Les “sorcières exilées” du Ghana mises à l’honneur dans un livre photo poignant

“Quelques mots sont suffisants pour détruire une vie, des mots qui stigmatisent quelqu’un pour toujours.” C’est ainsi que la photographe Ann-Christine Woehrl décrit le pouvoir dévastateur de l’affirmation : “C’est une sorcière !”

La photographe franco-allemande (qui travaille autour de problématiques sociales, culturelles et politiques) est partie en reportage au nord du Ghana, dans les villes de Gambaga et Gushiegu. Elle y a rencontré des femmes exilées dans des refuges, forcées de s’isoler du reste de la population à cause de leur prétendue “sorcellerie”.

Pour immortaliser ces rencontres, Ann-Christine Woehrl a choisi de réaliser des portraits posés, dans “la forme la plus traditionnelle de la photographie”. “Sans la moindre interférence, chaque femme a choisi une posture qui révélait ses sentiments et montrait sa dignité et sa fierté. Le rideau noir l’isole de ce qui l’entoure, l’endroit où elle est bannie, et lui rend son identité propre”, explique la photographe.

Sa série Witches in Exile raconte l’histoire de ces femmes qui partagent un même destin tragique, celui d’être “expulsée de son village, de sa maison, de son cocon familial”. Ces accusations visent en très grande majorité des femmes, ainsi que quelques enfants et “ceux qui ne servent plus à la société : les vieux, les difficiles, les personnes malades mentalement”.

Cette volonté de redonner fierté et pouvoir à des femmes aliénées et stigmatisées fait écho aux relativement récentes réflexions philosophiques et littéraires concernant la figure de la sorcière (à l’instar de l’ouvrage de Mona Chollet Sorcières : La puissance invaincue des femmes), théorisée comme icône féministe contemporaine et polarisant des sentiments antiféministes à l’œuvre dans tous les continents et à toutes les époques.

Le livre Witches in Exile, d’Ann-Christine Woehrl, est disponible chez Kehrer Verlag.