Des dizaines d’œuvres d’artistes occidentaux·ales de renom, amassées avant la révolution islamique et, pour certaines, jamais exposées, ont attiré de nombreux·ses visiteur·se·s au musée d’art contemporain de Téhéran, réputé pour abriter la plus grande collection moderne hors de l’Europe et des États-Unis. En deux mois, “quelque 20 000 personnes” ont visité l’exposition, soit près du double des autres événements, se félicite le commissaire de l’exposition, Behrang Samadzadegan.
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L’événement “Minimalisme et art conceptuel” présente 132 œuvres de 34 artistes contemporain·e·s de renommée mondiale, selon le directeur du musée Ebadreza Eslami. Y figurent notamment des œuvres de Marcel Duchamp, Sol LeWitt, Donald Judd et Christo et Jeanne-Claude. “L’accueil a été merveilleux”, se réjouit M. Eslami, surtout après deux années de pandémie. Selon lui, le nombre important de visiteur·se·s est notamment dû au fait que “38 chefs-d’œuvre” sont exposés pour la première fois.
Une collection précieuse et massive
La collection du musée d’art contemporain de Téhéran compte quelque 3 500 œuvres d’art, dont des centaines “très précieuses”, selon son responsable des relations publiques, Hassan Noferesti. Le musée a été inauguré sous le règne du chah Mohammad Reza Pahlavi, deux ans avant la révolution islamique de 1979.
Sa conception a été inspirée par les moulins du désert iranien, utilisés pour capter et faire circuler l’air frais dans les environnements chauds. La collection du musée a été constituée en majeure partie par l’épouse du chah, Farah Pahlavi.
Elle compte des chefs-d’œuvre d’artistes occidentaux·ales comme Paul Gauguin, Pablo Picasso, René Magritte, Jackson Pollock, Andy Warhol et Alberto Giacometti, selon le ministère iranien de la Culture. Le musée abrite également une importante collection d’art moderne et contemporain iranien.
En 2015 déjà, durant trois mois, le musée avait présenté des œuvres parmi les plus chères et les moins vues au monde. Le public avait notamment pu admirer Mural on Indian Red Ground (1950), tableau considéré comme un chef-d’œuvre de l’artiste états-unien Jackson Pollock et que des expert·e·s de Christie’s estimaient en 2010 à 250 millions de dollars.
Le minimalisme au cœur de l’exposition
Après la révolution islamique de 1979, les thèmes de nombreuses œuvres occidentales ont été considérés comme trop osés pour que celles-ci puissent être exposées. De nombreuses œuvres ont ainsi passé une grande partie des dernières décennies à languir dans les réserves du musée.
L’exposition actuelle, qui se termine mi-septembre 2022, comprend notamment un collage de l’artiste italien Michelangelo Pistoletto intitulé Green Curtains et une œuvre sans titre réalisée à partir de chanvre par la sculptrice canado-états-unienne Jacqueline Winsor.
“J’ai été ravie, j’ai vraiment beaucoup apprécié” l’exposition, affirme la peintre Solmaz Daneshvar, 28 ans, en fixant le Rock Salt & Mirror de l’artiste états-unien Robert Smithson. “C’est une période de l’histoire de l’art après les époques moderne et postmoderne et la guerre”, explique-t-elle, faisant référence aux années 1960 et 1970 durant lesquelles la plupart des pièces présentées dans l’exposition ont été produites.
“J’ai adoré la dernière salle de l’exposition en particulier, où l’artiste avait travaillé avec la lumière fluorescente”, raconte pour sa part Chahine Rajabi, faisant référence à l’œuvre Untitled de l’icône contemporaine états-unienne Dan Flavin.
Le minimalisme et le conceptualisme ont tous deux émergé dans les années 1960 en réaction aux mouvements artistiques prédominants de l’époque, à savoir l’expressionnisme abstrait et le modernisme. “Lorsque nous parlons de minimalisme, nous parlons principalement de l’environnement et non de l’œuvre : c’est ce qui doit être pris en considération pour l’agencement de l’exposition”, souligne Behrang Samadzadegan.
Une controverse autour de la conservation des œuvres
Mais l’exposition a fait l’objet d’une controverse la semaine dernière lorsqu’une vidéo amateur a montré deux insectes argentés sous le cadre en verre d’une photo rare du défunt duo allemand de photographes Bernd et Hilla Becher.
Devenue virale, la vidéo, dont l’authenticité n’a pas pu être vérifiée de manière indépendante par l’AFP, a suscité l’inquiétude des amateur·rice·s d’art. Le musée a ensuite présenté des excuses officielles, assurant que l’œuvre de ce duo, connu pour ses photos de structures industrielles, n’a pas été endommagée. L’institution a fermé ses portes au public pendant deux jours pour fumigation.