Les accusations datent de septembre 2018, dans le sillage de #MeToo. Une vingtaine d’ancien·ne·s collaborateur·rice·s de sa compagnie de danse et de performances artistiques Troubleyn s’étaient alors plaint·e·s dans une lettre ouverte d’avoir subi pressions psychologiques, “humiliations” et même chantage à caractère sexuel.
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Une enquête avait été ouverte par l’Auditorat du travail d’Anvers, une section du ministère public spécialisée dans les conflits du travail. La décision est tombée lundi 28 juin à l’issue de presque trois ans d’investigations : Jan Fabre devra s’expliquer devant le tribunal correctionnel de ces accusations dont il s’est toujours vivement défendu.
L’artiste, âgé de 62 ans, est cité à comparaître pour “violence” et “harcèlement sexuel au travail” à l’égard de douze employé·e·s, ainsi qu’un “attentat à la pudeur”, précise un communiqué de l’Auditorat du travail, sans préciser l’identité des victimes présumées.
Une première audience procédurale est prévue au tribunal le 21 septembre 2021. Elle fixera un calendrier pour le procès et n’impliquera pas forcément une comparution de l’intéressé. À la fois chorégraphe, auteur, plasticien, metteur en scène de théâtre, Jan Fabre a la réputation depuis les années 1980 d’être un des artistes les plus protéiformes et avant-gardistes de son époque. Il est aussi connu pour son art de la provocation.
En 2012, il a dû s’excuser à la suite d’une performance montrant un “lancer de chats” à Anvers et qui lui a valu d’être physiquement agressé. Ses détracteur·rice·s l’accusent de provocation gratuite, par exemple pour ses pièces évoquant le sang et l’urine, ou sa performance montrant un concours de masturbation réalisée il y a une dizaine d’années.
“Chez moi, jamais”
Dans leur texte, paru en septembre 2018 sur le site du magazine néerlandophone spécialisé dans l’art rekto:verso, ces ex-collaborateur·rice·s et stagiaires de Troubleyn dénonçaient des attitudes systématiques de “harcèlement” de la part de l’artiste flamand.
Les vingt cosignataires, majoritairement des femmes, affirmaient que “l’humiliation était le pain quotidien” au sein de la compagnie. Elles expliquaient que Jan Fabre invitait chez lui des artistes sous prétexte de performances d’art visuel, et tentait alors une “approche sexuelle”.
“Je n’ai jamais eu l’intention d’intimider ou de blesser les gens psychologiquement ou sexuellement”, s’était à l’époque défendu Jan Fabre dans un droit de réponse dans la même publication. “Nous ne forçons personne ici à faire des choses qui sont considérées pour l’un, l’une ou l’autre comme au-delà de ses limites”, avait-il soutenu.
En juin 2018, à la chaîne flamande VRT qui lui soumettait une étude universitaire affirmant qu’une femme sur quatre dans le monde de la culture a déjà subi une avance sexuelle non désirée au travail, il avait répondu : “Chez moi, jamais.” “Dans notre compagnie, en quarante ans, il n’y a jamais eu le moindre problème”, assurait-il.
Intéressé par les thèmes de la mort, de la religion ou des sciences, le plasticien a déjà exposé à la Documenta de Cassel, la Biennale de Venise, au Louvre et au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, sans compter les grandes galeries à travers l’Europe.
Une quarantaine de ses sculptures en verre transparent et poussière d’os avaient été exposées lors de l’édition 2017 de la Biennale. Toujours à Venise, sa réinterprétation de la Pietà de Michel-Ange – Marie avec une tête de mort portant le corps de l’artiste flamand et non celui du Christ – avait fait couler beaucoup d’encre en 2011. En 2002, il avait revêtu le plafond de la salle des glaces du Palais royal de Bruxelles d’1,4 million d’élytres de scarabées aux reflets bleu et vert, l’une de ses réalisations les plus connues.
Avec AFP.