Rodin-Picasso : une expo confronte deux artistes qui ont bousculé les codes

Rodin-Picasso : une expo confronte deux artistes qui ont bousculé les codes

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© Pablo Picasso/Musée national Picasso, Paris/Succession Picasso 2020 ; © Auguste Rodin/Musée Rodin, Paris

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Par Konbini avec AFP

Publié le , modifié le

Deux visions sur l’art moderne qui se confrontent.

Pour la première fois, Auguste Rodin et Pablo Picasso, deux grandes figures de l’art moderne qui ont bousculé les codes, sont confrontés l’un à l’autre au sein d’une exposition dans les deux musées parisiens qui leur sont consacrés. La double exposition, retardée par le confinement, est visible jusqu’en janvier 2022.

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Elle rassemble plus de 500 pièces (sculptures, peintures, céramiques, dessins, photographies) des deux artistes, provenant principalement des collections, mais aussi de quelques prêts. La gageure est audacieuse : Picasso (1881-1973) ne s’est pas directement inspiré de Rodin (1840-1917) et ne l’a peut-être jamais rencontré, même s’ils avaient des ami·e·s en commun.

“Beaucoup de points de rencontre, de convergences – dans le rapport à la nature, l’érotisme, la vision de la destinée humaine – nous sont apparus entre Rodin et Picasso, alors qu’ils ne sont pas de la même école, de la même génération”, souligne à l’AFP Virginie Perdrisot-Cassan, commissaire chargée de la partie exposée au Musée Rodin.

Auguste Rodin, “Le Baiser”, vers 1885. (© Musée Rodin, Paris)

Le jeune Picasso, en débarquant à Paris en 1900, était allé voir au pavillon de l’Alma une exposition du sculpteur alors déjà connu, admiré, controversé. Cette exposition l’avait fasciné, notamment les représentations de Balzac par Rodin. Le peintre consacrera plus tard des œuvres à l’auteur de La Comédie humaine. Dans son atelier de Barcelone, il avait punaisé à son mur une photo du Penseur de Rodin.

“Art nouveau et libre”

Travailleurs acharnés, producteurs prolifiques, Rodin et Picasso sont des collectionneurs éclectiques et passionnés par les arts des origines. Tous deux travaillent sur des séries, prélèvent pour leurs moulages des fragments d’éléments naturels, comme des feuilles ou coquillages, souscrivent au concept du “non finito” (l’inachèvement) dans l’œuvre, porté par Michel-Ange.

Ils sont aussi fascinés par le biomorphisme, la déformation des formes, et aiment se livrer à des assemblages. Tous deux refusent enfin l’académisme dans des époques de profondes remises en cause. “Ils entendent chahuter les convenances, fonder un art nouveau et surtout très libre. Ils ont un goût commun pour la simplification des traits, des lignes. Ils ne veulent céder aux injonctions ni de la critique, ni du public”, souligne Mme Perdrisot-Cassan.

L’érotisme est “leur thème commun récurrent dans toutes les phases et sur tous les supports”, note-t-elle. Il leur inspire une “démesure”, une audace, des élans géniaux, comme le montre l’exposition au Musée Rodin. Mais, alors qu’on observe “une exploration de la jubilation” dans les couples enlacés de Rodin, on trouve du conflit et de la rage dans les corps en tension de Picasso.

Pablo Picasso, “Le Baiser”, Mougins, 26 octobre 1969, huile sur toile. (© Musée national Picasso, Paris/Succession Picasso 2020)

Le rapprochement le plus fort entre les deux artistes met en regard le tympan en plâtre de La Porte de l’Enfer (d’après Dante) de Rodin et le Guernica de Picasso, représenté par une tapisserie de Jacqueline de La Baume-Dürrbach du musée Unterlinden de Colmar : deux visions de la destinée humaine face à la destruction.

Il y a aussi L’Homme au mouton de Picasso, qui a des liens avec le Saint Jean-Baptiste de Rodin, ou encore une Tête de femme de 1909 de Picasso, qui rappelle une Tête de la luxure sculptée par Rodin deux ans plus tôt. Par leur force d’expression, on peut rapprocher encore La Femme qui pleure de Picasso de la Tête de la pleureuse de Rodin, tandis que Le Penseur de Rodin et La Grande Baigneuse au livre de Picasso prennent la même pose.

Alors que la partie de l’exposition au Musée Picasso suit surtout leurs processus créatifs, celle du Musée Rodin est axée sur la crise de la représentation qui taraude les deux artistes. Le rapprochement Rodin-Picasso est-il évident ? Si Rodin est un prodigieux expressionniste et Picasso plutôt un jongleur porté vers l’abstraction, c’est l’inventivité de leurs formes et de leurs inspirations qui les rend complices.

Vous pouvez visiter cette double exposition aux musées parisiens Rodin et Picasso, jusqu’au 2 janvier 2022.

Konbini arts avec AFP.