“La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire”, a déclaré fermement Emmanuel Macron hier soir, dans une allocution officielle portant sur les dernières étapes du déconfinement. Sans directement mentionner le décès de George Floyd – événement pivot et amplificateur de la lutte du mouvement Black Lives Matter –, le président faisait ainsi référence à des dégradations de plus en plus nombreuses liées au mouvement.
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Ces deux dernières semaines, on a pu observer la conquête de l’espace public par des associations luttant contre la glorification des actes coloniaux et esclavagistes perpétrés au cours de l’histoire. Partout dans le monde, notamment au Royaume-Uni et en Belgique, plusieurs porte-parole d’associations ont ainsi remis en cause la présence de nombreuses statues de figures politiques et militaires, ayant acquis pouvoir et privilèges par l’esclavagisme.
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En France, on pense par exemple aux statues, écoles et rues en l’honneur de Jean-Baptiste Colbert, dans le collimateur des associations antiracistes. Certaines ne pardonnent pas au ministre et homme de confiance de Louis XIV d’avoir été l’instigateur du “Code noir”, base légale de l’esclavage dans l’empire colonial français. La statue de Gallieni dans le 7e arrondissement parisien est également scrutée.
Une colère mondiale
La toute première statue à avoir été vandalisée se situe à Tervuren, près de Bruxelles, en Belgique, où un buste de l’ex-roi belge Léopold, l’un des personnages les plus importants de la colonisation de la République démocratique du Congo, a été recouvert de peinture rouge. Depuis, de nombreux·ses manifestant·e·s se sont engagé·e·s à dresser des “cartes interactives”, faisant l’inventaire de différentes statues à déboulonner.
Parmi ces groupes, l’initiative qui fait le plus parler d’elle s’intitule “topple the racists” : une carte interactive recensant toutes les statues que les militant·e·s souhaitent voir disparaître au Royaume-Uni. Les statues déjà déboulonnées apparaissent en rouge, pour signifier aux utilisateur·rice·s lesquelles ne sont plus un problème pour leur cause.
Cette carte cible 60 statues à travers le pays, dont une quinzaine à Londres avec, entre autres, celles de Christophe Colomb, de William Gladstone et des monarques Oliver Cromwell, Charles II et James II. Cette liste intervient après que la statue d’Edward Colston, un marchand d’esclaves, a été retirée puis jetée dans le port de Bristol par des manifestant·e·s le 7 juin. Banksy a d’ailleurs proposé une idée pour la remplacer.
La statue de Robert Milligan, un propriétaire d’esclaves du XVIIIe siècle a également été retirée de la place qu’elle occupait depuis 200 ans, dans l’est de Londres, après une pétition lancée par un député travailliste.
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En France aussi, une communauté d’internautes lyonnais s’est affairée à recenser l’ensemble des statues, plaques, rues, ponts et autres monuments érigés à l’effigie de colons ou de figures de l’esclavagisme dans leur agglomération.
Une carte interactive a même été créée pour cibler une cinquantaine de lieux qui posent problème, chacun accompagné d’un commentaire personnalisé. On y retrouve par exemple le pont Napoléon Bonaparte, premier empereur des Français·es, qui aurait “rétabli l’esclavage dans les colonies françaises avec la loi du 20 mai 1802” et “tenté de coloniser l’Égypte avec environ 50 000 hommes”, indique la carte.
Une initiative controversée, que l’un des créateurs a justifiée sur les réseaux sociaux : “Enlever des statues, renommer des places, des rues, des ponts ne fait pas disparaître l’histoire, ne fait pas disparaître les livres, les documentaires, les films. Mais, l’action, populaire, antiraciste, de déboulonner des statues est simplement un acte de réappropriation du lieu public, de l’environnement, pour le rendre moins oppressif.”