Jeudi 4 mars 2021, un homme masqué lançait un live sur YouTube dans lequel il brûlait une œuvre de Banksy (authentifiée par Pest Control, l’organisme officiel de certification des œuvres du street artiste) sous les yeux des internautes. L’homme annonçait qu’il mettait le feu à Morons, un tableau datant de 2006, afin d’en “générer une nouvelle forme”, celle d’un “NFT”.
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Les non-fungible tokens (ou “jetons non fongibles”) sont des objets virtuels “à l’identité, l’authenticité et la traçabilité en théorie incontestables et inviolables, grâce à la technologie dite de la blockchain (utilisée pour les cryptomonnaies)”, précise l’AFP. Les “NFT” parent les œuvres numériques d’une certification d’authenticité et d’unicité grâce à la blockchain : la personne détentrice d’un “NFT” est assurée d’en être l’unique propriétaire, et de le rester.
L’homme masqué, qui se présentait comme membre d’un collectif anonyme “d’amoureux d’art et des ‘NFT'”, représentait surtout l’entreprise spécialisée dans la blockchain Injective Protocol. L’entreprise aurait acheté l’œuvre Morons pour 95 000 dollars, informe CBS, avant de la brûler et de la transformer en actif numérique pour la vendre aux enchères sur la plateforme Open Sea.
Le pyromane anonyme explique en préambule de la vidéo qu’il est “important” de brûler l’œuvre physique, afin d’élever la valeur de son pendant numérique – qui serait moindre si une version physique circulait toujours. De plus, il affirme que cette “cérémonie de crémation” permet de “protéger” à jamais l’œuvre, qui ne peut être altérée si elle n’existe plus physiquement.
Une œuvre qui n’a pas été pas choisie au hasard
Injective Protocol aurait pu choisir n’importe quelle œuvre à brûler. Son choix s’est porté sur un tableau de Banksy en référence à la destruction de La Petite Fille au ballon rouge par l’artiste lui-même, fin 2018. Parce qu’elle a été filmée, la combustion de Morons est devenue une performance – quoique quelque peu hésitante –, se parant elle-même d’une dimension artistique.
“Morons”, 2006. (© Banksy)
La performance est d’autant plus méta que l’œuvre choisie pour la vente montre un commissaire-priseur à côté d’un tableau sur lequel on peut lire : “Je n’arrive pas à croire que vous, bande de débiles, achetiez cette merde.” Quelques jours après avoir dévoilé une nouvelle fresque sur le mur d’une prison et avoir vu une autre démurée, Banksy n’a pas communiqué quant à cette nouvelle bizarrerie touchant son travail, qu’il refuse toujours de voir monétisé.
Le crypto-art sous les projecteurs
Si l’action peut paraître tirée par les cheveux, elle s’inscrit dans la lignée de l’ouverture du marché de l’art au crypto-art. Par exemple, jusqu’au 11 mars 2021, la très prestigieuse maison de vente Christie’s met aux enchères sa première œuvre numérique, signée Beeple. Mis à prix à 100 dollars, le “NFT” atteint déjà les 3,7 millions de dollars, trois jours avant la clôture de la vente.
La chanteuse Grimes a, elle aussi, mis aux enchères dix œuvres numériques sous forme de “NFT”, empochant près de six millions de dollars. Au début du mois de mars, le géant Damien Hirst a annoncé accepter les cryptomonnaies pour la vente de sa dernière série : “J’aime l’art, j’aime le monde de la cryptomonnaie, et je suis heureux et fier d’annoncer que je place ma confiance dans le Bitcoin et l’Ethereum, et que je les accepte pour cette vente”, a-t-il écrit sur son compte Instagram.
Les sommes astronomiques et l’attention que concentrent ces ventes de “NFT” (autant chez les spécialistes des cryptomonnaies que chez les artistes et maisons d’enchères) semblent indiquer que le crypto-art est en passe de devenir une force majeure sur le marché de l’art contemporain.
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