Syfy a trouvé sa série horrifique d’anthologie façon American Horror Story avec Channel Zero et ses creepypastas terrifiantes annoncées au menu.
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Pas facile de trouver une place dans la catégorie “série d’horreur” au sein du calendrier chargé des séries de l’année 2016. Entre la reprise d’American Horror Story, les possessions démoniaques de The Exorcist et d’Outcast, la fantastique Stranger Things ou encore le slasher Scream, Syfy a décidé de tenter sa chance avec Channel Zero, une série d’anthologie énigmatique et creepy à souhait, dont la première saison s’intitule Candle Cove.
Candle Cove est un programme pour mouflets sorti en 1988. Sa diffusion serait liée à de mystérieux meurtres d’enfants dans la petite ville d’Iron Hill, dans l’Ohio. Trente ans auparavant, plusieurs kids avaient déjà disparu dans des circonstances suspectes. Aujourd’hui, les sinistres marionnettes de pirates qui animent l’émission sont de retour sur les écrans de la bourgade. Les enfants sont captivés et ensorcelés par ce show inquiétant, fait de décors en papier mâché lugubre et de personnages aux sourires à vous glacer le sang. En revanche, leurs parents sont incapables de voir l’émission, remplacée à leurs yeux par la “neige blanche” d’un signal non reçu sur un écran.
Légendes urbaines et creepypastas
L’histoire de Channel Zero: Candle Cove a l’audace de traiter un aspect trop peu souvent utilisé dans l’horreur. Il s’agit des légendes urbaines créées sur Internet, ou creepypastas. Ainsi, l’émission Candle Cove “existe” IRL, montée de façon amateur. Elle contient de surcroît un épisode terrifiant où tous les personnages se mettent à hurler à la mort pendant une (longue) minute, le tout parcouru par l’image subliminale d’un teddy bear sanguinaire, qui ne vous veut pas vraiment du bien. La série fait d’ailleurs une référence directe à cette vidéo dans l’épisode 5. C’est tout aussi intriguant que le mythe du “Bloody Mary”, si et seulement si vous croyez aux apparitions spectrales revanchardes.
Derrière cette base de creepypastas, les scénaristes de Channel Zero ont rajouté un massacre d’enfants, avec un zeste de surnaturel et un sous-texte déjà vu, mais qui fonctionnent toujours (cf Black Mirror) : les méfaits des écrans sur l’esprit humain. Mais contrairement à la série récupérée par Netflix, Channel Zero a préféré aborder la thématique avec une atmosphère old school, que le spectateur prend plaisir à parcourir.
Nostalgie à la Stranger Things
On est loin des références au cinéma fantastique des années 1980 présentes dans presque chaque plan de Stranger Things. Toutefois, Channel Zero comporte de nombreux flashbacks qui transpirent les effluves de l’époque de la télévision carrée. Ces passages narratifs permettent de mieux saisir le passé de la ville, de l’histoire de Candle Cove et du rapport aux meurtres d’enfants d’aujourd’hui. Ces séquences dévoilent alors de multiples références à l’horreur et aux longs-métrages des années 1980/1990, comme The Ring (les flocons de la télé), Poltergeist (les objets qui s’animent tout seul) ou encore les romans de Stephen King, Ça en tête (les phobies liées à l’enfance). C’est léger et suffisamment implicite pour donner à la série une atmosphère pesante et singulière.
On observe également évoluer des personnages nostalgiques, qui reviennent sur les traces de leur passé. C’est le cas du héros Mike (Paul Schneider), en quête de rédemption et à la recherche de l’origine de Candle Cove. Il est dévoré par la culpabilité depuis l’assassinat de son frère, complètement manipulé par l’émission pendant leur jeunesse. Les deux sont étroitement liés à Candle Cove. De fait, on doute constamment de la véracité des propos de Mike, sujet à de nombreuses hallucinations : est-il vraiment en train d’enquêter, ou bien est-il complètement fou depuis son séjour en hôpital psychiatrique ? La série débute d’ailleurs par un énigmatique interrogatoire, qui représente le dilemme de son esprit : croire en ses chimères, ou rester terre à terre et accepter la disparition de son frère.
C’est d’ailleurs de l’imagination avec un grand “i” dont parle la série. Celle des enfants, mais aussi celle des adultes qui refusent de grandir. Elle parle de ces peurs viscérales qui nous terrorisent, celles qui se rapportent au syndrome de Peter Pan : les monstres cachés sous le lit, les rideaux qui bougent tout seuls ou les apparitions suspectes dans le noir. Mais dans Channel Zero, l’imagination dépasse l’entendement : les enfants sont des meurtriers, les adultes deviennent les victimes apeurées. La série emporte le spectateur dans une histoire sordide, bizarre, qui dérange. Mais elle ne dépasse jamais la limite de l’écœurement et de la névrose, contrairement à sa grande sœur American Horror Story.
Plus contemplative qu’American Horror Story
L’évolution de l’intrigue de Channel Zero est lente et brumeuse. On se perd parfois à démêler le vrai du faux. Les scénaristes prennent le temps (dans la mesure du possible, la saison 1 ne comptant que six épisodes) de nous raconter le contexte des protagonistes, afin de comprendre l’influence du passé sur la situation présente. De fait, on sursaute rarement mais la surprise de voir surgir un nouvel élément fantastique n’en est que plus belle.
Si American Horror Story joue sur la surenchère, le gore et le malaise, Channel Zero s’avère plus contemplative. La peur ressentie par le spectateur progresse en même temps que le personnage de Mike avance sur son enquête. Au début, il est serein et semble paré à toutes les situations. Puis au fil des épisodes, l’incompréhension et l’inquiétude s’insèrent dans son esprit, alors que les tragédies d’Indian Hilll et la panique engendrée par Candle Cove s’intensifient.
Ce faux rythme ne fonctionne pas à tous les coups. Parfois, les visages des marionnettes ont un semblant de kitsch, tandis que Paul Schneider a tendance à forcer son jeu lors des scènes dramatiques. Si ces situations provoquent le sourire, un élément reste parfaitement accompli. Il s’agit du monstre à dents aux enjeux énigmatiques, joliment réalisé, qui agit comme le Charon de Candle Cove. Et qui fait de la gentille petite souris un véritable cauchemar éveillé.
Tout comme American Horror Story, Channel Zero regorge de bonnes histoires terrifiantes à raconter un soir de pleine lune alors que le courant est coupé. Elle devra prouver sur la durée (la série n’a pas encore été renouvelée par Syfy) ses qualités de storytelling. Bref, on se resservira avec appétit un peu de creepypastas, tant que les successeurs du monstre à dents auront toujours autant de mordant.