mauvais souvenir. Les attaques teintées de sexisme contre Skyler avaient même conduit l’actrice à écrire un papier sur le New York Times.
Interviewée par EW, Anna Gunn revient sur ce qu’elle a ressenti à ce moment-là :
“J’étais choquée. En tant qu’actrice, mon boulot n’est pas de jouer constamment des personnages attachants. Ce n’est pas intéressant. En réalité, les personnages plus difficiles sont en quelque sorte plus intéressants. Mais quand vous vous retrouvez dans une série qui devient aussi populaire, et que les gens vous identifient avec quelqu’un qu’ils n’aiment pas, vous ne pouvez pas vous empêcher de vous sentir visée.”
Alors pourquoi les fans de Breaking Bad ont-ils été tant gênés par le personnage de Skyler ? Après tout, elle a bien raison de ne pas supporter la transformation de son mari, qui, de son point de vue, passe d’un père de famille et d’un homme aimant à un psychopathe qui pense qu’il personnifie le danger (“I am the danger, I am the one who knocks”) !
“C’était très étrange et déroutant. Il y a une combinaison de sexisme, de préjugés sur les rôles genrés, et honnêtement, le show est brillamment construit. Les gens ont trouvé un héros en Walt, et ils étaient tellement connectés avec lui que voir cette personne, qui était son antagoniste – son plus grand antagoniste d’une certaine manière –, leur a donné l’impression qu’elle l’empêchait de faire tout ce qu’il voulait […].”
Toute cette période a marqué Anna Gunn, autant personnellement que dans sa carrière. Elle en a retiré une vraie leçon de vie :
“Cela a créé chez moi un vrai séisme et un changement dans ma vie. Je suis vraiment heureuse d’avoir réussi à traverser cela, et j’ai réalisé que ce n’était pas à propos de moi. Ce n’est pas à propos de moi, Anne Gunn, et ce n’est même pas vraiment à propos de Skyler. C’est la façon dont les gens se sont connectés à lui. Cela révèle la façon dont les gens s’accrochent, peut-être, à de vieilles idées sur comment une femme ou une épouse devrait agir ou se comporter. Au final, le changement n’est pas toujours confortable ou plaisant, mais c’est bien que cela ait été porté à l’attention des gens.”
Il y a une personne dont Anna Gunn ne parle pas, et qui n’a pas vu venir toute cette déferlante de haine envers Skyler, c’est le papa de Breaking Bad, Vince Gilligan, qui a écrit ce personnage en pensant plutôt que les gens auraient du mal à s’attacher à Walter. De son propre aveu, ce dernier aimerait changer ça s’il avait “une baguette magique”.
Si vous vous relancez dans un binge-watching de Breaking Bad pour fêter dignement ce 10e anniversaire, à la lumière de ces analyses, suivez avec attention le personnage de Skyler et demandez-vous : son comportement est-il si agaçant et incompréhensible que cela ? Non.